Auteur : angiepav

Fichue étoile!

Fichue étoile!

Quand on décide de partir faire une première expatriation, on fait une colonne de « + » et une autre de « -« , on les compare, et on se dit que ce saut sans parachute dans ce trou noir de l’inconnu en vaut la peine si la colonne des « + » est plus longue que sa voisine. Une petite dose de folie et une grande envie de chambouler son quotidien permettant ensuite de convaincre les derniers indécis, si besoin en était. Si nous avions à refaire ce tableau aujourd’hui et que nous le comparions avec celui fait il y a un an, la tendance serait très certainement inversée. Pas forcément évident à comprendre vu de l’extérieur, car oui c’est vrai, on vit un truc extraordinaire. Mais à quel prix? Il faut le vivre pour le croire, tellement notre logique, notre culture et notre éducation sont mises à rude épreuve. C’est ce que je vais essayer ici de vous expliquer, et promis, vous ne verrez plus du même oeil le Passe Sanitaire.

Comme je vous l’ai déjà mentionné dans des précédents articles, notre quotidien est rythmé par des scans de QR codes, véritables sésames à la vie, sans quoi nous n’aurions que le droit de rester enfermés chez nous. Il ne s’agit pas juste de scanner ce code pour rentrer dans un restaurant, un musée ou un cinéma (c’est certes très importants mais non vital), mais il faut le faire pour franchir n’importe quelle porte. 

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Les mini-progams WeChat, avec le Health Kit de Pékin et la flèche verte avec son étoile qui tue

Pour exemple, une chose qui nous paraissait complètement inutile au début (mais à présent nous y sommes habitués), c’est qu’il est demandé de scanner pour rentrer dans un mall, et scanner à nouveau 1 minute plus tard pour rentrer dans la boutique 10m plus loin. La raison n’est pas que l’on doit montrer que l’on n’a pas attraper le COVID sur ces 10m (quoiqu’ici plus rien ne m’étonne), mais que la gestion de l’épidémie est devenue plus politique que sanitaire. En effet, une chose importante à savoir quand on vit en Chine est qu’il ne faut surtout pas faire perdre la face à un Chinois. Jamais! Cela reviendrait à lui faire perdre, à lui ainsi qu’à sa famille, son honneur, sa dignité, sa réputation. Le respect des règles est donc essentiel, et chacun n’hésite pas à faire de l’excès de zèle pour absolument être irréprochable, ne pas être remis en cause. Il a été décidé que la Chine appliquerait une politique zéro COVID, alors qu’il en soit ainsi, même si le variant Omicron met cette politique à rude épreuve. Pour reprendre mon exemple de la boutique dans le mall, chacun s’assure ainsi avoir suivi la procédure, avoir été irréprochable, pour ne pas tomber si son voisin ne le faisait pas. Un exemple plus marquant est bien-entendu celui de Shanghaï, où plusieurs hauts responsables ont été limogés, et ont souvent perdu bien plus que leur travail. 

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l’avantage des files d’attente pour se faire tester, c’est que l’on assiste à un véritable défilé de mode. Ici, je vous présente le style « t-shirt cousu sur un autre t-shirt! »

Concrètement, comment fonctionnent ces QR codes? Tout d’abord il y a le Health Kit, à présenter absolument partout, même pour rentrer chez soi, chaque province ayant le sien. Pour Pékin, c’est donc celui ci-dessous. En utilisant la fonction « Scan the QR Code to register », on fait apparaître le nombre de jours depuis le dernier test PCR (la règle actuelle est qu’il ne faut pas être au-delà de 3 jours, voir 2 dans certains cas, sachant que si les résultats tombent à 23h59, à 00h01 on est déjà à 1 jour…), ainsi que le statut vaccinal. Difficile de contourner le système, car l’image qui s’affiche est clignotante… 

 

Mais pourquoi vouloir contourner le système me diriez-vous? Car si un cas suspect est trouvé, son emploi du temps des jours précédents est étudié à la loupe, et toutes les personnes susceptibles de l’avoir croisé sont également suspectées et mises en quarantaine. Par exemple, rentrer dans un lieu un jour à 9h, même pour quelques minutes, alors que ce cas suspect y est allé le même jour à 17h, et bien vous êtes bon pour la quarantaine. La durée de la quarantaine est à priori de 14 jours (car les règles sont là, à la fois précises et pas claires, tout dépend de votre comité de quartier). Mais si on vous retrouve au bout du 13ième jour, la quarantaine ne sera que d’un jour. Oui, moi aussi j’ai arrêté d’essayer de comprendre… La conséquence de cela, c’est que l’on vit en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et le fil qui la retient n’est pas bien solide… On se pose toujours mille questions sur les risques à aller là ou là, si le jeu en vaut la chandelle. On veut vivre, on veut profiter d’être ici, on ne veut pas rentrer dans cette paranoïa ambiante, mais à quel prix? Je vous ai parlé dans mon dernier article de ce gros cluster ayant démarré dans un bar, à côté de Sanlitun (ceux qui ont lu « Robinson à Pékin » reconnaîtrons). Des amis vivant dans une résidence voisine de ce bar se sont donc retrouvés en quarantaine le lendemain. Ma copine Sophie nous a raconté nous pas avoir été averti officiellement de cette mise en quarantaine, mais elle a été alertée par des voisins que des barrières fermant la résidence étaient en train d’être installées. Elle n’était pas chez elle, son mari non plus, les enfants étaient restés seuls à la maison avec Ayi pour faire leur visio avec l’école. Ils sont donc rentrés en catastrophe, et ont dû pas mal négocier pour qu’on les laisse rentrer chez eux. Des capteurs ont alors été installés à toutes les portes d’entrée des appartements, comme le montre la photo ci-dessous. Il s’agit d’un capteur qui envoie une alarme dès que la porte s’ouvre, celle-ci ne pouvant s’ouvrir que pour aller se faire tester, et pour ramasser le sac de courses livré de l’autre côté de la porte. Mais comme on arrive toujours à trouver le verre à moitié plein, c’est mille fois mieux d’être enfermé ainsi que dans un centre de quarantaine centralisée.

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Nous avons toujours réussi à passer au travers des mailles du filets, mais jusqu’à quand cela va-t-il durer? 

En plus de ce Health Kit propre à chaque province, qui nous permet donc de nous déplacer dans ladite province, il y a aussi un autre mini-program à l’échelle nationale: la flèche verte, et sa maudite étoile (comme en rouge ci-dessous):

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C’est à cause de cette étoile que nous sommes coincés à Pékin depuis notre arrivée ici. Elle peut être rouge, orange (j’ignore la règle pour avoir ces couleurs, et je préfère ne pas le savoir), ou verte. Mais la couleur verte ne signifie pas forcément que tout est bon: si vous êtes passés par une ville avec une zone à risque moyen ou élevés, même si vous n’êtes pas rentré dans une de ces zones, un astérisque apparaît, et la plupart des villes chinoises ne vous accepteront pas sans que vous ayez fait de quarantaine à votre arrivée dans la ville. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons une seconde fois décalé nos vacances, pourtant tant attendues, car toutes personnes venant de Pékin ou Shanghaï doivent effectuer une quarantaine de 7 jours à leur arrivée dans le Yunnan. Nous avons une étoile pour Pékin depuis avril (elle avait avant disparu pour quelques jours seulement), et au moment où je vous écris, elle devrait disparaître le 5 juillet, inch’allah! Quelle est la règle qui régit tout cela? Si j’ai bien compris, car il s’agit encore d’une règle à la fois très précise et en même temps non énoncée clairement

  • apparition de l’étoile: quand une zone passe à un niveau de risque moyen ou élevé, ce qui arrive quand il y a plus d’un cas dans ladite zone sur 24h (nous ne sommes clairement pas dans les mêmes ordres de grandeur que partout ailleurs dans le monde)
  • disparition de l’étoile: s’il n’y a pas eu d’upgrade de zone sur une période de 14 jours consécutifs

Quotidiennement, nous recevons cette publication, avec un récapitulatif des zones à risques en Chine, et le nombre quotidien de transmissions. C’est un tantinet anxiogène à la longue, je vous l’accorde.

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On voit donc qu’aujourd’hui il n’y a pas eu de transmission COVID à Pékin (youpi, ça sent bon les vacances!!), Pékin étant actuellement la seule ville avec une zone à haut risque (pire qu’à Shanghaï donc). Il n’y a plus de trop de petits ronds sur cette carte, il y a peu de temps encore c’était pourtant un vrai sapin de Noël!

Cette étoile peut rapidement transformer tout déplacement en Chine en vrai cauchemar, surtout quand on est étranger, et encore plus quand on ne parle pas le chinois. Petite histoire qu’une copine belge m’a racontée (et heureusement elle parle parfaitement le chinois!). L’année dernière elle était partie en train pour des vacances avec son conjoint, vers une ville hors de Pékin, je ne me souviens laquelle. Pendant le trajet, apparition de la maudite étoile, une zone venant de passer à un niveau de risque moyen à Pékin. Anticipant que les hôtels ne les accepteraient plus, elle prit deux billets retour pour Pékin pour repartir dans l’autre sens dès leur arrivée à destination. Les différents contrôles en vigueur à leur arrivée à la gare de cette ville dont je ne me souviens le nom étaient tels qu’il fallait sortir de la gare, pour ensuite y re-rentrer pour prendre le train de retour. Sauf que la police ne les laissa pas passer, sous prétexte qu’il fallait être vacciné pour revenir à Pékin (alors qu’ils y étaient 3h plus tôt, et surtout que la vaccination n’y est pas obligatoire), encore un exemple d’excès de zèle des autorités. Les hôtels ne les acceptant plus du fait de l’étoile, la seule solution proposée fut qu’ils se fassent vacciner pour remonter dans le train. Elle prétexta alors une grossesse (imaginaire) pour justifier ne pas pouvoir se faire vacciner. La seule réponse reçue fut alors que son compagnon se fasse vacciner et rentre seul à Pékin, tant pis pour elle. Face à cette situation assez cocasse, après avoir passé la nuit sur un banc de la gare, ils trouvèrent comme solution de prendre un train les emmenant dans une autre ville encore plus loin, où là ils purent prendre un train pour Pékin sans avoir à prouver un quelconque schéma vaccinal. Oui… cet astérisque peut provoquer des situations dignes des 12 travaux d’Astérix…

En parlant du vaccin, nous avons quitté la France avant d’avoir eu la possibilité de faire notre troisième dose de Pfizer. Nous n’avons donc pas de schéma vaccinal complet. Les vaccins non chinois n’étant pas reconnus en Chine, il faudrait que l’on se fasse injecter 3 doses de Sinovac afin d’avoir un schéma vaccinal complet, mais sans dire que nous avons déjà reçu du Pfizer, les 2 vaccins ne pouvant se superposer dans ce sens. Les ambassades ont pu avoir des doses de Pfizer ou Moderna, mais uniquement pour les diplomates et leur famille, ceux-ci étant protégés par la convention de Vienne. Oui, c’est assez injuste… Espérons juste que l’on trouve une solution avant que la vaccination ne devienne obligatoire, car cela pourrait sérieusement complexifier encore plus notre quotidien en très peu de temps. A noter que dans Pékin, certains hôtels imposent déjà que leurs clients soient vaccinés (cette règle ne concernant que les étrangers).

Comme vous pouvez le supputer, le quotidien ici est très anxiogène, frustrant d’injustice, et très irrationnel. Derrière toutes ces mesures, nous sommes convaincus qu’il y a aussi une volonté de contrôler la vie de gens, de tout savoir sur ce qu’ils font. En plus de ces mini-programs qui permettent de nous suivre à la trace, les autorités passent par exemple par les écoles pour suivre tous nos déplacements. En effet, de façon quotidienne l’école devra pendant les vacances scolaires signaler à la communauté éducative du notre district  tout déplacement inter-régional et à l’étranger, des élèves ainsi que de leurs cohabitants. Et c’est un exemple parmi tant d’autres! Si vous saviez les documents que nous avons été obligé de signer pour que les enfants puissent rentrer dans l’enceinte de l’école… Notamment une attestation sur l’honneur que « nous vivons une vie simple »: « Il ne faut pas vous rendre dans les « endroits où les gens se rassemblent », ne pas assister aux formations hors ligne en dehors de l’école et autres activités de rassemblement. Il faut vivre une vie simple. » La lettre suivante était assez équivalente en termes de contenu, mais à la fin il était demandé à ce que ça soit la personne rentrant dans l’établissement qui la signe, et non leur représentant légal… ! La fermeture des écoles annoncées dès le lendemain a permis d’éviter une révolution de la part des parents.

Mais où allons-nous? Nous avons le sentiment que le pays se replie sur lui-même, qu’il se coupe du reste du monde, à l’instar de la partie nord de notre voisin plus à l’Est. Des assouplissements pour l’obtention des VISA de travail sont annoncés, les durées des quarantaines pour les retours de l’international vont être réduites, mais à quoi cela rime-t-il quand les avions sont annulés les uns après les autres? Cela fait plus de 2,5 ans qu’il n’y a plus de touristes étrangers ici, et les systèmes ont tellement évolués depuis qu’il serait impossible (ou en tous cas très compliqué) pour un touriste de venir quelques jours en vacances ici sont être accompagnés en permanence d’un guide. Un changement dans l’autre sens pourrait bien-entendu être fait tout aussi rapidement, mais l’on ne ressent pas du tout de volonté à aller dans ce sens. Je ne sais pas dans quelle période nous vivons, mais peut-être qu’un jour nous dirons « on y était quand ça s’est passé… ».

Pour conclure sur un trait d’humour, je voulais vous partager quelques SMS du fameux numéro 10100, qui nous envoie régulièrement des messages nous rappelant les bonnes règles de conduite à tenir face à l’épidémie. Il est évidement probable que la traduction proposée par l’iPhone ne soit pas parfaite, mais donne en conséquence des messages assez cocasses:

【公益短信】疫霾渐散,夏满京城。谁不想好友相聚、出门远游、拥抱自然?但是解封不等于解防,管控上松一尺、病毒可能攻一丈。只有市民朋友守住责任防线、个人防线,才能持续巩固来之不易的防控成果。【北京防控办】

[Message texte sur le bien-être public] L’épidémie se dissipe progressivement, et l’été est plein de capitaux. Qui ne veut pas que les amis se réunissent, partent pour un long voyage et embrassent la nature ? Cependant, le déblocage n’équivaut pas au déblocage. Le contrôle est relâché et le virus peut attaquer. Ce n’est que lorsque les citoyens conservent la ligne de défense de responsabilité et la ligne de défense personnelle qu’ils peuvent continuer à consolider les réalisations durement acquises en matière de prévention et de contrôle. [ Bureau de prévention et de contrôle de Pékin]

【公益短信】扫码测温别嫌烦,养成习惯保安全。当前疫情传播风险依然存在,请市民朋友进入社区(村)、单位、商务楼宇、商场超市、宾馆酒店、乡村民宿、餐饮饭店等公共场所时按要求测温验码。您的每一次驻足,既是科学防疫的必要环节,又是首都市民的文明体现。【北京防控办】

[SMS pour le bien-être public] Scannez le code pour mesurer la température. Ne vous inquiétez pas. Développez des habitudes pour assurer la sécurité. À l’heure actuelle, le risque de propagation de l’épidémie existe toujours. Les citoyens sont invités à prendre les codes de contrôle de la température au besoin lorsqu’ils entrent dans les communautés (villages), les unités, les bâtiments commerciaux, les centres commerciaux, les supermarchés, les hôtels, les familles d’accueil rurales, les restaurants et autres lieux publics. Chaque fois que vous vous arrêtez, ce n’est pas seulement un lien nécessaire pour la prévention scientifique des épidémies, mais aussi une incarnation civilisée des citoyens de la capitale. [ Bureau de prévention et de contrôle de Pékin]

 

Le (et l’ancien!) Palais d’été

Le (et l’ancien!) Palais d’été

Tout d’abord quelques nouvelles du front pékinois. Finalement pas de reprise en présentiel des enfants à l’école d’ici à la fin de cette année scolaire. Re-fermeture des bars et d’un grand nombre de lieux culturels, et il est de plus en plus probable que nous devions décaler à nouveau nos vacances dans le Yunnan… La raison: une personne qui s’ignorait positive (car n’avait pas fait les tests PCR requis toutes les 48h par les autorités pékinoises depuis 2 semaines) a fait la tournée des bars il y a une dizaine de jours (dans un quartier que l’on pourrait comparer au Carré, les Liégeois comprendront), et lesdits bars ne contrôlaient pas scrupuleusement les Health Kit. Résultats: le plus gros cluster COVID jamais enregistré à Pékin depuis le début de la pandémie. Le monsieur en question est à présent en prison paraît-il. Le plus terrible dans cette histoire, c’est que des lycéens du lycée français se trouvaient dans un de ces bars pour fêter la fin de l’année scolaire, et une dizaine d’entre-eux ont été envoyés (seuls) en quarantaine centralisée. Comme disait mon amie Lydie hier matin, une semaine en Chine nous fait gagner 10 ans en maturité, sagesse, résilience. Vous n’allez plus nous reconnaître quand nous reviendrons! 😂

Quand j’ai besoin de me convaincre que notre séjour ici est tout de même une belle expérience, et bien j’écris! Aujourd’hui, je vous propose donc une visite du Palais d’été (Yíhéyuán 颐和园, littéralement jardin de l’harmonie préservée), ainsi que de l’ancien Palais d’été (Yuánmíng Yuán 圆明园, jardin de la clarté parfaite), difficile en effet pour moi de les dissocier. Situé au nord-ouest de la Cité Interdite, dans le quartier des prestigieuses universités chinoises, ce lieu est immense. La visite dont je vais vous parler, nous l’avons d’ailleurs faite en trois fois, dont la première en février, une des journée les plus froide de notre premier hiver pékinois.

Le Palais d’été qui existe aujourd’hui a été construit dans les années 1880, vers la fin du La dynastie Qing (1636 – 1912). Bien qu’il soit appelé « Palais », il s’agit en réalité d’un gigantesque jardin, considéré comme le plus bel exemple au monde de jardin impérial chinois. Ce que beaucoup de gens ne réalisent pas en visitant le Palais d’été aujourd’hui, c’est que ce jardin grandiose et impressionnant n’est en fait que l’ombre de lui-même. En effet, le Palais d’été d’origine, achevé en 1764, a été détruit par les forces britanniques et françaises en 1860, au cours de la seconde guerre de l’opium. Cet épisode historique, bien qu’oublié par une grande partie du monde, continue encore aujourd’hui à être considéré comme un symbole de l’humiliation infligée à la Chine par les puissances occidentales.

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Gravure représentant le sac de l’ancien Palais d’été en octobre 1860

L’ancien Palais d’été:

Le site originel était constitué de trois jardins, et à eux trois ils étaient cinq fois plus étendus que la Cité Interdite et représentaient huit fois la taille de la cité du Vatican. Les empereurs de la dynastie Qing y résidaient et y menaient les affaires d’État (la Cité interdite étant destinée aux cérémonies officielles).

Considéré comme un chef-d’oeuvre de l’art des jardins paysagers chinois, on trouvait dans ce « Versailles de l’Orient » des centaines de structures : salles, pavillons, temples, galeries, jardins à la française, lacs, ponts et labyrinthes. Des centaines d’œuvres d’art et de pièces d’antiquité chinoises étaient conservées dans les salles, ainsi que des exemplaires uniques d’ouvrages et d’anthologies littéraires, faisant ainsi des jardins impériaux une des plus grandes collections au monde. L’empereur affirmait son pouvoir impérial et divin en composant une centaine de paysages, réels ou imaginaires, qui reproduisaient le relief de l’empire, ses neuf continents mythiques, la mer de Chine et l’île légendaire de immortels (*). Il fit également recréer des paysages de la Chine méridionale qui le fascinait.

(*) Dans la mythologie chinoise, le Mont Penglai est la maison des huit Immortels. Ces huit Immortels connaissaient les secrets de la nature. Ces êtres mystérieux sont considérés comme des super-humains qui contrôlent tous les aspects de la vie. Chacun des pouvoirs que détient un immortel peut être transféré à un outil qui peut donner la vie ou détruire le mal. On dit que les huit Immortels vivent dans une montagne des îles Penglai, mais l’emplacement de leur foyer demeure un mystère non résolu. Le mont Penglai est aussi la maison d’Anqi Sheng, un sorcier chinois immortel.

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Illustration de ce que devait être l’ancien Palais d’été à Pékin

A présent, il n’en reste presque rien, sauf des ruines notamment de style occidental. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les constructions de style européen étaient assez marginales dans le palais, ayant été construites par les Jésuites afin de satisfaire le goût prononcé de l’empereur Qianlong pour l’architecture italienne et française.

Et des restes de ruines de style plus chinois

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quelques rares restes des ruines de style plus chinois, avec ces sculptures de Shī

Parmi les aménagements apportés au fil des ans, des ouvrages d’eau faits de ruisseaux, lacs et étangs, ont été construits. C’est surtout cela qu’il reste à présent dans l’ancien Palais d’été. Voyez la comparaison entre début mai et maintenant: les lacs et étangs ont été recouverts de lotus et de nénuphars.

Début mai:

Mi-juin:

D’ailleurs, connaissez-vous la différence entre le nénuphar et le lotus? Les feuilles et fleurs de lotus montent, alors que celles des nénuphars restent sur l’eau.

Déambulation dans ce qu’il reste d’un labyrinthe. Il est d’ailleurs assez bien conservé, un mur qui s’effrite fait apparaitre de la brique, qui ne nous semble pas d’époque. Il s’agit sans doute d’une restauration, ici il est toujours assez difficile de différencier ce qui est réellement ancien, et ce qui a été restauré récemment.

J’ouvre ici une petite parenthèse en zoomant sur des gravures de ce labyrinthe, avec cette représentation ressemblant de façon perturbante à la croix gammée nazie. On en voit très régulièrement ici, notamment dans les temples bouddhistes. En réalité, ce symbole est vieux de plus de 5000 ans, et a une connotation très positive en Asie, puisqu’il est synonyme de fortune, de longue vie et était même une représentation du Bouddha lui-même.

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Le Palais fut anéanti une première fois en 1860 par « des diables étrangers ». En effet, en octobre de l’année 1860, lors de la seconde guerre de l’opium (**), une délégation britannique se rendit de Tianjin à Pékin afin de contraindre l’empereur à ouvrir son pays à leurs commerçants et missionnaires. Au lieu de cela, ils furent arrêtés et de nombreux membres de la délégation furent torturés à mort. En guise de représailles, Lord Elgin ordonna aux troupes britanniques de réduire en cendres le Palais d’été, qui avait déjà été pillé par les Français et les Anglais. Beaucoup des trésors volés sont encore aujourd’hui en Europe, je présume notamment au Louvre et au British Museum.

(**) la seconde guerre de l’opium peut être considérée comme un prolongement de la première guerre de l’opium. Il s’agit d’un conflit militaire motivé par des raisons commerciales, opposant le Royaume-Unis et la France à l’empire Qing. Pour faire très simple, ce conflit est dû à la volonté de l’Occident d’imposer à la Chine l’autorisation de commercer l’opium

« Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde, mais cette merveille a disparu», écrit Victor Hugo en 1861. Fou de rage, l’écrivain s’adresse à un officier anglais, le capitaine Butler, pour s’indigner de la destruction un an plus tôt du Palais d’été de Pékin, dont la renommée égalait à ses yeux le Parthénon, les Pyramides, le Colisée et Notre-Dame de Paris. Il pointe du doigt les deux «bandits» responsables de ce crime: la France, qui a pillé ce «chef-d’œuvre», et l’Angleterre, qui l’a incendié (après s’être également bien servie).

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Buste de Victor Hugo

Extrait de la lettre au capitaine Butler par Victor Hugo le 25 novembre 1861 (je vous la retranscris ci-dessous)

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Extrait de la lettre de Victor Hugo au capitaine

Au capitaine Butler

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’été s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d’Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce formidable et splendide musée de l’Orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’oeuvre d’art, il y avait des entassements d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits.

Nous Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie.

Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion! Les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés, les gouvernements sont quelques fois des bandits, les peuples jamais.

L’empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd’hui, avec une sorte de naïveté de propriétaire le splendide bric-à-brac du Palais d’été. J’espère qu’un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée renverra ce butin à la Chine spoliée.

En attendant, il y a un vol et deux voleurs

…….

Le Palais fut anéanti une seconde fois lors de l’intervention des 8 forces alliées suite à la révolte des Boxers en 1900 (insurrection nationaliste chinoise menée par la société secrète des Boxers contre les légations étrangères et les missions catholiques à Pékin). La nature repris alors le dessus, et l’ancien Palais d’été devint alors un véritable self-service à ciel ouvert: pierres et bas-reliefs y furent pillés et utilisés pour d’autres édifices. On a présent du mal à imaginer ce que fut autrefois ce Versailles de l’Orient.

Le Palais d’été (le nouveau):

Ce jardin impérial regroupe trois secteurs répondant chacun à une fonction particulière: activités politiques et administratives, résidence impériale, méditation et communion avec la nature dans le jardin paysager. Le palais d’été illustre parfaitement l’art du jardin paysager chinois en vogue sous les dynasties impériales en Chine. Entre 1750 et 1764, l’empereur Qianlong (dynastie Qing) créa le jardin des Ondes claires (appelé palais d’été à la fin du XIXième siècle) autour du lac Kūnmíng, et fit construire des temples et pavillons sur la colline de la Longévité, nom donné à l’occasion du soixantième anniversaire de sa mère.

Tout comme l’ancien Palais d’été, il fut très endommagé en 1860, lors de la seconde guerre de l’opium. Plus petit que l’ancien, le jardin et ses édifices furent reconstruits à partir de 1886, pour l’impératrice douairière Cixi. C’est là qu’il fut renommé Palais d’été. Mis à nouveau à mal en 1900 par la force expéditionnaire international en répression à la révolte des Boxers, il faut à nouveau restauré. Il est à présent ouvert au public, et ce depuis 1924.

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Shī: Lion gardien chinois

De taille plus modeste que le précédent, il a une superficie de 2.97 km2, couverte au 3/4 d’eau. Il constitue un ensemble harmonieux de jardins, de temples, de pavillons, de ponts et de galeries, autour du lac Kūnmíng. 

Le lac est traversé par le célèbre pont aux dix-sept arches. Pardonnez-moi le peu de photos et en plus souvent prises de loin, il faisait si froid à cette période de l’année que notre visite a été très accélérées, sinon nous aurions perdus nos doigts tellement il faisait froid!

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le lac Kūnmíng, traversé par le pont aux dix-sept arches

Sur ce lac on retrouve également le bateau de marbre, devenu le symbole de l’extravagance et de la démesure des souverains au crépuscule du règne impérial. Bâti en 1755, il fut restauré en 1893 sur ordre de Cixi (qui y consacra des fonds destinés à la modernisation de la flotte de la marine chinoise). Une grande partie du bateau a en réalité été réalisée en bois peint de manière à évoquer du marbre.

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C’est sans le savoir ce jour-là de grand froid que nous avons gravi la colline de la Longévité, culminant à 60m. La plupart des pavillons et temples sont construits sur cette colline, à revoir pour mieux les admirer et surtout pour les photographier. Cette colline offre aussi un magnifique panorama sur Pékin, le temps parfaitement dégagé de cette froide journée de début février nous aura moins offert ça.

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Vu d’en bas: temple bouddhique de la Mer de sagesse en haut de la colline de la Longévité

Nous avons aussi été fascinés par la Longue Galerie (Cháng Láng – 长廊). Longue de 728m, les poutres, cloisons et plafonds sont ornés de plus de 14000 peintures évoquant des scènes de l’histoire et de la mythologie chinoises, ainsi que des textes classiques de la littérature.

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Longue galerie

Finissons cette visite par la rue Suzhou, située à l’entrée du site, qui est une reconstitution d’une rue commerciale construite sous les ordres de l’empereur Quianlong. Comme à Suzhou (une Venise de Chine), elle est bordée par un canal, où l’on pouvait bien-entendu patiner à cette période de l’année.

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Je risque malheureusement de vous parler de Pékin uniquement pendant encore un long moment. C’est beau biensûr, mais tout comme Paris n’est pas la France, Pékin n’est sans doute pas la Chine non plus.

 

Robinsons à Pékin 2.0.

Robinsons à Pékin 2.0.

Toujours dans l’idée de chercher à mieux comprendre la Chine, j’aime me plonger dans des lectures sur son histoire, que ce soit des documentaires historiques ou tout simplement sous forme de romans historiques, voir contemporains. Je voudrais donc vous partager aujourd’hui une de ces lectures, qui est une BD autobiographique.

Pourquoi est-ce que je me focalise sur cet ouvrage plutôt qu’un autre? Outre le fait qu’il est très agréable à lire, aussi bien Julien que moi nous nous sommes faits la même remarque: que l’arrivée à Pékin se fasse dans les années 80 ou 35 ans plus tard, les constats et difficultés du quotidien sont très semblables. J’ai trouvé ça plutôt rassurant finalement. C’est amusant aussi de lire des passages concernant des lieux que l’on connaît, finalement nous allons tous aux mêmes endroits… Certaines choses ont biensûr évolués, mais d’autres beaucoup moins.

Tout d’abord, comme relaté dans ce livre, nous éprouvons aussi de grandes difficultés à nous fondre dans le peuple chinois. Certes, individuellement les chinois sont vraiment très attachants, il y a toujours quelqu’un pour nous aider, mais la société est faite pour maintenir cette frontière invisible qui nous empêche de créer de vrais liens avec eux. Je ne trouve finalement pas de meilleurs mots que ceux repris du livre:

Trop s’intégrer est en réalité mal vu par le régime, qui craint une « pollution spirituelle » et que la démocratie ne déteigne sur le peuple. Nous vivons pourtant ce rêve chimérique de sauter la barrière et de franchir tous les obstacles pour y parvenir. Mais comment peut-on à la fois rester soi-même, fier de sa culture, et « devenir chinois »?

Il y a aussi biensûr la lourdeur administrative qui est toujours bien présente de nos jours. On a beau être à présent dans un pays ultra digitalisé, le sacro-saint tampon rouge est toujours indispensable, et la façon de l’apposer est encore tout un art.

Vous y reconnaitrez également nos difficultés des débuts, où faire ses courses étaient assez complexe. C’est un fait intemporel, et tout comme l’auteur nous ne pouvons pas intégralement faire nos courses comme les chinois, compléter de temps en temps avec des produits « comme chez nous » est indispensable, et pour cela nous allons chez Jenny Lou! Vous reconnaîtrez sans doute la petite marchande chez qui Eric Meyer se rendait. Est-ce que les graines de Basilic rapportées d’Europe sont à l’origine de la chaîne de magasin du même nom? L’histoire ne le dit pas.

Par contre, une différence majeure rapport aux années 80 est que biensûr le rationnement n’existe plus. Pourtant, la notion de liberté a une définition toujours bien différente ici. Je pense que nos enfants auront ici bien compris l’importance de vivre dans une démocratie, en ayant vécu dans un pays qui ne l’est pas.

En lisant ces pages, on ressent déjà le fourmillement qui anime la ville de Pékin. Il est toujours là, et a même été accentué avec les progrès des temps modernes et l’évolution des moyens de communications

  • les vélos, même si toujours très présents, ont été remplacés par les scooters électriques
  • les petits marchands sont toujours présents, et de plus en plus accessibles du fait de l’utilisation excessive des livreurs, qui vont partout, tout le temps. Et ici, en termes de consommation, le dimanche est un jour comme un autre
  • les informations circulent très vite du fait du réseau sociale WeChat, qui nous sert aussi à payer nos courses, se faire des virements bancaires (ici c’est instantané!), à payer l’eau et l’électricité, suivre les colis venant d’Europe

Mais ces évolutions sont-elles bien positives? Difficile à imaginer que cela arrive en France ou en Belgique, culturellement c’est plutôt inconcevable. Nous n’avons par contre pas non plus le monopole de la bonne solution, peut-être est-elle entre les 2?

En revanche, je suis un peu étonnée d’avoir trouvé ce livre ici (nous avons une libraire francophone à l’Alliance Française). En effet, la seconde partie de l’ouvrage concerne les évènements de 1989. Je ne vais bien entendu pas m’étendre sur le sujet ici, mais laissez-moi vous montrer quelques images prises cet hiver quand nous nous sommes rendus sur la place Tiān’ānmén.

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en arrière-plan: le mausolée de Mao

Située au centre de Pékin, cette place tient son nom de la Porte de la Paix Céleste (Tiān’ānmén – 天安门), qui est l’entrée sud de la Cité Interdite.

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en arrière-plan de ce monument célébrant à la fois les JO d’hiver 2022 et le Nouvel An chinois: la Porte de la Paix Céleste

Outre les nombreux évènements historiques qui s’y déroulèrent, la place Tiān’ānmén est aussi célèbre car il s’agit du quatrième plus grand square au monde (elle mesure un peu plus de 40 ha). C’est aussi là que se trouve un de nos objectifs d’une prochaine visite culturelle: le musée national de Chine

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Je crois que cette place est un des lieux les plus sécurisés de Pékin (et donc de Chine), si ce n’est le plus sécurisés: les accès sont très limités, il faut passer plusieurs points de contrôles des passeports, du Health Kit bien-entendu, des sacs, et même fouille au corps. Pour ceux désirant se rendre à la Cité Interdite par-là doivent compter au moins 1h pour traverser la place et tous ses contrôles.

Même si la place n’est pas particulièrement belle (elle fait très style « communiste ») ça vaut le coup de s’y rendre au moins fois, ne serait-ce que pour se dire « je l’ai vue ».

Le long des canaux pékinois (北京河)

Le long des canaux pékinois (北京河)

Ce sujet dans lequel je me lance n’est pas simple. En effet, pas mal de questions se posent sur le système hydraulique de Pékin, mais il y en fait peu de réponses. La raison est que son histoire est longue, car elle remonte au XIIième siècle, quand la dynastie Jin s’installa à Pékin, afin d’y acheminer des militaires pour la conquête des régions du Nord. La plupart des archives études sur le sujet ont à présent été perdues. On sait que le réseau existant à l’extérieur des murs de Pékin interconnecte les rivières, les canaux, les douves et les lacs. Il y a aussi des écluses par-ci par-là. On ne sait par contre plus où étaient les rivières il y a mille ans, et il n’est pas sûr qu’il existe encore des cours non artificiels à moins de 15km des anciens remparts (actuel second périphérique).

Du côté Est de Pékin, le réseau est relié au Grand Canal, et le transport se faisait avec des bateaux à fond plat (des jonques) halés par des bateliers. Ce Grand Canal (Dà Yùnhé – 大运河), qui fut allongé au fil des dynasties, est le plus grand canal ancien au monde. Il débute au nord par Pékin et se termine au sud à Hangzhou, dans le Zhejiang, avec une longueur totale de 1800 km (estimation variable cependant). Il passe notamment dans les villes de Pékin, Tianjin, et traverse les provinces du Hebei, du Shandong, du Jiangsu et du Zhejiang. Les parties les plus anciennes remontent au Vième siècle av. J.-C. Vers le milieu du XIXième siècle cependant, le développement du transport maritime et l’ouverture des voies de chemin de fer Tianjin-Pukou et Pékin-Hankou réduisirent grandement le rôle du canal comme artère majeure de transport en Chine. D’importantes parties cessèrent d’être entretenues, s’envasant rapidement. Avec l’avènement de la République populaire de Chine en 1949, d’importants travaux de réhabilitation furent engagés sur le Grand Canal pour redonner son importance économique première. Il est à présent inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2014.

Les différentes zones drainées par les canaux, et en particulier par le Grand Canal, bénéficiaient de leur importance économique. En effet, ils permirent tout d’abord de ravitailler la capitale en y acheminant des céréales venant du sud du pays. L’autre fonction est bien sûr l’irrigation des terres traversées par ces canaux. Egalement, la Chine a été de nombreuses fois soumise à de fortes inondations lorsque les cours d’eau naturels sortaient de leur lit (voir les divagations du fleuve Jaune à la fin de cet article), les canaux permirent ainsi de mieux maîtriser les éléments. Il s’agissait également d’un moyen de transport fiable pour les dirigeants qui souhaitaient parcourir régulièrement le sud de l’empire. Enfin, le Grand Canal permit aussi des échanges culturels entre le nord et le sud de la Chine. Le canal fit forte impression aux premiers visiteurs de l’empire. Marco Polo mentionna les ponts avec arches du Grand Canal, ainsi que ses importants entrepôts et le commerce qu’engendrait le canal au XIIIième siècle.

Bref, vous l’aurez compris, les canaux ont ici une importance dans l’Histoire de la Chine, tant sur le plan économique, militaire, politique, culturel, mais aussi bien entendu géographie. A présent à Pékin, ils sont très appréciés pour les longues balades du week-end, aussi bien à vélo qu’à pied, comme ici le long du Liàngmehé et du Bàhé.

De nuit, les canaux, et plus particulièrement le Liàngmahé 亮马河, offrent un repère très agréable pour se promener et admirer les jets d’eau et jeux de lumières. J’apprécie notamment beaucoup une séance de yoga au crépuscule sur un des pontons, c’est parfait pour évacuer la nervosité de cette interminable période d’école à la maison. S’y retrouver le soir pour écouter de la musique est aussi une excellente manière de sortir retrouver un peu de fraîcheur après une journée de forte chaleur.

 

Le nom de ce canal Liàngmahé tiendrait du fait que dans les temps anciens, les convoyeurs de marchandises devaient laver leurs chevaux avant d’entrer dans la capitale. Ils les baignaient dans l’eau du canal et les laissaient se sécher sur la rive, d’où le nom originel de ce tronçon : 晾马河 (en pinyin liàngmahé, signifiant « la rivière où les chevaux sèchent au soleil »). Avec le temps, les gens ont modifié son nom pour le plus élégant 亮马河 (qui se prononce de la même manière mais avec un premier caractère différent, signifiant à présent « la rivière des brillants chevaux »).

Si je me risque au même jeu de traduction du canal Bàhé 坝河, cela signifierait « rivière de la digue » (ou du barrage peut-être). C’est effectivement cohérent avec le fait que ce canal ait été construit il y a près de 800 ans de le but de protéger la ville des inondations récurrentes qu’elle subissait. 

A l’intérieur des murs de la ville (comprendre à l’intérieur du second périphérique), les canaux permettent aussi d’alimenter les lacs dont nous avons parlés lors d’un précédent article. A l’époque, ils permettaient aussi le transport sur des barques.

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Un bras du Grand Canal (si j’ai bien compris) qui alimente le lac Qiǎnhai. A droite on aperçoit un mur du temple du dieu du feu (Huǒshén)

En hiver, il fait si froid que les canaux et les lacs sont gelés (les enfants avaient d’ailleurs pu y patiner). Mais cela n’arrête pas les anciens pékinois, qui n’hésitent pas à aller faire quelques brasses pendant que nous les regardions bien au chaud dans nos grosses doudounes bien épaisses.

J’en profite d’ailleurs pour vous partager quelques clichés d’une randonnée d’une dizaine de kilomètres que nous avions faite en janvier exclusivement sur une rivière gelée, la rivière blanche (qui est naturelle cette fois-ci).

Pour terminer, je profite de ce sujet fluvial pour vous partager un fait historique qui m’a impressionnée (il m’en faut peu, je vous l’accorde :)). Il s’agit des divagations du fleuve Jaune, qui se jette dans le Mer Jaune à l’est de la Chine, dans la zone entre Pékin et Shanghaï (il faut considérer un périmètre large, vous allez comprendre pourquoi). En effet, les divagations du fleuve Jaune désignent les changements de lit du fleuve dans son cours inférieur depuis l’établissement de la civilisation chinoise il y a plusieurs millénaires. Ces modifications du tracé du fleuve proviennent de la topographie régionale, et de la forte charge sédimentaire de ses eaux charriant de grandes quantités de limon. La particularité de ces divagations dans le cas de ce fleuve tient au fait que celles-ci peuvent déplacer son embouchure de plusieurs centaines de kilomètres le long du littoral, au point de la faire passer de part et d’autre de la péninsule du Shandong suivant les époques. Les archives historiques montrent qu’au cours des deux derniers millénaires, le fleuve a connu plus de 1500 modifications mineures, près de 25 modifications majeures, et a changé six fois radicalement son cours. Chaque changement majeur consécutif à une crue a été un désastre humain pour la population noyée (on parle en million pour dénombrer le nombre de morts), et une catastrophe économique imposant de réorganiser les aménagements des voies navigables et notamment la circulation dans le Grand Canal.

Shougang (首钢) – Entre friche industrielle et J.O. fantômes

Shougang (首钢) – Entre friche industrielle et J.O. fantômes

J’ignore pourquoi, mais j’ai toujours été fascinée par les friches industrielles. Ce sont des lieux que l’on sent chargés d’histoire, alors imaginez que ledit lieu ait aussi été utilisé comme site olympique! Je vous emmène donc dans une balade virtuelle à Shougang Park (首钢园).

Shougang (首钢) est une entreprise sidérurgique chinoise privée. Elle est notamment connue pour avoir été obligée de déplacer ses usines polluantes de Pékin dans la province voisine du Hebei avant les Jeux Olympiques de 2008. Implantée en 1919, cette aciérie produisait jusqu’à 10 millions de tonnes d’acier pendant ses années de pleine activité. À l’approche des JO de Beijing 2008, la ville a décidé de mettre en place un plan ambitieux pour lutter contre la pollution atmosphérique. La production a donc été progressivement arrêtée, laissant place à la transformation de la zone industrielle en un centre urbain animé, tourné vers le tourisme, le sport et les manifestations culturelles. Les bâtiments dont la structure était jugée sûre ont été conservés aussi intacts que possible. Les cheminées, hauts-fourneaux et autres vestiges d’usines et d’entrepôts sont désormais entourés de grands espaces verts, d’installations sportives, de bâtiments commerciaux et de bureaux modernes, dont le siège du comité d’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de Beijing 2022.

L’élément emblématique ici est biensûr le Big Air, ayant notamment accueillit les épreuves de snowboard et de ski acrobatique l’hiver dernier. Cette rampe (comparée à une chaussure de cristal à talon haut), haute de 61m et longue de 164m, offre un paysage tout à fait étonnant et décalé, du fait de son emplacement à côté d’anciennes tours de refroidissement.

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Il ne s’agit évidemment pas de la seule installation sportive du parc. En effet, deux ateliers de traitement du charbon ont été transformés en sites de patinage de vitesse sur piste courte, de patinage artistique, de curling et de hockey sur glace. Ces installations en intérieur étant actuellement inaccessibles (du fait des restrictions COVID), nous ne pouvons que les imaginer.

Comme vous pouvez l’imaginer, ce lieu est donc très impressionnant, un vrai terrain de jeu pour les photographes en herbe que nous sommes. J’avais envie d’aller explorer chaque recoin, à tel point que Julien n’avait pas deux mais trois enfants à gérer (et je ne parierais pas trop sur celui des trois qui se faisait le plus souvent rappeler à l’ordre 😉 ).

En conséquence des énormes efforts de Pékin pour réduire la pollution (même si au quotidien nous avons dû rogner sur bons nombres de nos habitudes écologiques, mais ça, c’est un autre sujet), c’est sous un ciel bleu éclatant que nous avons pu nous amuser avec les perspectives offertes dans ce lieu mêlant design urbain et passé industriel.

Nous n’avons pas pu assister aux J.O. qui se sont tenus à huis clos cet hiver, et donc déambuler au milieu de cette ambiance J.O. vide en été, alors qu’il y a encore quelques semaines ça grouillait d’athlètes, cela donnait une impression de musée mélangée à une ville fantôme.

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Et bien-entendu au milieu de tout cela, quelques constructions de style plus chinois, qui ajoute encore plus de magie à cet endroit

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Ce qui nous a également beaucoup impressionnés, c’est cette immensité complètement déserte: beaucoup de bâtiments étaient littéralement vide, l’intérieur n’étant encore que de grands murs de béton, alors qu’à l’extérieur ils affichent un design soit très moderne, soit d’un style faisant penser à un squat.

Les rues étaient aussi complètement vide de monde: j’ai par exemple pu prendre le temps de faire une photo en étant assise au milieu de la route, c’est dire!

On se serait finalement cru dans une ville du Far-West des temps modernes, où le temps s’est arrêté. N’étant jamais venus ici hors période de restrictions sanitaires, nous ne savons pas si c’est ainsi désert du fait du COVID et des fermetures des lieux clos, ou si les travaux d’aménagement ne sont tout simplement pas encore terminés. La réponse est sans doute entre les deux.

En tous cas nous retiendrons ce très agréable moment d’évasion hors du temps, en mode exploration urbaine et atelier photos. A refaire assurément, et pourquoi pas sous la neige l’hiver prochain!

Beihai et ses neuf Dragons (北海公园)

Beihai et ses neuf Dragons (北海公园)

C’est sous une chaleur écrasante (40°), que nous décidons de sortir ce samedi visiter un de quelques parcs encore ouverts au publique en ce moment: Le Parc Beihai (北海公园). Il s’agit d’un jardin impérial, jadis réservé à la Cour, situé au Nord-Ouest de la Cité Interdite. Le nom de Beihai, signifiant littéralement « mer du nord », évoque le lac qui forme l’essentiel de sa superficie. Ce lac fait partie des six grands lacs de Pékin, dont rappelez-vous la terre extraite pour les creuser permis d’édifier la colline au charbon. Comme beaucoup de jardins impériaux chinois, ce parc a été construit dans un esprit d’imitation des paysages et architectures les plus remarquables de Chine.

Au milieu du lac se trouve l’île Qiónghuádǎo, signifiant « île de Jade », sur laquelle a été édifiée au XVIIième siècle la Pagode Blanche (ou Stupa). Ce Stupa tibétain doit son existence à une visite du dalaï-lama en 1651, l’empereur ayant souhaité honorer son visiteur. Des écritures bouddhiques sacrées y seraient gravées, mais nous n’avons pas pu rentrer pour les voir, car rappelez-vous qu’actuellement les lieux culturels couverts ne sont pas accessibles.

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L’ensemble des pavillons et palais de ce parcs étant également inaccessibles pour le moment, nous n’avons pu que faire le tour du lac, mais rien que ce parcours est déjà très beau, et nous permet de tout de même apprécier quelques points remarquables, comme le mur aux Neufs Dragons, merveille incontestée où les dragons polychromes s’embrasent dans le ciel.

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J’en profite donc pour vous parler ici de cet être légendaire en Chine: le dragon. Il fut le symbole de l’Empereur de Chine pendant deux millénaires, il était alors coutume d’appeler l’empereur de Chine: « Dragon ». Créatures de légendes, on dit ici que les dragons chinois n’existent pas dans la vie réelle mais qu’aucune évidence ne peut prouver le contraire!

En Chine, on retrouve donc les dragons partout, dans les légendes, les festivals, l’astrologie, les arts, les noms voire la toponymie. Considérés comme débonnaires et porte-bonheur, les dragons chinois symbolisent la chance, un environnement propice, la puissance et la noblesse d’âme. Ils sont donc bien éloignés de l’image terrifiante et maléfique des dragons crachant le feu rencontrée dans les contes en Occident. Contrairement à leurs cousins occidentaux, les dragons chinois sont dépourvus d’ailes (ce qui ne les empêchent pas de voler), et ne crachent pas du feu mais permettent d’invoquer la pluie durant une sécheresse.

Le peuple chinois serait même, dit-on, descendant des dragons. On raconte qu’il y a des milliers d’années, Yandi (un chef de clan légendaire) fut conçu tandis que sa mère apercevait un puissant dragon dans le ciel. Aidé du dragon et de Huangdi (un autre chef de clan légendaire, son allié ou frère selon les versions), il fut à l’initiative du commencement de la civilisation chinoise. C’est pour cette raison que l’on considère Yandi et Huangdi comme les ancêtres du peuple chinois. Au fils du temps, le peuple chinois s’auto-désigna comme descendants de Yandi et Huangdi ainsi que du dragon. Ainsi, les dragons se retrouvent, fréquemment, dans divers aspects de la culture chinoise allant des légendes concernant les ancêtres des chinois jusqu’aux porte-bonheur actuels en passant par les célébrations lors des festivals, l’astrologie et les conférences.

Ce mur de 29m de long sur 3.5m de haut, fut édifié au XVième siècle, pour protéger un palais aujourd’hui disparu. Il représente de façon très réaliste 9 dragons polychromes, jouant avec une perle, sur fond de mer et de nuages. Les dragons chinois ont beau être bienveillants, ils n’en ont pas moins une allure intimidante. Mais c’est de toute beauté 🙂

Un peu plus loin sur les rives du lac, nous arrivons aux cinq pavillons des dragons. A l’origine, ils furent construits pour que l’Empereur puisse pratiquer la pêche sur le lac. Reliés plus tard entre eux par des ponts, ces pavillons auraient de loin la forme d’un dragon…

et de loin, des 2 côtés de la photo

Bref, une journée de week-end comme on les aime, avec les amis, afin d’oublier le temps que quelques heures toutes ces restrictions et interdictions. Le parc étant presque vide, fait inhabituel en cette période de l’année, mais tout est fait pour convaincre les gens de ne pas sortir de chez eux, nous ne portions pas tout le temps le masque, et n’étions pas les seuls à agir de la sorte. Toutefois, un des gardiens a décidé de jeter son dévolu sur notre petit groupe, celui-ci nous prenant même en photo (pour nous intimider sans doute)

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Nous restons biensûr prudents, et respectons les règles, mais cette défiance des étrangers est pesante au quotidien, car ici beaucoup pensent que le COVID vient des étrangers, et non de la Chine (non, ça n’est pas une blague). C’est peut-être pour cela que je passe beaucoup de temps à essayer de comprendre la Chine, sa culture et son histoire, car quoi de mieux pour aimer un pays que de le comprendre? Et pour le moment, il faut bien s’accrocher pour aimer être ici…

Dans les rues de Pékin

Dans les rues de Pékin

J’avais commencé à prendre des photos pour illustrer cet article avant la vague Omicron qui vient de nous tomber dessus. Je ne vais donc pas aller au bout de mon idée car il me manque quelques clichés, mais tant pis, je me lance quand même. Je voudrais donc ici vous montrer le visage des rues de Pékin, comment on s’y déplace, qu’est-ce que l’on peut y croiser, et quelles sont nos impressions après nos 5 premiers mois ici.

L’hiver dernier, nous nous sommes rapidement mis à nous déplacer en métro, mais cela reste encore peu pratique car les lignes de métro ici sont dessinées comme le RER parisien, à savoir des stations très éloignées entre elles, et donc souvent à au moins 15 à 20 minutes à pied de notre destination finale. Par contre ça ne coûte rien, entre 40 et 60 centimes d’€ le trajet, payé simplement en posant sur le portique le téléphone avec l’application Wallet de l’iPhone qui aura été préalablement chargée (le pass Navigo, c’est d’un autre temps!).

Le vélo est donc résolument la meilleure façon de se déplacer ici, ou sa version moderne avec le scooter électrique, chacun sa religion à ce sujet. En ce moment je suis plutôt une adepte du vélo, même si j’apprécie aussi beaucoup les virées en scooter avec Elsa. Mais quand il recommencera à faire vraiment froid, il est probable que je me reconvertisse. En conséquence de ce mode de transport à deux roues, les trottoirs ressemblent bien souvent à ces images, avec un enchevêtrement de vélos et scooters plus ou moins bien rangés.

Ces vélos jaunes (Meituan), ou verts (Didi), ou encore bleus (Alipay), sont des vélos partagés selon un principe équivalent aux Vélib’. A côté de ces vélos, qui paraissent minuscules, mon B’TWIN fait figure de vélo de course, et j’avoue apprécier la sensation d’être super rapide tellement c’est facile de dépasser tous les autres. Les scooters électriques côtoient également les vélos, car notamment utilisés par les livreurs (et croyez-moi, les livraisons sont utilisées tout le temps par tout le monde, pour absolument tout). L’alternative pour les livreurs est l’utilisation de triporteurs en tous genres. Tous ces petits véhicules viennent donc compléter l’effet désordre des trottoirs et bords de route. Mais cela fait aussi évidemment partie du charme de Pékin :).

En Chine, la sieste après le déjeuner, c’est sacré, même au travail! C’est donc amusant de croiser des livreurs ou autres en train de se reposer sur leur véhicule en début d’après-midi.

Nous sommes donc très nombreux à emprunter les pistes cyclables, dont l’aménagement aurait bien de quoi faire rougir de jalousie Anne Hidalgo. Pédaler ici est à la fois plus et moins sécurisé que chez nous. Plus sécurisé car les pistes cyclables sont très larges et très bien délimitées, parfois même par un terreplein.

Les feux tricolores sont aussi systématiquement équipés d’un feu dédié aux 2 roues. De plus ici en ville, les voitures ne roulent pas vite, et les voies les plus rapides (limitées à 80km/h) sont très larges. La ville de Pékin est en effet quadrillée de grands axes, s’agissant en général de 2×3 ou 4 voies, ces voies étant assez larges, et la piste cyclable étant aussi large qu’une voie pour voitures.

A contrario, on peut avoir aussi une sensation d’insécurité ici en pédalant. Tout d’abord du fait des nombreux petits véhicules électriques, qui empruntent aussi les pistes cyclables, car on ne les entend tout simplement pas arriver, et ici dépasser par la droite ou la gauche n’a pas d’importance. Je ne connais pas vraiment le code de la route en Chine, mais en tous cas dans les faits, il n’y a pas de notion de priorité de droite, ni de quelconque priorité d’ailleurs, sauf peut-être de par la taille du véhicule. Il s’agit plutôt de s’insérer dans un flux continu, désolée si ça n’est pas clair, mais je n’ai pas d’autre façon d’interpréter comment évoluer dans la circulation pékinoise. Finalement c’est à l’image de la vision chinoise qui consiste à vivre dans une bulle, où les individus n’en faisant pas partie n’existent pas, comme s’ils étaient invisibles. Et bien c’est la même chose sur la route. Heureusement donc que l’on ne roule pas vite ici, car les accidents pourraient être bien plus grave si ça roulait comme chez nous (il n’est pas rare de croiser un scooter et son chauffeur complètement sonné par terre, car une voiture l’a percuté dans un carrefour). Les petites frayeurs sont aussi souvent liées au fait qu’ici, au feu rouge, on peut avancer si on tourne à droite, même si le feu est rouge.

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C’est sur la route que l’on peut aussi constater les écarts de richesse en Chine. Sachant qu’ici exposer sa richesse (que l’on n’a pas forcément, tout est dans l’apparence) est culturel, croiser des voitures de luxe est assez banale, à tel point que j’y fais maintenant si peu attention que je ne pense plus à vous les photographier. Voici tout de même ce que j’ai vu dernièrement

Mais ce qui est surtout surprenant, c’est le choix de couleur de ces voitures (en voyant de près la Mercedes en violet nacré, j’ai même vu que l’étoile de la marque ainsi que le radiateur étaient couverts de strass. Tous les goûts sont dans la nature après tout 😉 ).

Les plus petits véhicules ont aussi parfois un style déroutant, comme ce scooter Mignons ou cette Smart baptisée par les enfants « Dragon Car »

Ces goût disons douteux ne concernent évidemment pas que les voitures, mais aussi les chiens qui se retrouvent affublés de tenues ridicules, voir même de … chaussures!

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En zoomant, vous verrez que le chien de devant porte des chaussures 😦

Clairement il faudra un jour que je vous consacre un article dédié aux tenues vestimentaires des Chinois. Si je veux un jour tenter un style, c’est bien ici qu’il faudra le faire. En guise de mise en bouche pour ce futur sujet d’article, voyez par exemple ce que l’on peut croiser ici:

Revenons à nos rues pékinoises et ses moyens de transport. Ici on peut régulièrement croiser des modes de transport assez fantaisistes, ce qui illustre parfaitement que tout a beau être compliqué ici, rien n’est impossible pour autant.

Pékin est aussi une ville de contrastes, des immeubles de capitale à l’aspect moderne côtoient les Hutongs formant le coeur du Pékin traditionnel, en passant par des immeubles que l’on caractérise entre nous comme étant plus « chinois ».

Ci-dessous on voit par exemple le quartier de Wángfǔjǐng, considéré comme les Champs Elysées pékinois

Les Hutongs avec ses enchevêtrements de petites rues, de cours, et de petits boui-boui

Et un exemple de ce que l’on appelle entre nous une résidence « chinoise »

Pour nos 2 ou 3 ans ici, nous avons choisi une résidence qui s’appelle Phoenix City (en chinois: Fènghuáng 凤凰), située au Nord Est, juste après le troisième périphérique (Pékin comporte 7 périphériques, le premier étant l’enceinte extérieure de la Cité Interdite). Cette résidence est peu connue des Occidentaux car il s’agit d’une résidence assez chinoise (mais de plus haut de gamme que celles ci-dessus, je vous rassure), et ça nous va très bien comme ça, nous ne sommes pas venus en Chine pour rester entre-nous après tout. On peut définir une résidence comme un compound constitué d’un certain nombre d’immeubles, le tout généralement fermé par une enceinte, et dont les entrées sont surveillées par des gardiens.

Je vous emmène donc pour une petite visite: vu de l’extérieur, notre immeuble ressemble à ceci

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Il est aussi moche d’extérieur que l’appartement est beau à l’intérieur. Donc l’avantage, la vue sur les beaux immeubles est pour nous, ce qui n’est pas forcément le cas de nos voisins ;-). Notre appartement paraît assez bas, alors que nous sommes déjà au 10ième étage! Disons que c’est une question de perspective, l’immeuble faisant tout de même 38 étages… La résidence comporte une douzaine d’immeubles, je vous laisse calculer le nombre d’habitants… Oui nous sommes nombreux, mais ça ne se ressent pas trop. Pour passer l’enceinte, il faut donc passer par une des portes surveillée 24h sur 24 par un gardien, qui s’assure que tout le monde scanne bien son Health Kit, et que chacun ait bien une température < 37.2°.

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Nous avons la chance d’avoir un joli parc ombragé et très vert dans cette résidence, avec une plaine de jeux, un terrain de tennis (qui n’est jamais disponible…), une grande fontaine et des pièces d’eau avec jets (jeux favoris des enfants pour décompresser des journées passées devant Teams) et une piscine extérieure qui nous l’espérons sera ouverte cet été.

Comme je vous le disais plus haut, ici en Chine on utilise énormément les livraisons, pour absolument tout, l’entrée de notre immeuble déborde donc en permanence de colis

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Ce que l’on apprécie particulièrement avec Julien, c’est la vue que l’on a de chez nous, et c’est encore plus beau avec la lumière de fin de journée

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et de l’autre côté (car notre appartement est traversant), qui donne sur l’intérieur de la résidence, où c’est absolument magique de nuit.

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En déambulant dans les rues de Pékin, on peut voir des situations qui sont pour nous assez étonnantes, comme par exemple les coiffeurs de trottoirs (Julien n’a pas encore voulu essayer, je ne comprends pas pourquoi 😂)

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Ou encore les pékinois qui se retrouvent pour jouer au Mahjong ou autres jeux de cartes

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mais aussi, comme nous l’avons déjà vu cet hiver, ceux qui se retrouvent pour danser ou pratiquer d’autres activités sportives

En regardant de plus près la photo précédente à droite, une des dames porte un masque qui lui couvre intégralement le visage. En effet, les Chinois ont tendance à protéger au maximum leur peau du soleil. Actuellement il fait en moyenne 35°C à Pékin, donc là où nous nous habillons de façon légère pour ne pas avoir trop chaud, eux se couvrent au maximum, pour ne pas bronzer. La raison à cela n’est pas tant médicale, mais plutôt culturelle. Les personnes dont la peau est bronzée sont celles qui travaillent dans les champs, les personnes travaillant dans les bureaux sont quant à elles plus blanches, et cela est considéré ici comme un signe extérieur de richesse, ou du moins d’un milieu social plus élevé. C’est comme pour les voitures dont nous avons parlé plus haut, ici tout est une question d’apparence.

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Autre fait surprenant, c’est cette habitude qu’ils ont ici de se prendre en selfie, voir même de se filmer, comme par exemple cette jeune femme se filmant au bord de la route, en train de danser. Cela permet sans d’alimenter leurs Moments WeChat.

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D’autres aussi se filment en train de manger, avec le téléphone posé sur une perche à selfie de l’autre côté de la table. Je n’en ai toujours pas compris l’intérêt, mais bon il ne faut pas toujours chercher à tout comprendre ici…

Au milieu de tout ce beau monde et ce fourmillement permanent, on croise un peu partout des Bao’an, ces agents que l’on reconnaît à leur tenue noire et brassard rouge, qui surveillent la population. Je n’en sais pas beaucoup plus sur leur rôle, d’autant plus qu’ils ne nous disent pas grand-chose car avec nos têtes d’étrangers, ils savent d’avance qu’il est vain de communiquer avec nous 😆

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Si vous êtes arrivés jusqu’ici, bravo, car je crois que cet article est long, mais il y a tellement à dire! Je garde quelques sujets sous le coude, comme les gratte-ciels pékinois, et les canaux. En attendant, juste pour la beauté des yeux, voici quelques clichés de Pékin en fleurs, j’adore!

Un mois de mai bien étrange

Un mois de mai bien étrange

Merci à nos amis Florence et Quentin, auteurs de quelques clichés agrémentant cet article.

En un mois, le COVID et ses restrictions ont beaucoup changés le visage de la ville de Pékin, et notre quotidien devient de plus en plus contraint. A présent, des quartiers entiers sont verrouillés, et la carte de la ville ressemble à cela (les points rouges signifiant qu’un cas positif ou qui pourrait être positif est passé par là, qu’il s’agit donc d’une zone à risque):

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Comme déjà évoqué précédemment, avoir un téléphone ici est tout simplement indispensable pour tout, et nous l’avons donc toujours sur nous (impossible de sortir de chez nous sans l’avoir en poche). Le risque est donc de passer trop proche d’un de ces points rouges, de borner à proximité, et du fait de l’imprécision du GPS, se retrouver ensuite en quarantaine pour être passé au mauvais endroit au mauvais moment. Voici quelques exemples pour illustrer cela:

  • en avril dernier, une copine se déplaçant en vélo est passée devant un restaurant, dans lequel un cas détecté positif par la suite était allé ce jour-là. Elle a donc dû pas mal batailler pour prouver qu’elle n’était pas rentrée dans ce restaurant, sinon elle aurait dû être placée en quarantaine, car les autorités l’aurait considérée comme ayant pu croiser ce cas positif
  • une amie a reçu un appel le week-end dernier (le 22) car elle avait été dans un lieu le 15 (donc une semaine avant) où une personne positive (testée positive après le 15) s’était aussi rendue. Il lui a donc été demandé de ne pas sortir de chez elle sauf pour aller se faire tester (je vous rassure, elle et son mari sont bien négatifs), un détecteur d’ouverture a été installé sur leur porte, et toute personne se rendant chez eux doivent maintenant scanner un code qui a été collé sur leur porte. Ils ne sont donc pas vraiment en quarantaine, mais autant vous dire qu’ils n’osent plus mettre un pied dehors.
  • Il y a encore d’autres anecdotes assez loufoques, comme ces personnes mises en quarantaine pour avoir reçu un colis de bananes venant d’un entrepôt où il y avait eu un cas concomitant. Honnêtement je ne serais pas surprise que les bananes aient aussi été testées

Bienvenue en Absurdistan! Il nous faut donc toujours vérifier qu’il n’y a pas de risque là où nous nous rendons, tout en vérifiant qu’il n’y a pas non plus de risque sur l’itinéraire emprunté. 

Depuis 1 mois, des restrictions nous sont annoncées petit à petit, et elles ressemblent de façon assez désagréable à l’Europe de 2021, alors qu’il n’y avait presqu’aucune restriction à l’intérieur de la Chine. C’est tellement frustrant pour nous! Les mesures qui nous ont donc été imposées progressivement depuis fin avril sont:

  • école en distanciel (à l’inverse de ce qui était fait en France, il s’agissait d’une des premières mesures prises, et en général la reprise en présentiel de la classe se fait après tout le reste, cet ordre des priorités posant tout de même question je trouve…)
  • télétravail plus que fortement recommandé selon le district où l’on vit et où l’on travaille (ce qui est notre cas)
  • fermeture des lieux culturels couverts
  • fermeture des restaurants (qui ne peuvent plus que faire de la vente à emporter, la parade étant alors de commander dans ledit restaurant, et de s’installer sur la terrasse où les tables et les chaises ont été laissées)
  • fermeture de la plupart des parcs (et quand ils sont ouverts, il faut présenter un test PCR de moins de 48h)
  • fermeture des stations de métro des quartiers à risques
  • pas de taxis dans certains districts
  • interdiction de faire des pique-niques (mais à ce que j’ai compris c’est autorisé si on ne s’allonge pas dans l’herbe 🤯 )
  • tests PCR presque tous les jours depuis début mai
  • il n’est pas interdit de quitter Pékin, mais tout est fait pour nous décourager d’en sortir. Tout d’abord parce que nous avons à présent une petite étoile sur un de nos QR code (ce qui rappelle des heures sombres de l’Histoire), donc beaucoup de provinces ne nous accepterons de toutes façons pas. Mais aussi parce que si un cas est déclaré là où nous nous rendons hors de Pékin, nous pourrions y être bloqués. C’est le cas par exemple de la femme d’un copain, qui était en voyage professionnel à Shanghaï quand la ville a été confinée. Cela fait à présent 8 semaines qu’elle ne peut rejoindre Pékin (ni ses enfants de l’âge des nôtres). Nous n’avons clairement pas les reins assez solides pour risquer de rester coincés à l’hôtel si nous sommes bloqués hors de Pékin pour une durée indéterminée.

Mais ici tout est toujours dans la nuance. Il n’est pas interdit de sortir de chez soi, il est juste fortement recommandé de ne pas sortir. On ne parle donc pas de confinement. Et c’est là que nous comprenons que les chinois ne sont pas (ou plus) si dociles que ça, il ne faut juste pas que ça se voit de trop. Par exemple il y a deux semaines nous sommes allés marcher sur la Colline Parfumée (c’est un peu nos 25 bosses de Pékin). La montée était assez calme, nous avons croisés peu de monde (pas trop surprenant car un chemin plus simple en escaliers aménagés permettait aussi de rejoindre le sommet et son panorama), mais une fois arrivés tout en haut, je vous laisse voir la vue côté pile… et côté face!

Les chinois sont toujours super bien équipés pour les pique-niques: ils n’hésitent pas à sortir la tente, les hamacs, et le barbecue (ce qui n’est pas autorisé en pleine nature…). Je vous laisse deviner comment reconnaître les français au milieu de tout ça: les seuls avec juste une nappe pique-nique et des sandwichs froids 😅. On pensait que l’on serait loin de la foule, pari perdu!

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Une idée de ce qu’il est recommandé de ne pas faire 😏

Comme évoqué plus haut, nous devons réaliser des tests PCR presque tous les jours (nous avons dû en faire une bonne vingtaine depuis début mai, et à l’instant où je vous écris ces lignes, je viens de recevoir un SMS annonçant que demain est une nouvelle journée de dépistage obligatoire). Heureusement, pour les jours de test obligatoire (il faut se faire tester même quand ça n’est pas obligatoire, sinon il n’est plus possible d’entrer où que ce soit, même chez nous), le management (je dirais l’équivalent du syndic en France) organise les tests au sein de la résidence (comprendre l’ensemble des buildings d’un même compound). Ce qui est très pratique et même plus sûr car l’expérience de Shanghai a montré que beaucoup de transmissions se faisaient dans les files d’attente pour les tests (c’est un peu l’histoire qui rend fou). Le fait de le faire dans l’enceinte de la résidence permet donc de limiter les mixages (même si on doit être plusieurs milliers d’habitants ici). Notre quotidien ressemble donc essentiellement à ceci, avec ses files d’attente…

… la prise des informations d’identité pour que notre résultat soit téléversé dans notre Healthkit (jiànkāngbǎo), ce qui a pour conséquence de créer un petit embouteillage derrière les occidentaux que nous sommes puisqu’il faut rentrer manuellement les informations de nos passeports (pour les chinois il suffit de prendre en photo leur pièce d’identité)…

… puis le test (heureusement pour nos narines, ils sont faits dans la bouche)

Ensuite tous les déchets sont emmenés dans de grands sacs jaunes. Laissez-moi vous partager ce cliché, à la fois drôle par le mode de transport, mais aussi posant question car c’est assez en décalé de toutes les contraintes sanitaires en vigueur ici…

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Très clairement nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, avec la peur d’un confinement strict à la shangaïenne, ou que l’un de nous soit positif (voir qu’une personne de notre immeuble soit positive, car le résultat serait le même au final), car ça serait arrivée à notre porte des dàbái (ce qui signifie « grands blancs », mot pour désigner les personnes en tenue de protection blanche) pour être emmené « de force » en quarantaine centralisée, avec juste quelques minutes pour préparer un sac. Pour une raison qui m’échappe, il arrive quelques fois qu’une rumeur (ayant toute l’apparence d’une information officielle) annonce un confinement imminent et l’arrêt des livraisons de nourriture. Nous avons donc, comme nos grands-parents qui ont connu la guerre, appris à faire des réserves alimentaires. Ce n’est pas si simple ici, car les chinois ont peu de conserves de légumes (sauf des haricots à la tomate, allez comprendre pourquoi). Ça n’est heureusement pas (encore) arrivé, mais nous nous sommes préparés au mieux, aussi bien logistiquement (nos placards et le congélateur n’ont jamais été aussi remplis) que psychologiquement.

Qu’allons-nous retirer de cette expérience? Très certainement pas vraiment ce que l’on est venu chercher. Je suis sur les starting bloc pour voyager, mais le risque est fort d’avoir à nouveau à décaler notre voyage prévu cet été dans le Yunnan. Cependant, malgré toutes les difficultés, nous avons construits ici une super vie sociale, aussi bien pour les grands que les petits. Mais à quel prix?! D’autant plus que c’était au moins aussi bien en France (on ne s’en rendait juste pas assez compte). Nous sommes par contre convaincus que nous reviendrons différents, beaucoup plus zen sur des sujets qui nous auraient faits partir au quart de tour auparavant. La résilience sera aussi une de nos caractéristiques, et malgré cette volonté d’enfermer le pays par rapport au reste du monde, nos enfants auront acquis une belle ouverture sur le monde.

 

Sunset on the Great Wall (长城)

Sunset on the Great Wall (长城)

Comme souvent le week-end, nous sommes partis faire une randonnée avec un groupe de copains, mais cette fois-ci avec un objectif un peu différent: voir le couché de soleil sur la Grande Muraille.

Pour atteindre cette portion de la Grande Muraille, il faut compter environ 2h de bus depuis le centre de Pékin. Après avoir quitté les grands axes, le bus s’engage sur des routes sinueuses montant vers notre point de départ. Ce jour-là, il fait assez chaud, et au cours de la montée, en entend un bip assez fort, une alarme sans doute. Ça n’a pas l’air de perturber le chauffeur, mais on se lève pour regarder le tableau de bord et il semble que la température de l’huile soit passée dans le rouge! le chauffeur finit donc pas arrêter le bus sur le bas-côté, au milieu de nulle part, sans réseau téléphonique, en plein cagnard, tout va bien. Le chauffeur tente de redémarrer à plusieurs reprises (comme si la température baissait instantanément…) pour finir par y arriver au bout d’une demi-heure. Nous pouvons donc repartir, avec l’aiguille d’indication de la température juste en-dessous de la limite rouge. Espérons ne pas être trop loin de notre destination, et surtout espérons pouvoir rentrer à Pékin après la nuit tombée!

Avant le COVID, les randonnées sur la Grande Muraille pouvaient se faire assez librement. Depuis l’arrivée de l’épidémie, il est très souvent indispensable d’être accompagné d’un guide chinois, afin d’augmenter nos chances d’être autorisés à traverser les villages par lesquels il nous faut passer pour atteindre la Muraille. Ce jour-là, nous ne sommes pas accompagnés par notre guide habituel Steven, car il est bloqué hors de Pékin. Bon gré mal gré, nous partons donc avec un « guide » que nous ne connaissons pas, mais qui au moins parle Anglais et Chinois. Une personne originaire du village de départ de la rando nous guidera aussi jusqu’au pied de la Muraille, et le fait d’être une personne du coin est meilleure garantie d’un « laissez-passer ».

Nous commençons donc la marche par la forêt, où il faut traverser à plusieurs reprises un petit ruisseau. On est super content d’être en pleine nature, loin de la frénésie de la ville, et d’avoir enfin un paysage sans poteau électrique ni bitume!

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une habitation au milieu de nulle part

Nous arrivons donc enfin au pied de cette section de la Grande Muraille: Dàzhuāng kē (大庄科).

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arrivée au pied de la Grande Muraille

Cette partie de la Grande Muraille n’a été qu’en partie restaurée, et offre un panorama sublime sur la montagne, dans une ambiance digne du Livre de la Jungle en cette saison.

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Par deux fois nous croisons quelqu’un qui est, je pense, un gardien, ou une personne chargée de la surveillance la muraille. Reste-t-il là toute la journée? Aucune idée, cela dit il y a pire comme bureau.

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Comme évoqué plus haut, cette partie de la muraille n’a été que partiellement restaurée, et il y a sans doute très longtemps. La muraille suivant le relief, il y a un certain nombre de passages en escaliers. Les marches de ces escaliers sont très irrégulières, certaines étant parfois presque aussi hautes que Constance!

Heureusement que les copains sont là, ça aide à motiver la mini troupe!

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Mais surtout heureusement que super Papa est là pour porter Constance sur ses épaules, car certains passages sont franchement escarpés et aériens.

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Finalement ces efforts ne sont pas vains, la lumière du soir est superbe, elle magnifie le paysage.

Toutefois, en plein milieu de ce panorama, une horrible route vient gâcher le paysage. C’est incroyable cette capacité qu’ils ont ici à mettre de gros trucs moche au milieu de lieux magiques et/ou historiques comme celui-ci. Pourquoi cette route énorme au milieu de nulle part? D’après ce que j’ai trouvé sur internet, elle aurait été construite pour les JO. C’est dommage car c’est là que le coucher de soleil est le plus éclatant

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il faut donc ruser pour photographier ce soleil couchant, sans

Habituellement quand nous partons marcher le week-end, nous prévoyons un pique-nique pour le déjeuner. Évidemment, cette fois-ci le pique-nique s’est fait le soir, face à ce paysage sous le soleil couchant. Pour être raccord avec ce cadre magique, nous avions prévu un pique-nique disons un peu plus haut de gamme, avec du bon saucisson et du fromage (un luxe ici) ainsi qu’une bonne baguette comme chez nous (mais à ¥22 la baguette, soit environ 3€, on est en Chine quand même…), et même du vin! Ce pique-nique très français est finalement un peu comme une Madeleine de Proust 🙂 🥖🧀🍷🍓.

Etant donné que nous avons perdu du temps au départ avec la panne de notre bus, nous avons dû écourter ce moment très agréable, et finir cette marche au pas de course, qui finira à la lampe frontale.

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C’est au retour au village que nous apprenons la détection de 19 nouveaux cas positifs au COVID dans notre district. À ce moment-là, nous nous disons que l’on risque de ne pas pouvoir refaire ce genre de sortie avant un moment, et le groupe de parents que nous sommes s’apprête à encaisser une probable nouvelle fermeture du Lycée français. Ajouté à ça notre inquiétude sur la capacité du bus à nous ramener à bon port, on se dit qu’on peut bien ouvrir la bouteille de vin restante pendant le trajet de retour! ;-).

Cette randonnée date déjà, à l’heure où j’écris cet article, d’il y a 2 semaines. L’école est effectivement fermée, nous devons nous faire tester tous les jours, les restaurants ne font plus que de la vente à emporter, les magasins sont ouverts mais les autres lieux publiques couverts sont fermés jusqu’à nouvel ordre. Pour nous, c’est un retour en 2021 version chinoise, alors qu’ici 2021 était une année finalement très libre (certes à l’intérieur de la Chine, mais assez libre néanmoins). Quand on voit l’efficacité incroyable qu’ils ont à tester tous les habitants de la région de Pékin et à avoir les résultats en maximum 24h (Pékin compte environ 20 millions d’habitants, soit environ 2x la population de la Belgique), le souvenir des difficultés que nous avions connues en France en 2021 (ou 2020, je ne sais plus) pour les campagnes de test, me rendent un peu perplexe.

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

Vous avez sans doute vu au travers des média l’actualité du moment en Chine. Je ne vais évidemment pas m’exprimer à ce sujet ici, mais sachez que nous allons bien. Pékin n’est pas dans la même tourmente que Shanghaï, mais nous sommes fortement incités à ne pas quitter la ville, et devons nous faire tester presque tous les jours en ce moment. Certaines résidences sont en quarantaine, mais la nôtre n’est pas (encore) impactée. Nous étions partis en Chine en étant résignés sur le fait que cette expatriation ne serait pas pour nous l’occasion de voyager en Asie, mais après tout la Chine est si vaste et propose déjà des milliers de possibilités de créer de beaux souvenirs! A présent nous ne sommes pas convaincus que nous pourrons vraiment voir autre chose que Pékin… Mais bon tant pis, restons positifs, après tout cette région a une histoire et un patrimoine très riches, alors profitons-en pour l’explorer à fond!

En cette saison, Pékin nous offre une explosion de couleurs avec les fleurs qui éclosent partout dans la capitale. C’est donc la période idéale pour aller découvrir la Colline au Charbon (que nous avions tentée en vain d’aller voir le 25 décembre car nous n’avions pas réservé notre entrée la veille). Ce jour-là, la météo annonce un ciel parfaitement dégagé, ce qui est important pour profiter pleinement de la vue offerte dans ce parc. Nous nous retrouvons dans les Hutongs avec une amie qui vient d’y emménager, et pédalons jusqu’à l’entrée du parc Jingshan (Jǐngshān Gōngyuán: 景山公园), dit « la Colline au Charbon ».

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Comme dans tous les parcs pékinois, habituelle séance matinale de Tai Chi (ou de danse, je ne me souviens plus)

Pourquoi ce nom « Colline du Charbon »? Car on y stockait le charbon qui permettait de chauffer les sols de certains bâtiments de la Cité Interdite (oui, du charbon sous les dallages). Située dans le prolongement nord de la Cité Interdite, cette colline artificielle s’élève à 108m d’altitude. Proposant un parc aménagé, probablement l’un des plus beau de la capitale chinoise, la colline fut constituée grâce à la terre des creusements des douves du palais impérial, et des lacs de la capitale. Cette colline était supposée protéger la cité des mauvais esprits qui venaient du Nord. Jusqu’en 1928, l’empereur était le seul à pouvoir s’y promener. La Colline de Charbon offre par ailleurs une vue imprenable sur la Cité Interdite et le reste de la ville de Pékin (d’où l’intérêt de s’y rendre un jour de beau temps !). Outre le panorama de ce parc sur toute la capitale, la colline au Charbon est aussi célèbre par le fait que c’est là que mourut en 1644 le dernier empereur Ming, Chongzhen, qui se pendit à un arbre alors que l’armée de 400 000 paysans, dirigée par Li Zicheng, entrait dans Pékin. C’est donc à cette date que la dynastie Qing pris le pouvoir. Cet arbre existe toujours, mais nous ne l’avons pas trouvé (on n’a pas vraiment cherché non plus).

En avant donc dans ce dédale d’escaliers et de petits pavillons colorés, avec pour objectif cette magnifique vue promise sur la Cité Interdite, et sur toute la capitale chinoise.

Et nous ne sommes pas déçues du voyage, arrivées tout en haut nous avons une vue imprenable sur cette fameuse Cité Impériale.

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Et plus en détails le panorama:

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Sud de la Colline du Charbon

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Ouest de la Colline du Charbon

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Nord de la Colline du Charbon

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Est de la Colline du Charbon

Je ne peux pas vous montrer ces 4 panoramas de Pékin sans vous en dire un peu plus sur l’histoire du « découpage » de la ville. « Détruisez votre maison, et reconstruisez-la ailleurs… ou recevez une compensation », tel fut l’ultimatum reçu par les Han en 1648. La capitale ayant été prise par les Mandchous (venus du Nord), les nouveaux dirigeants décidèrent de séparer la ville et de mettre en place un système proche de l’apartheid. Les membres de l’armée mandchoue et les civils chinois n’étaient plus censés se mélanger librement. Ce fut le début d’une politique de ségrégation qui dura 264 ans, jusqu’à l’abdication du dernier empereur en 1912.

La ville fut séparée en deux:

  • la ville Tartare au nord (appelée aussi ville Intérieure ou ville Mongole), qui s’étendait autour de la Cité impériale et incluait notamment la place Tian’anmen et la colline au Charbon, ainsi que la tour de la Cloche et la tour du Tambour. La Ville tartare avait la forme d’un carré aligné sur les points cardinaux et mesurait environ six kilomètres de côté. Ses murailles ont été abattues en 1958. Cette ville étaient divisées selon les huit Bannières, qui étaient des divisions militaires et administratives dans lesquelles toutes les familles mandchoues se trouvaient réparties.

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la ville Intérieure était le territoire des Huit Bannières, de 1648 à 1912

  • la ville Chinoise (ou ville Extérieure) au sud de la place Tian’anmen, incluant notamment le temple du Ciel. Elle avait la forme d’un rectangle aligné sur les points cardinaux également, et mesurait environ huit kilomètres d’est en ouest et trois kilomètres du nord au sud. Cette partie de Pékin abrita longtemps les différentes délégations diplomatiques.

Comme on le voit sur ce schéma, des portes permettaient de passer les murailles de ces deux villes (rappelez-vous, en mandarin porte se dit « men »). C’est de ces noms de portes que viennent les noms des districts actuels. Par exemple nous habitons dans le district de Chaoyang (situé à l’est de la Cité Interdite), dont le nom vient de Chaoyangmen (朝阳门), porte du Soleil levant.

Les visiteurs étrangers qui se rendaient à Pékin étaient fascinés par cette ville ségréguée. En 1793, l’envoyé britannique Lord Macartney a décrit comment la capitale était vraiment considérée comme un territoire occupé. Toutes les ruelles des hutongs avaient des portes qui se fermaient pour la nuit lorsqu’un couvre-feu dans toute la ville était imposé. L’Illustrated London News a aussi rapporté à quel point Pékin était comme une ville de retraités. En effet, la majorité de la population était composée de soldats mandchous payés par le gouvernement et, malgré leurs fonctions de soldat, ils auraient consacré plus de temps à des passe-temps comme le chant d’opéra et l’élevage d’oiseaux. La culture chinoise et mandchoue était aussi très différente. Un bon exemple de cela est la façon dont les femmes étaient traitées : les femmes mandchoues marchaient librement dans les rues, ce qui était impensable pour une femme chinoise notamment à cause de la tradition des pieds bandés.

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Image de « The Illustrated London News » datant de septembre 1873

Revenons à présent à notre balade dans le parc Jingshan et descendons de la colline pour profiter des fleurs, notamment des tulipes qui s’ouvrent en ce moment.

Il y a aussi les pivoines, prêtes à éclore. Dans ce jardin de pivoines, s’il n’y avait pas eu ce haut-parleur qui hurlait je ne sais pas quoi, on aurait même pu se croire dans un mas provençal.

On trouve également des centaines d’arbres bien fleuris, comme cet arbre à fleurs roses, que l’on pourrait imaginer comme étant fait de petites boulettes de papier chiffonné, collées comme pour un bricolage d’enfant.

Il n’est pas rare de croiser des personnes posées pour dessiner ou peindre ces paysages fleuris. Je préfère les prendre en photo, mes talents de dessinatrice étant bien trop légers 😅.

Cet arbre est tellement vieux et lourd que l’on ne lésine pas sur les moyens pour le maintenir debout.

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On se laisse hypnotisée par ses moulins à vent multicolores, c’est captivant comme un feu de cheminée.

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On termine par cette photo de la colline, c’était magnifique, à refaire en famille quand cela sera possible d’y retourner (il y a eu un cas COVID là-bas entre-temps, il faut donc éviter d’y retourner pour le moment).

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