Catégorie : Culture

紫禁城 – la Cité Interdite 🚫

紫禁城 – la Cité Interdite 🚫

Je me lance enfin dans l’écriture d’un article sur la Cité Interdite. C’est si immense, son Histoire est si complexe, que j’ai mis du temps à oser m’y mettre. Je l’ai déjà visitée 4 fois, mais j’ai encore l’impression que de n’y voir que des murs, que de ne palper du bout des doigts qu’une infime partie de ce pan de l’Histoire de Chine 🇨🇳. Nous allons donc nous y balader, y parler un peu architecture, un peu d’histoire, partager des impressions, ressentir la grandeur du lieu. En effet, ici pas d’inscription, pas de panneau explicatif, juste des audio-guides décrivant de façon détaillée l’intérieur des bâtiments… auxquels nous n’avons pas accès! Logique 😅

Pour ceux qui me lisent et qui n’ont pas encore eu la chance de venir en Chine 🧳✈️🇨🇳, je vous recommande de regarder le film 🎬 « le Dernier Empereur », réalisé par Bernardo Bertolucci en 1987, et tourné dans la Cité Interdite 🎥. L’histoire est certes romancée, mais elle relate de façon assez fidèle la vie (tragique) de Puyi 溥仪, et les rites très protocolaires de la Cité Interdite 🚫. Même Constance, qui se plaint que nous l’emmenons trop dans nos visites culturelles, réclame de retourner voir la Cité Interdite depuis qu’elle a vu le film 👧🏼.

Là, il est très facile de me perdre dans des recherches et explications interminables, mais tout autant passionnantes, sur l’Histoire de Chine. Je vais essayer d’éviter de m’y perdre (sinon ce n’est pas 3 mois de retard sur mon blog que je vais prendre, mais 3 ans au minimum 😇). Je vais donc tâcher de rester synthétique, peut-être qu’un jour je me lancerai dans une écriture plus approfondie de ce pan de l’Histoire de Chine 📚. Ici, mon objectif sera essentiellement de vous offrir une visite virtuelle de la Cité Interdite.

Durant 5 siècles, la Cité Interdite (appelée gùgōng 故宫 par les Chinois, ce qui signifie « Palais Ancien ») fut le centre de la politique chinoise, voir du monde selon la pensée chinoise 🌏🇨🇳. Sa construction, qui ne prit que 14 ans, fut ordonnée au début du XVième siècle par l’empereur Yongle 永乐帝 , troisième empereur, dont la légitimité est par ailleurs discutable, de la dynastie Ming. Ainsi, Yongle déplaça la capitale de l’Empire chinois de Nanjing à Pékin, afin de se rapprocher des frontières du Nord, et ainsi mieux les contrôler face à l’envahisseur Mongole. La Cité Interdite est en réalité le troisième palais impérial à avoir été construit à Pékin. Le premier l’a été pendant la dynastie Jin (1115-1234), le second au cours de la dynastie des Yuan (1271-1368), et la Cité Interdite a donc été construite pendant la dynastie des Ming. Aux Ming succédèrent les Qing, dynastie ayant régné de 1644 jusqu’en 1912, année de l’abdication de Pu Yi lors de la création de la République de Chine. Sauf Pu Yi qui y était pour ainsi dire prisonnier , les Empereurs ne vivaient pas toute l’année dans la Cité Interdite. L’été, pour fuir la chaleur étouffante de Pékin 🥵, les Empereurs résidaient à Chengde, résidence d’été située dans la province du Hebei, à 100km au nord de Pékin. Nous en parlerons dans un futur article.

On parle donc de Cité Interdite, car interdite au peuple, ou encore de Gùgōng (nous l’avons vu, cela signifie ancien palais). Mais le nom complet serait « Cité Pourpre Interdite », en référence à l’étoile nommée Zǐwēi Xīng (紫微星, la « petite étoile violette » ⭐️🟣) dans l’astronomie chinoise, c’est-à-dire l’étoile polaire de l’astronomie occidentale. En effet, comme le palais impérial se trouve au centre de Pékin et représentait le centre administratif de l’État 🎯, on lui donna un nom évoquant l’étoile qui est au centre de la rotation du ciel. Tout est toujours symbolique et imagé ici.

C’est donc parti pour la visite virtuelle de la Cité Interdite. L’architecture de la Cité Interdite est très imposante: il s’agit d’un rectangle de 960m x 750m, autour duquel il est difficile de circuler, car des policiers montent la gardent tout le long, et veillent à ce que l’on ne s’attarde pas trop longtemps autour. Une de nos premières tentatives d’approche en décembre 2021 a d’ailleurs été compliquée car nous ignorions à l’époque que les taxis ne pouvaient s’y arrêter. Nous avons donc eu du mal à rentrer. Autrefois, il était interdit à Pékin d’ériger des constructions plus hautes que la Cité Interdite, sauf le Temple du Ciel plus au Sud. Cela amplifie l’effet massif du lieu.

Nous arrivons donc par la « Porte de la Gloire Orientale », où nous laissons nos scooters électriques 🛵, et finissons le tour à pied entre l’extérieur du mur d’enceinte et les douves, pour rentrer par la Porte du Midi, elle aussi bien gardée! 💂‍♀️

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Mur d’enceinte extérieur de la Cité Interdite
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Imperturbable garde surveillant la foule de visiteurs se rendant à la Cité Interdite
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Entrée par la Porte du Midi… complètement déserte en juin 2022
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La même en avril 2023… très calme par rapport à juin 2023!

Comme je vous le disais, la Cité Interdite je l’ai déjà visitée 4x: 2x pendant le COVID 😷 (dont le 10 décembre alors que le COVID a subitement fait partie du passé, tout le monde était alors terré chez soi, soit de peur d’attraper le virus, soit car déjà malade), et 2x dans le monde post-pandémie 🥳. C’est très certainement un des rares points qui me fait regretter l’époque 2022, car nous avons eu la chance de voir la Cité Interdite pratiquement vide. Cela donne à la visite du lieu une saveur très particulière, que nous nous ne réalisons que maintenant au milieu des foules de visiteurs. Par conséquent, ne soyez pas surpris de voir des photos prises à différents moments de l’année 📷 ❄️☀️.

Après un minutieux contrôle de notre identité, nous passons la Porte du Midi, pour entrer dans la Cour de la Rivière aux eaux d’or, avec au fond l’imposante Porte de l’Harmonie suprême.

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Porte de l’Harmonie suprême et ponts enjambant la Rivière aux eaux d’Or
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Porte du Midi vue de l’intérieur de la Cour

La forme sinueuse de cette rivière évoque la forme du Dragon, symbole de l’Empereur. La dragon chinois 🐉 n’a d’ailleurs rien à voir avec notre dragon volant et effrayant cracheur de feu en Occident. Le dragon chinois ne vole pas, il représente la force de la nature, et la puissance impériale.

Cette cour monumentale (et c’est loin d’être la seule), nous montre que la Cité Interdite s’élève sur d’énormes fondations en pierre blanche. Ces blocs de roche massive, dont le poids peut atteindre plus de 200 tonnes, ont été autrefois extraits des carrières de Fangshan, situés à 70km au sud de Pékin, et transportés jusqu’au site de construction. Comment ont-ils réalisé cet exploit? En les faisant glisser sur les cours d’eau gelés 🧊, cela pouvant parfois prendre plusieurs hivers pour tout transporter.

Nous pouvons d’ailleurs ici voir déjà les symboliques de la Cité Interdites. Pour cela, faisons une courte introduction à la numérologie chinoise:

  • le chiffre 9️⃣ (九 jiǔ) est considéré comme un bon nombre dans la culture chinoise car il sonne comme et ressemble au mot « durable » (久 jiǔ). C’était ainsi le chiffre symbole de l’Empereur sous la dynastie Ming, et c’est pour cette raison que la cité interdite compterait 9999 pièces (en réalité, elle en compterait un peu moins de 9000). 9999 est aussi le dernier nombre avant 10 000, représentant une limite de ce qui est dénombrable. Au-delà on entre dans le domaine du divin. 9️⃣ est aussi le plus grand nombre impair, tandis que 5️⃣ se trouve en plein milieu des nombres impairs. Ainsi, dans la Chine ancienne les chiffres 9️⃣ et 5️⃣ symbolisaient la suprématie de l’empereur
  • le chiffre 3️⃣ est aussi très présent, celui-ci représentant l’équilibre, et le début de tout (si je me souviens bien, sur ce point j’ai un doute)

Ces chiffres sont donc très souvent présents dans la Cité Interdite, tout comme d’autres symboles réservés uniquement à l’Empereur:

  • 9 colonnes ou 9 intervalles entre les colonnes, ou parfois 5, ou parfois 3.
  • 9 animaux mythiques sur les tuiles des toits ou 9 intervalles entre eux (ou parfois 5, ou parfois 3). Ce qui est intéressant de noter ici, c’est l’entrelacement du symbolisme et du rôle architectural. En effet, ces animaux (dont les représentations sont aussi très symboliques, mais je n’irai pas dans ce détail ici) sont des éléments architecturaux lourds qui favorisent le maintien en place du toit, c’est sans doute le rôle initial de ces représentations
  • les toits avec des tuiles vernissées jaunes, couleur réservée à l’empereur uniquement 🟡. Dans la culture chinoise, la couleur jaune étant associée au respect.
  • On trouve aussi beaucoup de rouge pourpre 🔴🟣, nous l’avons vu plus haut, cette couleur étant associée à l’étoile polaire, cette étoile qui ne semble jamais bouger. C’est donc parfait pour cet environnement ayant si besoin de symétrie.
  • 9 rangées de 9 clous sur les portes🚪
  • 3 niveaux de terrasses pour les bâtiments les plus importants (personne d’autre en Chine ne pouvait oser avoir plus de 2 marches pour rentrer chez lui!)
  • des dragons, représentés un peu partout 🐉

Avant d’aller plus loin, laissez-moi vous montrer son plan (image trouvée sur voyageschine.com), là aussi tout est question de symbolismes

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L’architecture de la Cité respecte à la perfection des règles protocolaires très strictes. D’ailleurs, nous avons commencé à le voir, il n’y a pas d’arbre, pas de verdure pour se rafraîchir un moment à l’ombre, mais de grandes étendues minérales. Cela est un peu moins vrai dans la partie nord de la Cité Interdite, ou dite Intérieure, la partie privée de la Cité Interdite (par opposition à la zone au sud, dite extérieure, où s’exerçait la politique impériale). Le palais est, nous l’avons vu, au centre de la ville de Pékin, inscrit dans un rectangle dont le centre est le palais de l’Harmonie Suprême, le palais de l’Empereur, où celui-ci était couronné, où il recevait les hauts fonctionnaires chinois et les délégations étrangères. Coupée en deux par une ligne de symétrie Nord-Sud, reprenant le même axe qui était autrefois déjà cela de la ville de Pékin au temps des dynasties mongoles, la Cité Interdite toute entière est vouée à la logique mathématique. Les pavillons sont construits suivants des règles géométriques les plus parfaites possibles, par nombre pair le plus souvent. Le palais n’accueille aucune courbe, à l’exception de la rivière aux eaux d’or, tout est tracé de façon rectiligne, mettant en avant l’ordre, la régularité, les qualités qui devaient être celles de l’empereur.

De façon plus pragmatique on constate que l’empereur, fils du Ciel 🔵, réside dans le palais de la Pureté Céleste. Son épouse, associée à la Terre 🌏, était au palais de la Tranquillité Terrestre. Dans la cour intérieure les portes latérales sont dédiées à la Lune 🌝 et au Soleil 🌞, ce qui fait qu’on retrouve dans cette disposition les 4 éléments de l’Univers, selon la cosmologie chinoise. Cette disposition ainsi favorisait la stabilité du pouvoir. Ce lieu est donc imposant, inspirant un immense respect, sentiment appelant la comparaison avec Versailles.

Toutefois, les plus tatillons d’entre-vous auront remarqués que cette symétrie n’est pas toujours exactement respectée sur le plan. La Cité Interdite a effectivement beaucoup évolué au cours de son histoire, les empereurs apportant leur touche personnelle, sans pour autant détruire ce qui était là avant, afin de garantir une certaine forme d’unité de l’Empire, pour rassembler tous les peuples, y compris les partisans des précédents Empereurs. Mais aussi car la Cité Interdite a subi de nombreux incendies au cours de son histoire. En effet, les bâtiments sont conçus majoritairement en bois 🪵, du bois précieux venant du Yunnan. On imagine aisément qu’un lieu si immense n’a pas toutes ses pièces occupées toute l’année, et les bâtiments étant chauffés par un système de chauffage au sol, pas toujours bien entretenu pour les bâtiments les moins usités, ils étaient régulièrement ravagés par les flammes. Un des rôles de la rivière aux eaux d’or étaient d’ailleurs de servir de réserve d’eau pour éteindre les feux 💦🔥!

Reprenons notre visite, avec un petit retour en arrière. Avec toutes ces contraintes symboliques sur l’architecture du palais, cela laisse peu de liberté pour faire de l’esthétisme… sauf dans les angles, comme on peut le voir pour cette tour d’angle que nous apercevons depuis l’extérieur, au sud-est des remparts. Ces dougongs, emboîtement de supports en bois très typique de l’architecture chinoise, sont aussi ici un véritable ornement. Il faut noter que ce type de construction est très robuste vis-à-vis des tremblements de terre, la région pékinoise s’étendant sur une zone sismique.

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Reprenons notre visite virtuelle là où nous l’avions laissée:

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Photo de la famille devant la Porte de l’Harmonie Suprême

En passant par là, on ne peut rester indifférent devant les deux magnifiques shī 獅, ces 2 lions gardiens impériaux 🦁💂‍♀️, montant la garde devant tous les temples et palais chinois, et biensûr la Cité Interdite ni fait pas exception. Sur l’image ci-dessous il s’agit d’un mâle, reconnaissable à la boule de soie qu’il maintient sous sa patte. La femelle a quant à elle un petit lionceau couché sur le dos.

Nous passons ensuite de l’autre côté de la Porte, et arrivons dans une immense cour (qui mesure tout de même la bagatelle de 30 000 mètres carrés), où trône le Palais de l’Harmonie Suprême (en chinois Taihedian 太和殿), le palais principal de l’Empereur 🏰. Il s’agit par ailleurs du bâtiment en bois le plus grand de son époque à avoir survécu en Chine, et du plus haut de la Cité interdite. Il repose sur une base en marbre à trois étages, toujours pour une question de symbolique!

L’Empereur y recevait les hauts fonctionnaires, mais surtout les délégations étrangères. Toutes les grandes cérémonies avaient lieux ici, en particulier lors des avènements des nouveaux empereurs. On y célébrait aussi les anniversaires 🎂, les mariages 👰🏻‍♀️, et toute autre occasion comme la célébration du solstice d’hiver ❄️, le nouvel an chinois 🧧 et les déclarations de guerre ⚔️.

La terrasse en marbre y est décorée luxueusement de grues 🦩 et de tortues de bronze 🐢, symboles de la domination et de la longévité éternelle ∞. On trouve aussi, devant le bâtiment, deux cuves de bronze doré, servant à stocker l’eau 💧 en cas d’incendie🧯.

Sur cette terrasse, on trouve aussi un cadran solaire 🕔☀️ (on en trouve d’ailleurs plusieurs au sein de la Cité Interdite, le second exemple ci-dessous est visible dans la zone privée de la Cité Interdite). Il a ici un double rôle: à la fois symbolique puisqu’il représentait la capacité de l’empereur à être mesuré dans ses jugements ⚖️, mais aussi pratique car la vie protocolaire de la Cité nécessitait de toujours bien respecter le calendrier 🗓.

Il nous est par contre impossible de voir comment est l’intérieur du bâtiment, des barrières nous empêchant de coller la tête aux fenêtres pour y apercevoir probablement un trône richement décoré.

Passons à présent de l’autre côté du Palais de l’Harmonie Suprême.

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Il fait en fait partie d’un ensemble de 3 pavillons principaux, avec le Palais de l’Harmonie Parfaite (ou Palais de l’Harmonie du Milieu, en chinois Zhonghedian 中和殿), et la salle de l’Harmonie Préservée (en chinois Baohedian 保和殿).

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Le Palais de l’Harmonie du milieu (les couleurs sont assez ternes, ses peintures n’ayant pas été rénovées récemment)
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Derrière le Palais de l’Harmonie Parfaite, la salle de l’Harmonie Préservée (et une copine en premier plan 🙂 )

Ces trois pavillons sont connus sous le nom des « Trois grandes salles de la cour extérieure », et sont alignés le long de l’axe de symétrie Nord-Sud de la Cité 🚫. A vol d’oiseau les trois palais sont disposés de façon à plaire aux Dieux, sensés regarder le palais de haut. Leurs formes différentes brisent la monotonie architecturale du lieu. Le Palais de l’Harmonie Parfaite, qui est aussi le plus petit des trois pavillons, dispose aussi d’un toit unique. Ce pavillon était le lieu de repos 😴 de l’empereur quand il était en train d’organiser les cérémonies qui avaient lieu dans la salle de l’harmonie suprême. C’était un peu un salon d’attente, avant de recevoir ses ministres ou les fonctionnaires.

Le dernier pavillon de la cour extérieure est donc la salle de l’Harmonie Préservée. Les empereurs Ming s’en servaient pour changer de vêtements lors des cérémonies rituelles. Cette fonction changea ensuite sous la dynastie Qing, puisqu’il était devenu d’usage que les banquets impériaux s’y tiennent 🎉. Chaque année, à la veille du réveillon du Nouvel An Chinois, un banquet s’y tenait pour honorer les gouverneurs de provinces, les princes mongols, et quelques fonctionnaires civils et militaires. En 1789, au milieu de la dynastie des Qing, l’empereur Qianlong décida que la phase finale de l’examen national obligatoire, celui qui permit de lettrer une grande partie de la population chinoise, se tiendrait dans ce pavillon 📝🥇. Il s’agissait de l’équivalent du plus haut niveau du système des examens impériaux, à l’échelle nationale, et l’empereur honorait ainsi les dix premiers candidats retenus par la lecture des journaux qu’ils avaient soumis.

On croise ici du drôle de monde, surtout quand la Cité est complètement vide de visiteurs du fait de la pandémie en 2022 😷:

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Un groupe que l’on imagine être des étudiants d’une école de police
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Un couple de jeunes diplômés?

Et biensûr, comme dans tous lieux touristiques en Chine, nous retrouvons toujours ces personnes en costume traditionnel, pour une immersion au temps des Empereurs, le temps de quelques heures de shooting photo 📷.

Derrière la salle de l’Harmonie Préservée, avant de rentrer dans la cour Intérieure, zone privée réservée à l’usage personnel de l’Empereur, dans arrivons dans cette cour, qui donne l’impression de n’avoir pas de rôle particulier. Et pourtant, c’est dans ce petit bâtiment, qui ne ressemble à rien de bien important, que se jouait toute la politique de l’Empire du milieu. C’était un peu le bureau de l’Empereur, et la salle de réunion avec ses ministres 👨🏻‍💻 🤝.

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Petit bâtiment à l’allure insignifiante qui était le centre de la politique impériale

Je crois d’ailleurs que de l’autre côté du mur, qui sépare la cour Intérieure de l’Extérieure, un des Empereurs y avait installé sa garçonnière. Ainsi, pas besoin de beaucoup se déplacer au quotidien 🚶🏻‍♂️😄.

Si vous regardez bien la photo précédente, vous pouvez apercevoir un toit un peu différent des autres. En zoomant un peu plus (photo ci-dessous), on voit effectivement un toit qui sort complètement du protocole de la cour extérieure, beaucoup plus officielle. Dans la partie privée de la Cité Interdite, il était permis quelques fantaisies architecturales. Il s’agit en fait du Pavillon Yuhua, un temple Bouddhiste Tibétain, témoin de l’apogée de cette religion en Chine.

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Pour se rendre de la cour extérieure à l’intérieure, on passe par la Porte de la Pureté Céleste (Qianqingmen), qui sert d’entrée au domaine privé de l’Empereur 🚫. A l’entrée de cette porte on peut voir deux magnifiques lions en bronze 🦁, comme nous l’avons déjà vu précédemment. A l’origine, ils avaient pour rôle d’empêcher les femmes d’entrer dans la cour extérieure (où se déroulaient les affaires de l’État, interdites aux femmes) et aux courtisans d’entrer dans la cour intérieure (qui était le domaine privé de l’Empereur). Ils étaient un peu les cerbères de la Cité Interdite.

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Rangée de banc face à la Porte de la Pureté Céleste.

Derrière la porte de la Pureté Céleste, on arrive sur une cour de taille plus modeste. L’élément principal de cette cour est le Palais de la Pureté céleste (Qianqinggong en chinois). C’était tout simplement la chambre 🛌 des Empereurs de la Cité Interdite, du moins jusqu’à la dynastie des Qing. Ensuite, ce Palais servit de cabinet de travail ou de salle d’audience.

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Vue depuis le Palais de la Pureté Céleste

La partie privée, où l’Empereur résidait avec sa famille, sa cour, ses eunuques (à une certaine époque il y en aurait eu près de 8000!), offre un décor très différent: une succession de petits pavillons, de grandes allées faites de murs hauts séparant les différentes parcelles, et surtout le jardin impérial 🌳 (oui, ici les arbres sont permis aussi).

J’aime me perdre en déambulant dans ces allées, et jouer à photographier les portes. Cela offre de jolies perspectives, et ça donne l’impression de faire un voyage à l’époque des Empereurs de Chine.

Autre lieu que je trouve très agréable (ou trouvais, car c’est une toute autre saveur quand il est vide de visiteurs), c’est le jardin impérial 🌳🪨🌺. Il correspond à la plus petite des zones du palais, composé d’une succession de jardins et de pavillons de taille modeste (il s’agirait même de kiosques). Il est situé tout au Nord de la cité interdite, face à la porte de la prouesse divine qui garde l’entrée Nord. Ce fut un refuge privé pour la famille impériale et c’est peut-être l’exemple le plus typique de la conception chinoise d’un jardin. Ici, les arbres aux formes biscornues, les rochers tout aussi peu conventionnels et les massifs de fleurs sont agencés dans une harmonie parfaite.

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Des arbres à l’allure étrange, ressemblant aux Ents du Seigneur des Anneaux. Peut-être que la nuit ils se déplacent?

Toujours dans la partie privée de la Cité Interdite, nous pouvons visiter, moyennant un ticket supplémentaire, le Palais de Qianlong, regroupant un ensemble de bâtiments indépendants du reste du palais. Cet ensemble, entouré par de hauts murs d’enceinte rouge, n’est pas une construction d’origine. Il s’agit d’un ajout ordonné par l’empereur Qianlong (1736-1795), de la dynastie Qing, en vue de sa retraite. Une fois qu’il aurait démissionné, il souhaitait s’y retirer paisiblement et y passer ses vieux jours. Il démissionna effectivement de ses fonctions à ses 60 ans de règne 👴🏻, par respect pour son grand-père, l’empereur Kangxi, qui régna pendant 61 ans. Il décida toutefois de conserver un œil 👀 sur les affaires de l’Etat sous le prétexte de donner un coup de main, et donc en pratique il conserva le pouvoir. Il ne vécut donc jamais dans cette partie qu’il s’était faite construire, où il n’alla que parfois, dans son temps libre.

Ici, on peut notamment trouver un théâtre 🎭, appelé le Pavillon des Sons Agréables (Changyinge en chinois). Une de ses particularités est d’avoir une scène à 3 niveaux.

Contrairement au reste de la Cité Interdite, nous avons pu ici rentrer dans certains bâtiments. Rappelez-vous, je vous disais plus haut que la Cité Interdite était essentiellement faite en bois. L’intérieur ici était donc complètement en bois, non vernis cette fois, ce qui donnait une atmosphère assez sombre. Les cloisons étaient faites pour être modulables, et j’ai un peu honte mais je ne me souviens plus des explications reçues sur cet intérieur. Il va falloir que j’y retourne!

Est-ce que vous vous rappelez du Murs des 9 dragons 🐉 vu dans le parc de Beihai Beihai et ses neuf Dragons (北海公园)? Il existe 3 de ces murs en tuiles vernissées en Chine, le mieux conservé étant celui visible dans le Palais de Qianlong, dans la Cité Interdite. Le chiffre 9️⃣, des dragons, toujours une histoire de symbolisme!

Il est dit que le centre du troisième dragon (blanc) a été brisé lors de la cuisson dans le four, ce qui était la mort assurée pour les artistes compromis dans ce travail ☠️. Malgré le risque, un charpentier s’était porté volontaire pour remplacer l’original avec du bois et fit la sculpture et la peinture pendant la nuit. Grâce à ses talents et son courage, il sauva ainsi les sculpteurs du châtiment qui les attendait. De nos jours, on peut encore trouver des traces de cette réparation sur le troisième dragon. Zut, j’ai raté ce détail! Pour ça aussi, il faudra que j’y retourne.

De nos jours, certains de ces pavillons sont reconvertis en halls d’expositions, où l’on peut admirer des trésors impériaux de la civilisation chinoise ancienne et de très nombreuses œuvres d’art chinois : peintures, bronzes, céramiques, instruments de musique, laques. En voici un exemple (j’avoue de pas en être une grande passionnée, je ne m’y suis donc pas trop attardée).

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Avant de ressortir de la Cité Interdite, nous passons toujours devant un autre Palais, tout à fait étonnant du fait de son architecture plutôt de style occidental, voir même italien.

Il s’agit du Palais du Bonheur Prolongé (Yanxi gong). Au XIXième siècle, le palais originel fut détruit par un incendie. Il resta alors en ruine jusqu’en 1909, date où le gouvernement des Qing lança sa reconstruction dans un style occidental (la terrible impératrice douairière Cixi étant décédée, l’époque était propice à un élan d’ouverture vers l’Occident), avec un bassin l’entourant. Faute de budget, il ne fut jamais achevé, le bassin qui devait être rempli autour resta vide, on ne peut donc qu’imaginer ce que serait la visite permettant de voir les poissons 🐟 nager à travers des parois de verre. A présent les sculptures en marbre permettent d’imaginer ce qu’aurait pu être ce système.

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Pour sortir de la Cité Interdite, nous passons habituellement par les annexes extérieures orientales, chemin très agréable de par la verdure et le petit canal qui y serpente.

On peut apercevoir au fond ce grand bâtiment au toit de tuiles noires. Il s’agit du belvédère de la profondeur littéraire (Wenyuan ge en chinois, 文渊阁), ou plus simplement la bibliothèque impériale 📚. La couleur noire symbolisant l’eau 💦, ce toit noir (et non jaune!) protégeait les livres impériaux des risques d’incendie 👩🏻‍🚒.

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Le belvédère de la profondeur littéraire

Pour terminer notre visite virtuelle de la Cité Interdite, je vous propose ce diaporama de photos prises en 1890 ou 1900, en regard des mêmes lieux de nos jours. Enjoy!

Beijing Architecture (北京建筑)

Beijing Architecture (北京建筑)

En cette période du XXième congrès de Parti Communiste Chinois, Pékin est entourée d’une frontière invisible, mais pourtant bien réelle, un peu comme ces boucliers protégeant les villes futuristes des films de science-fiction. Voyant le verre à moitié plein, nous profiterons de ce passage en Chine pour explorer Pékin au maximum, et heureusement il y a de quoi faire!

En effet, la mégalopole chinoise n’en finit pas de nous étonner par sa richesse architecturale si contrastée: l’ultra moderne côtoie des monuments phare de l’Histoire de la Chine, ainsi que l’âme de Pékin avec ses Hutongs. Nous repartons ici dans les rues de la capitale chinoise, pour découvrir son architecture. Il nous faudra pour cela parfois lever les yeux très haut dans le ciel, ou chercher un recoin caché d’un Hutongs. Il ne s’agit que d’un minuscule pan de la ville, je ne pourrai prétendre déjà tout connaître ni tout résumer dans ce simple texte. J’en profite pour remercier notre ami Quentin, qui a contribué au reportage photo que vous allez découvrir ici 📸.

Mais d’abord, je voudrais vous partager notre perception des changements profonds opérés à Pékin ces dernières décennies. Comme nous l’avons vu il y a quelques mois, Pékin a 7️⃣ périphériques (et ouai, nous sommes de petits joueurs avec notre périphérique parisien + A86 + N104). Le premier périphérique est en réalité l’enceinte de la Cité Interdite. Nous habitons juste derrière le troisième périphérique (ce qui est toujours considéré comme faisant partie du centre de Pékin!).

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le point rouge en haut à droite, c’est chez nous!

Pour imaginer cette vitesse de l’extension de la ville de Pékin, dites-vous que les 3ième périphérique a été terminé à la fin des années 90. Pour faire simple, il y a 20 ans, à la place de notre immense résidence, il y avait des champs et des vaches 🐮. C’est comme tout ici: on construit vite, on voit tout en grand, tout est toujours démesuré. Nous n’étions pas là pour le voir, mais les français installés ici depuis des années (des héros à nos yeux) nous décrivent aussi un changement opéré depuis quelques années consistant à remplacer l’ancien par du nouveau. Il ne s’agit de rénover une habitation ou un magasin, mais de raser ce qui fait l’âme de Pékin, par du moderne aseptisé. Les petites échoppes traditionnelles sont remplacées par des banques 🏦 ou des salons de coiffure💈 (ne me demandez pas pourquoi), une grande partie des Hutongs ont été rasés pour être remplacés par des immeubles de 40 étages 🌇. Oui il faut loger tout le monde, oui il faut vivre avec son temps, mais à quel prix? Un autre exemple de cette ville ayant grandi trop vite, c’est le plan du métro 🚇, qui n’est absolument pas pratique. Les stations sont toujours loin d’où l’on doit se rendre, les stations sont éloignées entre elles, et les interconnexions sont mal pensées. Le métro pékinois est en quelques sortes plus comparable au RER parisien qu’à son métro.

Revenons à l’objet de cet article. Comme dans d’autres mégalopoles chinoises, Shanghaï pour ne pas la citer, Pékin est fait de contrastes entre l’ultra design, l’historique, et l’authentique que j’associerais à pauvre aussi. Oui, le contraste est aussi très fort au niveau des richesses: Pékin fait partie du top 10 des villes les plus chers de la planète (ou 20, selon les classements), mais il y aussi beaucoup de très pauvres. Du point de vue du contraste architectural, un exemple bien connu ici illustrant cela est cette célèbre photo offrant un point de vue sur le très design Galaxy SOHO, construit au milieu des vieux Hutongs.

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Galaxy SOHO au milieu des Hutongs

Vu de l’intérieur, c’est d’ailleurs digne d’un décor de film de science-fiction.

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Il y a en fait 3 ensembles SOHO de ce type à Pékin, au style ultra moderne dessiné par la célèbre architecte Anglo-Irakienne Zaha Hadid. On y retrouve des magasins (il y a à Pékin une incitation permanente à la consommation), des bureaux, et autres lieux de divertissements. Un autre de ces trois SOHO est le Wangjing SOHO, au look tout aussi improbable.

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Wangjing SOHO

Wangjing est aussi appelé le Koreantown 🇰🇷 de Pékin. Et oui, partout dans le monde on a des Chinatown, et ici il faut bien trouver autre chose! Ce quartier a aussi ses grandes tours, qui enfilent leurs robes de lumière le soir. Il n’y a pas à dire, les Chinois sont très forts pour les illuminations de nuit.

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Les tours de Wangjing

C’est d’ailleurs étrange de s’émerveiller devant ces illuminations 💡 (c’est vraiment beau Pékin de nuit), alors que récemment sur France Inter j’entendais qu’il était question de ne plus faire d’illuminations pour Noël, à l’heure de la crise énergétique (et écologique!). Mais qui sommes-nous pour avoir bien profité pendant des décennies, avoir donc bien contribué à cette crise, et pour donner des leçons de sobriété aux pays qui ont pris leur élan après nous? Enfin bref, revenons à notre sujet, c’est beaucoup plus léger!

Toujours dans la thématique de l’architecture design, la CCTV tower est l’emblème du nouveau Pékin. Conçue par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, cette tour défiant les lois de la gravité, abrite le siège de la télévision centrale chinoise 📺. Notamment en raison des risques de séisme, sa construction fut considérée comme un défi d’ingénierie. Sa forme unique lui fait valoir le surnom dà kùchǎ (大裤衩), signifiant « gros pantalon ».

Dans ce même quartier d’affaires de Guomao 🏙, le CBD pour Central Business District, se trouve un fameux gratte-ciel à la forme singulière: le China Zun (中国尊). Son nom vient du zūn, un ancien type de vase chinois en bronze qui inspira le style architectural de l’édifice. En temps normal il est possible de monter jusqu’au 108ième (et dernier) et étage, où une terrasse d’observation doit offrir une vue à couper le souffle sur la capitale. Mais restriction COVID oblige, elle n’est pas accessible. Mais vue d’en bas, cette tour donne aussi le vertige!

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Pour la petite histoire, nous voyons cette tour China Zun de notre salon (j’avoue que ce n’est pas désagréable comme vue, surtout le de nuit 🌃), et elle nous sert d’indicateur du niveau de pollution: si nous la voyons mal, voire pas du tout, c’est qu’il y a un pic de pollution.

Finalement, le CBD est le symbole moderne de Pékin, une des images typiques que l’on pourrait envoyer par carte-postale. J’aime d’ailleurs beaucoup ce contraste que l’on voit sur la photo ci-dessous, prise depuis la colline au Charbon avec le CBD en arrière-plan.

Pékin n’en reste pas là sur le thème des constructions audacieuses et futuristes 🛸. Au sud de Chaoyang Park, qui est un peu le Central Park de notre district, se trouve le Chaoyang Park Plaza, conçu par l’architecte Chinois Ma Yansong. Les formes des bâtiments ont été dessinés de façon à faire écho à ce que l’on retrouve dans les paysages naturels et les peintures traditionnelles chinoises, et réintroduisent ainsi la nature dans le domaine urbain. Ce n’est cependant pas exactement ce qui me vient à l’esprit en voyant cette construction, mais elle a le mérite d’être très atypique.

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Chaoyang Park Plaza vu depuis l’autre côté du lac de Chaoyang Park

Non loin de là, toujours aux abords du sud de Chaoyang Park, se trouve cette drôle de construction en forme de Donut 🍩, le Phoenix Center, ou Phoenix television. Cette construction est surtout impressionnante vue de l’intérieur, mais malheureusement il n’est pas possible d’y rentrer depuis plusieurs mois, à moins de travailler pour la chaîne Hong Kongaise évidemment.

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A l’ouest de la place Tian’Anmen, une autre construction étrange ressemblant cette fois-ci à un Oeuf posé sur l’eau mérite le détour 🥚💧: le National Centre for the Performing Arts 🎶 (NCPA pour les intimes). Cet opéra démesuré est l’oeuvre du Français Paul Andreu 🐓.

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Changement de décors pour un autre symbole de Pékin: les Hutongs. Les Hutongs, ça grouille de vie (ou plutôt ça grouillait, il paraît qu’avant c’était beaucoup plus animé qu’à présent), mais ce sont aussi de vieux vélos ou scooters garés en vrac 🚲🛵, ce sont des oiseaux 🐦, vestige du Pékin d’autrefois où les soldats en attente d’être appelés s’occupaient aux jeux et en faisant de l’élevage d’oiseaux, et puis on y joue, on y crie, ou on y fait la sieste. L’oisiveté d’antan est toujours un peu présente dans les Hutongs…

Dans les Hutongs on ressent aussi un fort sentiment nationaliste chinois, notamment avec les drapeaux accrochés à côté de chaque porte 🇨🇳. Nous avons des amis installés dans les Hutongs, et à la veille de la fête nationale début octobre (la Golden week), le comité de quartier a fait le tour des habitations pour s’assurer que chacun accroche bien un drapeau à sa porte. Nos amis (Français) n’ont pas eu d’autre choix que d’acheter un drapeau chinois (c’était le plus neuf de la rue!), le comité de quartier ayant un pouvoir de nuisance non négligeable, comme faire passer le health kit, précieux sésame du quotidien, du vert au rouge sans aucune raison. Chiche qu’ils feront mettre un drapeau français à leurs voisins pour le 14 juillet 🇫🇷!

On aime jeter un oeil au travers des portes pour deviner comment c’est à l’intérieur, et on y trouve de tout: des Hutongs joliment rénovés, du bric à brac, des Hutongs dans leur jus 🏮.

Où on aime simplement s’arrêter devant les portes closes🚪, car elles sont toujours étonnantes, très joliment ornées, le plus souvent du rouge typiquement chinois.

Mais les Hutongs, ce sont aussi des toits en quinconces, parfois avec des volières au milieu, qui renforcent le sentiment de dédale et de bouillonnement de la vie pékinoise. Si ça n’avait pas été si compliqué de se rendre au lycée d’ici, c’est là que j’aurais voulu habiter! Attention toutefois, car mis à part pour les hutongs rénovés, il n’y a pas d’autres sanitaires que les WC publiques dans la rue 🚻, et ces hutongs sont souvent si mal isolés que l’hiver, très rude à Pékin, il faut garder le gros manteau aussi bien dehors que dedans 🥶.

Pékin est aussi LA ville qui a accueilli les JO d’hiver ET d’été🏅(la Chine en est d’ailleurs très fière). Cela a par conséquent laissé une empreinte architecturale plutôt chouette, comme le stade national de Pékin, surnommé aussi le « Nid d’Oiseau ». C’est là que ce sont déroulées les épreuves d’athlétisme, mais aussi les cérémonies d’ouverture et de fermeture des JOs.

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On retrouve aussi la Tour d’Observation Olympique, mais dont la construction n’a commencé qu’en 2011, soit 3 ans après les JO 2008. Son rôle n’est que de faire de l’observation, rien d’autre. Elle est située sur l’Olympic Green, où l’on voit aussi ci-dessous le Nid d’Oiseau, le « Cube » (le centre national aquatique de Pékin, en blanc à droit sur la photo), et la tour de diffusion des médias pour les JO (la tour ressemblant à un empilement de toupies).

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Mais comment parler d’architecture pékinoise sans évoquer un autre symbole, qui n’a nul autre pareil: la Cité Interdite 🚫! Je présume que vous seriez curieux de lire un article à ce sujet, encore un peu de patience, car nous ne l’avons visitée qu’une fois, ce qui est bien trop peu pour commencer à en percer ses mystères. Mais en attendant, voici un magnifique panorama depuis la colline du charbon, où l’on aperçoit aussi plus loin sur la droite l’Opéra de Pékin.

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Un autre cliché célèbre à prendre à Pékin est cette vue prise à l’un des angles nord de la Cité Interdite, à l’équilibre symétrique parfait.

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Bien évidemment à Pékin on trouve une multitude de temples. On ne peut jamais vraiment les dater, dire s’ils sont très anciens ou pas. En Europe nous prêtons une grande attention à la façon d’entretenir, voire de restaurer nos monuments anciens, pour ne pas impacter leur authenticité (il n’y a qu’à regarder tous les débats autour de la reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris). Ces temples ont par contre une caractéristique commune que nous aimons beaucoup: la forme élancée des toits, avec leurs tuiles vernissées . Toujours du rouge et du doré, mais aussi du vert et du bleu.

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On y voit ici un dǒugǒng (斗拱), un élément architectural spécifique au monde chinois, basé sur un emboîtement de supports en bois. Servant au début à fixer les structures des toits sur des piliers et des colonnes, ils évoluent avec le temps pour devenir un ornement. C’est un des éléments les plus importants de l’architecture chinoise traditionnelle.

Tous ces temples que nous pouvons visiter ici sont de forme rectangulaire, sauf un temple très célèbre, presqu’autant que la Cité Interdite, et qui est aussi un véritable symbole de Pékin: le temple du Ciel. Il est considéré comme l’achèvement de l’architecture chinoise traditionnelle. La croyance chinoise symbolisant la Terre de forme carrée, et le Ciel de forme ronde, l’architecture ici est faite d’enceintes carrées avec des tuiles de couleur verte qui symbolisent la terre 🌍🟩, de bâtiments ronds avec des tuiles de couleur bleue qui symbolisent le ciel 🌈🔵. Ici aussi, il nous faudra y revenir, car ce genre d’endroit est trop immense pour être visiter complètement en une seule fois, surtout avec des enfants.

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Temple du Ciel

Et pour finir, n’oublions pas que le Communisme a aussi laissé sa trace sur l’architecture pékinoise, surtout aux abords de la place Tian’anmen 🪖. Le Palais de l’Assemblée du Peuple en est sans doute le meilleur représentant.

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Le Parlement

Je ne vais évidemment pas commenter plus ce sujet du congrès du PCC, qui commence aujourd’hui, mais pour les curieux que vous êtes, je vous propose d’écouter quelques Podcast pour mieux comprendre le contexte dans lequel nous vivons, notre réalité. Sur l’application Spotfy:

  • il y bien entendu « Les Chroniques d’Eric » (qui est d’ailleurs l’auteur de « Robinson à Pékin », dont nous avons parlé dans Robinsons à Pékin 2.0. ): épisodes du 14 octobre et du 14 septembre 2022
  • mais aussi « L’Heure du Monde »: épisode du 13 octobre
中秋节 – La fête de la Lune

中秋节 – La fête de la Lune

Ce week-end est un des week-end les plus importants de l’année en Chine, car nous fêtons « la fête de la Lune » 🌕, ou encore « le festival de la mi-automne » 🍂🍁 (zhōngqiū jié en pinyin).

Ce week-end de trois jours a encore plus de saveur pour moi, car ça y est, j’ai enfin repris le chemin du travail 🏭💻✈️! D’où le temps incroyable que je mets pour rédiger le troisième et dernier article sur nos vacances de juillet…

Vous me diriez: pourquoi la fête de la mi-automne alors que nous ne sommes même pas encore à la mi-septembre? En Chine, le calendrier, largement utilisé pour gérer l’agriculture, est soli-lunaire (ou luni-solaire, je ne sais pas trop), les saisons sont donc décalées par rapport à notre calendrier géorgien 🗓. Par exemple, le nouvel an chinois fête le début du printemps, autour de début février. Nous fêtons à présent la mi automne, saison ayant commencé mi-août. Et il est vrai que nous avons réellement constaté un changement de météo à chacun de ces changements de saison, c’est assez bluffant je dois dire.

L’origine de cette fête résulterait de la synthèse d’un ancien culte lunaire et d’une fête agricole, célébration des récoltes de l’année accompagnée d’un festin. La tradition, vieille de plusieurs millénaires, veut que les familles chinoises se réunissent autour d’un même repas. Une fois le repas terminé, les familles sortent dans leur quartier ou dans les parcs publics pour admirer la pleine lune, tout en dégustant des fruits et des gâteaux de lune, les fameux yuebing 🥮. Le gâteau de lune, que l’on trouve de forme ronde ou carrée, est constitué d’une farce qui peut être sucrée (pâte de haricots rouges, pâte de sésame, fruits secs) ou salée (jaune d’oeuf, viande séchée). Apparu sous la dynastie Tang, le gâteau de Lune ne serait devenu vraiment populaire que plus tard. On raconte que lorsque les Mongols étaient au pouvoir, les anciens gouvernants Sung ont fomenté une rébellion pour les renverser. A l’approche de la fête de la mi-automne, ils auraient caché le plan d’attaque dans les gâteaux de lune. La rébellion fut un succès et donna naissance à la dynastie Ming, et la légende des gâteaux de la rébellion a fait perdurer l’attachement à cette pâtisserie parfois un peu étouffante.

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Petit assortiment maison de gâteaux de Lune

Même si le second degré n’est pas une spécialité chinoise, certains ont également trouvé ces gâteaux de lune, à la signification beaucoup trop d’actualité: 🟨 je suis déjà vacciné, 🟩 préservez votre code vert, 🟥 test PCR négatif, ⬜️ la situation épidémique est en train de se dissiper.

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Il y a plusieurs légendes expliquant l’origine de la fête de la Lune, notamment celles de Chang’e qui s’envole sur la Lune, et celle du lapin qui fabrique des pilules d’immortalité.

Il y a fort longtemps, la Terre avait 10 soleils 🔟☀️. C’était bien trop pour chauffer la planète et très vite, les soleils firent bouillir l’eau des mers, asséchèrent les terres, rendant le peuple affamé. Les hommes supplièrent alors Hou Yi, archer émérite, de les aider. Celui-ci réussit à décrocher neuf des dix soleils à l’aide de son arc, en laissant un seul, celui qui nous éclaire encore aujourd’hui. Un jour dans les montagnes de Kunlun, Hou Yi rencontra Xiwangmu (qui dans les traditions taoïstes règne sur une terre d’immortalité située à l’Occident). Elle lui offrit un élixir de l’immortalité qui lui permettrait d’arriver au ciel. Il confia alors cet élixir à sa femme, Chang’e. A partir d’ici, on a plusieurs versions de cette version de la légende (vous me suivez toujours?):

  • Ne voulant pas attendre d’avoir atteint un âge avancé pour consommer sa part, comme le lui conseillait son mari, Chang’e absorba l’intégralité de la dose en cachette, et aussitôt son corps se mis à voler. Trop embarrassée par sa conduite pour se rendre dans le ciel des immortels, elle s’exila sur la Lune, où elle vit depuis dans un palais de jade nommé Guanghangong

  • Un des apprentis de Hou-Yi, nommé Peng-Meng, menaça Chang’e pour qu’elle lui donne l’élixir magique. Dans l’urgence, elle l’avala et s’envola alors dans le ciel. Ne voulant pas être trop loin de son mari chéri, elle atterri sur la Lune et vit depuis dans le palais de jade. Chaque année, au 15 août du calendrier lunaire, Hou-Yi rejoint sa femme par son regard en contemplant la Lune et en lui offrant un banquet

  • Devenu roi, Hou Yi se comporta en tyran. Voulant obtenir l’immortalité, il alla subtiliser l’élixir de longue vie. Mais sa femme Chang’e, voulant épargner au peuple ces souffrances, s’empara de la fiole et but elle-même le breuvage. Son corps, devenu léger, flotta jusqu’à la lune 🌙. Hou Yi, bien que furieux, était très amoureux de sa femme et décida de ne pas décrocher la lune avec l’une de ses flèches 🏹, épargnant ainsi son épouse.

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Pour expliquer l’origine de la fête de la Lune, une autre légende existe 🐇💊: celle du lapin apothicaire qui fabriquait des pilules d’immortalité (appelées “pilules de crapaud”) dans un mortier sur la lune. Comment se lapin arriva sur la Lune? Là encore il y a plusieurs versions de la légende:

  • Le lapin est Chang’e elle-même. Ayant commis la faute d’absorber la potion de l’immortalité, à l’occasion de chaque pleine lune celle-ci doit se transformer en lapin afin de fabriquer des pilules d’immortalité au service des Dieux du Ciel
  • Un immortel se déguisa en pauvre vieil homme et demanda à manger à trois animaux: le renard, le singe et le lapin. Les deux premiers lui donnèrent de la nourriture, mais le lapin se sacrifia au feu pour nourrir le vieil homme. Très touchés, les dieux rendirent le lapin immortel sur la lune
  • un couple de lapins acquirent l’immortalité par leur pratique du taoïsme. Ils eurent quatre filles. Un jour, en allant au ciel sur l’invitation des dieux, le père lapin vit que Chang’e était condamnée sur la Lune. Triste sur le sort de Chang’e, il raconta l’histoire à ses filles en leur demandant “si votre père était enfermé dans la solitude seriez-vous prêtes à vous sacrifier pour l’accompagner?” Les enfants se sont tous portés volontaires et le couple a envoyé la toute petite fille sur la lune pour accompagner Chang’e. Cette histoire fait valoir la morale de la piété filiale, vertu primordiale en Chine

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Cette année, le jour exacte de la fête de la Lune était donc le samedi 10 septembre. Quoi de mieux que d’aller admirer le coucher du soleil et le lever de la Lune depuis la Grande Muraille? Au lieu des départs à l’aube, nous quittons donc le centre de Pékin en début d’après-midi, pour attaquer l’ascension à 15h. Départ d’un petit village comme il y en a tant autour de la mégalopole pékinoise, aux rues joliment décorées pour l’occasion.

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Nous partons donc du village de Shixia, pour monter jusqu’à la Grande Muraille.

Une fois arrivés dessus, cette partie étant non ou que partiellement restaurée, ça n’est pas toujours évident de voir les restes de la muraille.

Certains passages sont en très mauvais état, et ce qu’il reste des marches (rappelez-vous, la Chine ne serait pas la Chine sans ses innombrables escaliers) peut s’avérer infranchissable pour notre courageuse petite Constance. Heureusement, son papa super fort peut encore la porter sur ses épaules (même si elle commence à devenir un peu lourde…).

Arrivés sur la tour qui sera le point culminant de notre rando, comme toujours une vue imprenable s’offre à nous.

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C’est donc là que nous prenons notre pique-nique, pour attendre le coucher de soleil🌄, et le lever de la lune 🌝, qui paraît-elle nous offrira la plus grosse pleine Lune de l’année.

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Ensuite, descente à la frontale 🔦, ce qui est toujours impressionnant, surtout quand le guide a dû nous laisser (nous étions avec un groupe d’une quinzaine de personnes) car une famille ayant voulu continuer plus loin s’était perdue, et que la personne sensée nous mener au village ne se souvient plus du chemin… Ça a toujours un petit côté Pékin Express quand même nos sorties ici 🗺🧭.

Le (et l’ancien!) Palais d’été

Le (et l’ancien!) Palais d’été

Tout d’abord quelques nouvelles du front pékinois. Finalement pas de reprise en présentiel des enfants à l’école d’ici à la fin de cette année scolaire. Re-fermeture des bars et d’un grand nombre de lieux culturels, et il est de plus en plus probable que nous devions décaler à nouveau nos vacances dans le Yunnan… La raison: une personne qui s’ignorait positive (car n’avait pas fait les tests PCR requis toutes les 48h par les autorités pékinoises depuis 2 semaines) a fait la tournée des bars il y a une dizaine de jours (dans un quartier que l’on pourrait comparer au Carré, les Liégeois comprendront), et lesdits bars ne contrôlaient pas scrupuleusement les Health Kit. Résultats: le plus gros cluster COVID jamais enregistré à Pékin depuis le début de la pandémie. Le monsieur en question est à présent en prison paraît-il. Le plus terrible dans cette histoire, c’est que des lycéens du lycée français se trouvaient dans un de ces bars pour fêter la fin de l’année scolaire, et une dizaine d’entre-eux ont été envoyés (seuls) en quarantaine centralisée. Comme disait mon amie Lydie hier matin, une semaine en Chine nous fait gagner 10 ans en maturité, sagesse, résilience. Vous n’allez plus nous reconnaître quand nous reviendrons! 😂

Quand j’ai besoin de me convaincre que notre séjour ici est tout de même une belle expérience, et bien j’écris! Aujourd’hui, je vous propose donc une visite du Palais d’été (Yíhéyuán 颐和园, littéralement jardin de l’harmonie préservée), ainsi que de l’ancien Palais d’été (Yuánmíng Yuán 圆明园, jardin de la clarté parfaite), difficile en effet pour moi de les dissocier. Situé au nord-ouest de la Cité Interdite, dans le quartier des prestigieuses universités chinoises, ce lieu est immense. La visite dont je vais vous parler, nous l’avons d’ailleurs faite en trois fois, dont la première en février, une des journée les plus froide de notre premier hiver pékinois.

Le Palais d’été qui existe aujourd’hui a été construit dans les années 1880, vers la fin du La dynastie Qing (1636 – 1912). Bien qu’il soit appelé « Palais », il s’agit en réalité d’un gigantesque jardin, considéré comme le plus bel exemple au monde de jardin impérial chinois. Ce que beaucoup de gens ne réalisent pas en visitant le Palais d’été aujourd’hui, c’est que ce jardin grandiose et impressionnant n’est en fait que l’ombre de lui-même. En effet, le Palais d’été d’origine, achevé en 1764, a été détruit par les forces britanniques et françaises en 1860, au cours de la seconde guerre de l’opium. Cet épisode historique, bien qu’oublié par une grande partie du monde, continue encore aujourd’hui à être considéré comme un symbole de l’humiliation infligée à la Chine par les puissances occidentales.

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Gravure représentant le sac de l’ancien Palais d’été en octobre 1860

L’ancien Palais d’été:

Le site originel était constitué de trois jardins, et à eux trois ils étaient cinq fois plus étendus que la Cité Interdite et représentaient huit fois la taille de la cité du Vatican. Les empereurs de la dynastie Qing y résidaient et y menaient les affaires d’État (la Cité interdite étant destinée aux cérémonies officielles).

Considéré comme un chef-d’oeuvre de l’art des jardins paysagers chinois, on trouvait dans ce « Versailles de l’Orient » des centaines de structures : salles, pavillons, temples, galeries, jardins à la française, lacs, ponts et labyrinthes. Des centaines d’œuvres d’art et de pièces d’antiquité chinoises étaient conservées dans les salles, ainsi que des exemplaires uniques d’ouvrages et d’anthologies littéraires, faisant ainsi des jardins impériaux une des plus grandes collections au monde. L’empereur affirmait son pouvoir impérial et divin en composant une centaine de paysages, réels ou imaginaires, qui reproduisaient le relief de l’empire, ses neuf continents mythiques, la mer de Chine et l’île légendaire de immortels (*). Il fit également recréer des paysages de la Chine méridionale qui le fascinait.

(*) Dans la mythologie chinoise, le Mont Penglai est la maison des huit Immortels. Ces huit Immortels connaissaient les secrets de la nature. Ces êtres mystérieux sont considérés comme des super-humains qui contrôlent tous les aspects de la vie. Chacun des pouvoirs que détient un immortel peut être transféré à un outil qui peut donner la vie ou détruire le mal. On dit que les huit Immortels vivent dans une montagne des îles Penglai, mais l’emplacement de leur foyer demeure un mystère non résolu. Le mont Penglai est aussi la maison d’Anqi Sheng, un sorcier chinois immortel.

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Illustration de ce que devait être l’ancien Palais d’été à Pékin

A présent, il n’en reste presque rien, sauf des ruines notamment de style occidental. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les constructions de style européen étaient assez marginales dans le palais, ayant été construites par les Jésuites afin de satisfaire le goût prononcé de l’empereur Qianlong pour l’architecture italienne et française.

Et des restes de ruines de style plus chinois

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quelques rares restes des ruines de style plus chinois, avec ces sculptures de Shī

Parmi les aménagements apportés au fil des ans, des ouvrages d’eau faits de ruisseaux, lacs et étangs, ont été construits. C’est surtout cela qu’il reste à présent dans l’ancien Palais d’été. Voyez la comparaison entre début mai et maintenant: les lacs et étangs ont été recouverts de lotus et de nénuphars.

Début mai:

Mi-juin:

D’ailleurs, connaissez-vous la différence entre le nénuphar et le lotus? Les feuilles et fleurs de lotus montent, alors que celles des nénuphars restent sur l’eau.

Déambulation dans ce qu’il reste d’un labyrinthe. Il est d’ailleurs assez bien conservé, un mur qui s’effrite fait apparaitre de la brique, qui ne nous semble pas d’époque. Il s’agit sans doute d’une restauration, ici il est toujours assez difficile de différencier ce qui est réellement ancien, et ce qui a été restauré récemment.

J’ouvre ici une petite parenthèse en zoomant sur des gravures de ce labyrinthe, avec cette représentation ressemblant de façon perturbante à la croix gammée nazie. On en voit très régulièrement ici, notamment dans les temples bouddhistes. En réalité, ce symbole est vieux de plus de 5000 ans, et a une connotation très positive en Asie, puisqu’il est synonyme de fortune, de longue vie et était même une représentation du Bouddha lui-même.

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Le Palais fut anéanti une première fois en 1860 par « des diables étrangers ». En effet, en octobre de l’année 1860, lors de la seconde guerre de l’opium (**), une délégation britannique se rendit de Tianjin à Pékin afin de contraindre l’empereur à ouvrir son pays à leurs commerçants et missionnaires. Au lieu de cela, ils furent arrêtés et de nombreux membres de la délégation furent torturés à mort. En guise de représailles, Lord Elgin ordonna aux troupes britanniques de réduire en cendres le Palais d’été, qui avait déjà été pillé par les Français et les Anglais. Beaucoup des trésors volés sont encore aujourd’hui en Europe, je présume notamment au Louvre et au British Museum.

(**) la seconde guerre de l’opium peut être considérée comme un prolongement de la première guerre de l’opium. Il s’agit d’un conflit militaire motivé par des raisons commerciales, opposant le Royaume-Unis et la France à l’empire Qing. Pour faire très simple, ce conflit est dû à la volonté de l’Occident d’imposer à la Chine l’autorisation de commercer l’opium

« Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde, mais cette merveille a disparu», écrit Victor Hugo en 1861. Fou de rage, l’écrivain s’adresse à un officier anglais, le capitaine Butler, pour s’indigner de la destruction un an plus tôt du Palais d’été de Pékin, dont la renommée égalait à ses yeux le Parthénon, les Pyramides, le Colisée et Notre-Dame de Paris. Il pointe du doigt les deux «bandits» responsables de ce crime: la France, qui a pillé ce «chef-d’œuvre», et l’Angleterre, qui l’a incendié (après s’être également bien servie).

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Buste de Victor Hugo

Extrait de la lettre au capitaine Butler par Victor Hugo le 25 novembre 1861 (je vous la retranscris ci-dessous)

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Extrait de la lettre de Victor Hugo au capitaine

Au capitaine Butler

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse à ce qu’il paraît. Une dévastation en grand du Palais d’été s’est faite de compte à demi entre les deux vainqueurs. On voit mêlé à tout cela le nom d’Elgin, qui a la propriété fatale de rappeler le Parthénon. Ce qu’on avait fait au Parthénon, on l’a fait au Palais d’été, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce formidable et splendide musée de l’Orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’oeuvre d’art, il y avait des entassements d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l’autre a empli ses coffres; et l’on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits.

Nous Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie.

Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion! Les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés, les gouvernements sont quelques fois des bandits, les peuples jamais.

L’empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd’hui, avec une sorte de naïveté de propriétaire le splendide bric-à-brac du Palais d’été. J’espère qu’un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée renverra ce butin à la Chine spoliée.

En attendant, il y a un vol et deux voleurs

…….

Le Palais fut anéanti une seconde fois lors de l’intervention des 8 forces alliées suite à la révolte des Boxers en 1900 (insurrection nationaliste chinoise menée par la société secrète des Boxers contre les légations étrangères et les missions catholiques à Pékin). La nature repris alors le dessus, et l’ancien Palais d’été devint alors un véritable self-service à ciel ouvert: pierres et bas-reliefs y furent pillés et utilisés pour d’autres édifices. On a présent du mal à imaginer ce que fut autrefois ce Versailles de l’Orient.

Le Palais d’été (le nouveau):

Ce jardin impérial regroupe trois secteurs répondant chacun à une fonction particulière: activités politiques et administratives, résidence impériale, méditation et communion avec la nature dans le jardin paysager. Le palais d’été illustre parfaitement l’art du jardin paysager chinois en vogue sous les dynasties impériales en Chine. Entre 1750 et 1764, l’empereur Qianlong (dynastie Qing) créa le jardin des Ondes claires (appelé palais d’été à la fin du XIXième siècle) autour du lac Kūnmíng, et fit construire des temples et pavillons sur la colline de la Longévité, nom donné à l’occasion du soixantième anniversaire de sa mère.

Tout comme l’ancien Palais d’été, il fut très endommagé en 1860, lors de la seconde guerre de l’opium. Plus petit que l’ancien, le jardin et ses édifices furent reconstruits à partir de 1886, pour l’impératrice douairière Cixi. C’est là qu’il fut renommé Palais d’été. Mis à nouveau à mal en 1900 par la force expéditionnaire international en répression à la révolte des Boxers, il faut à nouveau restauré. Il est à présent ouvert au public, et ce depuis 1924.

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Shī: Lion gardien chinois

De taille plus modeste que le précédent, il a une superficie de 2.97 km2, couverte au 3/4 d’eau. Il constitue un ensemble harmonieux de jardins, de temples, de pavillons, de ponts et de galeries, autour du lac Kūnmíng. 

Le lac est traversé par le célèbre pont aux dix-sept arches. Pardonnez-moi le peu de photos et en plus souvent prises de loin, il faisait si froid à cette période de l’année que notre visite a été très accélérées, sinon nous aurions perdus nos doigts tellement il faisait froid!

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le lac Kūnmíng, traversé par le pont aux dix-sept arches

Sur ce lac on retrouve également le bateau de marbre, devenu le symbole de l’extravagance et de la démesure des souverains au crépuscule du règne impérial. Bâti en 1755, il fut restauré en 1893 sur ordre de Cixi (qui y consacra des fonds destinés à la modernisation de la flotte de la marine chinoise). Une grande partie du bateau a en réalité été réalisée en bois peint de manière à évoquer du marbre.

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C’est sans le savoir ce jour-là de grand froid que nous avons gravi la colline de la Longévité, culminant à 60m. La plupart des pavillons et temples sont construits sur cette colline, à revoir pour mieux les admirer et surtout pour les photographier. Cette colline offre aussi un magnifique panorama sur Pékin, le temps parfaitement dégagé de cette froide journée de début février nous aura moins offert ça.

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Vu d’en bas: temple bouddhique de la Mer de sagesse en haut de la colline de la Longévité

Nous avons aussi été fascinés par la Longue Galerie (Cháng Láng – 长廊). Longue de 728m, les poutres, cloisons et plafonds sont ornés de plus de 14000 peintures évoquant des scènes de l’histoire et de la mythologie chinoises, ainsi que des textes classiques de la littérature.

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Longue galerie

Finissons cette visite par la rue Suzhou, située à l’entrée du site, qui est une reconstitution d’une rue commerciale construite sous les ordres de l’empereur Quianlong. Comme à Suzhou (une Venise de Chine), elle est bordée par un canal, où l’on pouvait bien-entendu patiner à cette période de l’année.

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Je risque malheureusement de vous parler de Pékin uniquement pendant encore un long moment. C’est beau biensûr, mais tout comme Paris n’est pas la France, Pékin n’est sans doute pas la Chine non plus.

 

Robinsons à Pékin 2.0.

Robinsons à Pékin 2.0.

Toujours dans l’idée de chercher à mieux comprendre la Chine, j’aime me plonger dans des lectures sur son histoire, que ce soit des documentaires historiques ou tout simplement sous forme de romans historiques, voir contemporains. Je voudrais donc vous partager aujourd’hui une de ces lectures, qui est une BD autobiographique.

Pourquoi est-ce que je me focalise sur cet ouvrage plutôt qu’un autre? Outre le fait qu’il est très agréable à lire, aussi bien Julien que moi nous nous sommes faits la même remarque: que l’arrivée à Pékin se fasse dans les années 80 ou 35 ans plus tard, les constats et difficultés du quotidien sont très semblables. J’ai trouvé ça plutôt rassurant finalement. C’est amusant aussi de lire des passages concernant des lieux que l’on connaît, finalement nous allons tous aux mêmes endroits… Certaines choses ont biensûr évolués, mais d’autres beaucoup moins.

Tout d’abord, comme relaté dans ce livre, nous éprouvons aussi de grandes difficultés à nous fondre dans le peuple chinois. Certes, individuellement les chinois sont vraiment très attachants, il y a toujours quelqu’un pour nous aider, mais la société est faite pour maintenir cette frontière invisible qui nous empêche de créer de vrais liens avec eux. Je ne trouve finalement pas de meilleurs mots que ceux repris du livre:

Trop s’intégrer est en réalité mal vu par le régime, qui craint une « pollution spirituelle » et que la démocratie ne déteigne sur le peuple. Nous vivons pourtant ce rêve chimérique de sauter la barrière et de franchir tous les obstacles pour y parvenir. Mais comment peut-on à la fois rester soi-même, fier de sa culture, et « devenir chinois »?

Il y a aussi biensûr la lourdeur administrative qui est toujours bien présente de nos jours. On a beau être à présent dans un pays ultra digitalisé, le sacro-saint tampon rouge est toujours indispensable, et la façon de l’apposer est encore tout un art.

Vous y reconnaitrez également nos difficultés des débuts, où faire ses courses étaient assez complexe. C’est un fait intemporel, et tout comme l’auteur nous ne pouvons pas intégralement faire nos courses comme les chinois, compléter de temps en temps avec des produits « comme chez nous » est indispensable, et pour cela nous allons chez Jenny Lou! Vous reconnaîtrez sans doute la petite marchande chez qui Eric Meyer se rendait. Est-ce que les graines de Basilic rapportées d’Europe sont à l’origine de la chaîne de magasin du même nom? L’histoire ne le dit pas.

Par contre, une différence majeure rapport aux années 80 est que biensûr le rationnement n’existe plus. Pourtant, la notion de liberté a une définition toujours bien différente ici. Je pense que nos enfants auront ici bien compris l’importance de vivre dans une démocratie, en ayant vécu dans un pays qui ne l’est pas.

En lisant ces pages, on ressent déjà le fourmillement qui anime la ville de Pékin. Il est toujours là, et a même été accentué avec les progrès des temps modernes et l’évolution des moyens de communications

  • les vélos, même si toujours très présents, ont été remplacés par les scooters électriques
  • les petits marchands sont toujours présents, et de plus en plus accessibles du fait de l’utilisation excessive des livreurs, qui vont partout, tout le temps. Et ici, en termes de consommation, le dimanche est un jour comme un autre
  • les informations circulent très vite du fait du réseau sociale WeChat, qui nous sert aussi à payer nos courses, se faire des virements bancaires (ici c’est instantané!), à payer l’eau et l’électricité, suivre les colis venant d’Europe

Mais ces évolutions sont-elles bien positives? Difficile à imaginer que cela arrive en France ou en Belgique, culturellement c’est plutôt inconcevable. Nous n’avons par contre pas non plus le monopole de la bonne solution, peut-être est-elle entre les 2?

En revanche, je suis un peu étonnée d’avoir trouvé ce livre ici (nous avons une libraire francophone à l’Alliance Française). En effet, la seconde partie de l’ouvrage concerne les évènements de 1989. Je ne vais bien entendu pas m’étendre sur le sujet ici, mais laissez-moi vous montrer quelques images prises cet hiver quand nous nous sommes rendus sur la place Tiān’ānmén.

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en arrière-plan: le mausolée de Mao

Située au centre de Pékin, cette place tient son nom de la Porte de la Paix Céleste (Tiān’ānmén – 天安门), qui est l’entrée sud de la Cité Interdite.

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en arrière-plan de ce monument célébrant à la fois les JO d’hiver 2022 et le Nouvel An chinois: la Porte de la Paix Céleste

Outre les nombreux évènements historiques qui s’y déroulèrent, la place Tiān’ānmén est aussi célèbre car il s’agit du quatrième plus grand square au monde (elle mesure un peu plus de 40 ha). C’est aussi là que se trouve un de nos objectifs d’une prochaine visite culturelle: le musée national de Chine

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Je crois que cette place est un des lieux les plus sécurisés de Pékin (et donc de Chine), si ce n’est le plus sécurisés: les accès sont très limités, il faut passer plusieurs points de contrôles des passeports, du Health Kit bien-entendu, des sacs, et même fouille au corps. Pour ceux désirant se rendre à la Cité Interdite par-là doivent compter au moins 1h pour traverser la place et tous ses contrôles.

Même si la place n’est pas particulièrement belle (elle fait très style « communiste ») ça vaut le coup de s’y rendre au moins fois, ne serait-ce que pour se dire « je l’ai vue ».

Le long des canaux pékinois (北京河)

Le long des canaux pékinois (北京河)

Ce sujet dans lequel je me lance n’est pas simple. En effet, pas mal de questions se posent sur le système hydraulique de Pékin, mais il y en fait peu de réponses. La raison est que son histoire est longue, car elle remonte au XIIième siècle, quand la dynastie Jin s’installa à Pékin, afin d’y acheminer des militaires pour la conquête des régions du Nord. La plupart des archives études sur le sujet ont à présent été perdues. On sait que le réseau existant à l’extérieur des murs de Pékin interconnecte les rivières, les canaux, les douves et les lacs. Il y a aussi des écluses par-ci par-là. On ne sait par contre plus où étaient les rivières il y a mille ans, et il n’est pas sûr qu’il existe encore des cours non artificiels à moins de 15km des anciens remparts (actuel second périphérique).

Du côté Est de Pékin, le réseau est relié au Grand Canal, et le transport se faisait avec des bateaux à fond plat (des jonques) halés par des bateliers. Ce Grand Canal (Dà Yùnhé – 大运河), qui fut allongé au fil des dynasties, est le plus grand canal ancien au monde. Il débute au nord par Pékin et se termine au sud à Hangzhou, dans le Zhejiang, avec une longueur totale de 1800 km (estimation variable cependant). Il passe notamment dans les villes de Pékin, Tianjin, et traverse les provinces du Hebei, du Shandong, du Jiangsu et du Zhejiang. Les parties les plus anciennes remontent au Vième siècle av. J.-C. Vers le milieu du XIXième siècle cependant, le développement du transport maritime et l’ouverture des voies de chemin de fer Tianjin-Pukou et Pékin-Hankou réduisirent grandement le rôle du canal comme artère majeure de transport en Chine. D’importantes parties cessèrent d’être entretenues, s’envasant rapidement. Avec l’avènement de la République populaire de Chine en 1949, d’importants travaux de réhabilitation furent engagés sur le Grand Canal pour redonner son importance économique première. Il est à présent inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2014.

Les différentes zones drainées par les canaux, et en particulier par le Grand Canal, bénéficiaient de leur importance économique. En effet, ils permirent tout d’abord de ravitailler la capitale en y acheminant des céréales venant du sud du pays. L’autre fonction est bien sûr l’irrigation des terres traversées par ces canaux. Egalement, la Chine a été de nombreuses fois soumise à de fortes inondations lorsque les cours d’eau naturels sortaient de leur lit (voir les divagations du fleuve Jaune à la fin de cet article), les canaux permirent ainsi de mieux maîtriser les éléments. Il s’agissait également d’un moyen de transport fiable pour les dirigeants qui souhaitaient parcourir régulièrement le sud de l’empire. Enfin, le Grand Canal permit aussi des échanges culturels entre le nord et le sud de la Chine. Le canal fit forte impression aux premiers visiteurs de l’empire. Marco Polo mentionna les ponts avec arches du Grand Canal, ainsi que ses importants entrepôts et le commerce qu’engendrait le canal au XIIIième siècle.

Bref, vous l’aurez compris, les canaux ont ici une importance dans l’Histoire de la Chine, tant sur le plan économique, militaire, politique, culturel, mais aussi bien entendu géographie. A présent à Pékin, ils sont très appréciés pour les longues balades du week-end, aussi bien à vélo qu’à pied, comme ici le long du Liàngmehé et du Bàhé.

De nuit, les canaux, et plus particulièrement le Liàngmahé 亮马河, offrent un repère très agréable pour se promener et admirer les jets d’eau et jeux de lumières. J’apprécie notamment beaucoup une séance de yoga au crépuscule sur un des pontons, c’est parfait pour évacuer la nervosité de cette interminable période d’école à la maison. S’y retrouver le soir pour écouter de la musique est aussi une excellente manière de sortir retrouver un peu de fraîcheur après une journée de forte chaleur.

 

Le nom de ce canal Liàngmahé tiendrait du fait que dans les temps anciens, les convoyeurs de marchandises devaient laver leurs chevaux avant d’entrer dans la capitale. Ils les baignaient dans l’eau du canal et les laissaient se sécher sur la rive, d’où le nom originel de ce tronçon : 晾马河 (en pinyin liàngmahé, signifiant « la rivière où les chevaux sèchent au soleil »). Avec le temps, les gens ont modifié son nom pour le plus élégant 亮马河 (qui se prononce de la même manière mais avec un premier caractère différent, signifiant à présent « la rivière des brillants chevaux »).

Si je me risque au même jeu de traduction du canal Bàhé 坝河, cela signifierait « rivière de la digue » (ou du barrage peut-être). C’est effectivement cohérent avec le fait que ce canal ait été construit il y a près de 800 ans de le but de protéger la ville des inondations récurrentes qu’elle subissait. 

A l’intérieur des murs de la ville (comprendre à l’intérieur du second périphérique), les canaux permettent aussi d’alimenter les lacs dont nous avons parlés lors d’un précédent article. A l’époque, ils permettaient aussi le transport sur des barques.

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Un bras du Grand Canal (si j’ai bien compris) qui alimente le lac Qiǎnhai. A droite on aperçoit un mur du temple du dieu du feu (Huǒshén)

En hiver, il fait si froid que les canaux et les lacs sont gelés (les enfants avaient d’ailleurs pu y patiner). Mais cela n’arrête pas les anciens pékinois, qui n’hésitent pas à aller faire quelques brasses pendant que nous les regardions bien au chaud dans nos grosses doudounes bien épaisses.

J’en profite d’ailleurs pour vous partager quelques clichés d’une randonnée d’une dizaine de kilomètres que nous avions faite en janvier exclusivement sur une rivière gelée, la rivière blanche (qui est naturelle cette fois-ci).

Pour terminer, je profite de ce sujet fluvial pour vous partager un fait historique qui m’a impressionnée (il m’en faut peu, je vous l’accorde :)). Il s’agit des divagations du fleuve Jaune, qui se jette dans le Mer Jaune à l’est de la Chine, dans la zone entre Pékin et Shanghaï (il faut considérer un périmètre large, vous allez comprendre pourquoi). En effet, les divagations du fleuve Jaune désignent les changements de lit du fleuve dans son cours inférieur depuis l’établissement de la civilisation chinoise il y a plusieurs millénaires. Ces modifications du tracé du fleuve proviennent de la topographie régionale, et de la forte charge sédimentaire de ses eaux charriant de grandes quantités de limon. La particularité de ces divagations dans le cas de ce fleuve tient au fait que celles-ci peuvent déplacer son embouchure de plusieurs centaines de kilomètres le long du littoral, au point de la faire passer de part et d’autre de la péninsule du Shandong suivant les époques. Les archives historiques montrent qu’au cours des deux derniers millénaires, le fleuve a connu plus de 1500 modifications mineures, près de 25 modifications majeures, et a changé six fois radicalement son cours. Chaque changement majeur consécutif à une crue a été un désastre humain pour la population noyée (on parle en million pour dénombrer le nombre de morts), et une catastrophe économique imposant de réorganiser les aménagements des voies navigables et notamment la circulation dans le Grand Canal.

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

Vous avez sans doute vu au travers des média l’actualité du moment en Chine. Je ne vais évidemment pas m’exprimer à ce sujet ici, mais sachez que nous allons bien. Pékin n’est pas dans la même tourmente que Shanghaï, mais nous sommes fortement incités à ne pas quitter la ville, et devons nous faire tester presque tous les jours en ce moment. Certaines résidences sont en quarantaine, mais la nôtre n’est pas (encore) impactée. Nous étions partis en Chine en étant résignés sur le fait que cette expatriation ne serait pas pour nous l’occasion de voyager en Asie, mais après tout la Chine est si vaste et propose déjà des milliers de possibilités de créer de beaux souvenirs! A présent nous ne sommes pas convaincus que nous pourrons vraiment voir autre chose que Pékin… Mais bon tant pis, restons positifs, après tout cette région a une histoire et un patrimoine très riches, alors profitons-en pour l’explorer à fond!

En cette saison, Pékin nous offre une explosion de couleurs avec les fleurs qui éclosent partout dans la capitale. C’est donc la période idéale pour aller découvrir la Colline au Charbon (que nous avions tentée en vain d’aller voir le 25 décembre car nous n’avions pas réservé notre entrée la veille). Ce jour-là, la météo annonce un ciel parfaitement dégagé, ce qui est important pour profiter pleinement de la vue offerte dans ce parc. Nous nous retrouvons dans les Hutongs avec une amie qui vient d’y emménager, et pédalons jusqu’à l’entrée du parc Jingshan (Jǐngshān Gōngyuán: 景山公园), dit « la Colline au Charbon ».

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Comme dans tous les parcs pékinois, habituelle séance matinale de Tai Chi (ou de danse, je ne me souviens plus)

Pourquoi ce nom « Colline du Charbon »? Car on y stockait le charbon qui permettait de chauffer les sols de certains bâtiments de la Cité Interdite (oui, du charbon sous les dallages). Située dans le prolongement nord de la Cité Interdite, cette colline artificielle s’élève à 108m d’altitude. Proposant un parc aménagé, probablement l’un des plus beau de la capitale chinoise, la colline fut constituée grâce à la terre des creusements des douves du palais impérial, et des lacs de la capitale. Cette colline était supposée protéger la cité des mauvais esprits qui venaient du Nord. Jusqu’en 1928, l’empereur était le seul à pouvoir s’y promener. La Colline de Charbon offre par ailleurs une vue imprenable sur la Cité Interdite et le reste de la ville de Pékin (d’où l’intérêt de s’y rendre un jour de beau temps !). Outre le panorama de ce parc sur toute la capitale, la colline au Charbon est aussi célèbre par le fait que c’est là que mourut en 1644 le dernier empereur Ming, Chongzhen, qui se pendit à un arbre alors que l’armée de 400 000 paysans, dirigée par Li Zicheng, entrait dans Pékin. C’est donc à cette date que la dynastie Qing pris le pouvoir. Cet arbre existe toujours, mais nous ne l’avons pas trouvé (on n’a pas vraiment cherché non plus).

En avant donc dans ce dédale d’escaliers et de petits pavillons colorés, avec pour objectif cette magnifique vue promise sur la Cité Interdite, et sur toute la capitale chinoise.

Et nous ne sommes pas déçues du voyage, arrivées tout en haut nous avons une vue imprenable sur cette fameuse Cité Impériale.

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Et plus en détails le panorama:

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Sud de la Colline du Charbon

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Ouest de la Colline du Charbon

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Nord de la Colline du Charbon

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Est de la Colline du Charbon

Je ne peux pas vous montrer ces 4 panoramas de Pékin sans vous en dire un peu plus sur l’histoire du « découpage » de la ville. « Détruisez votre maison, et reconstruisez-la ailleurs… ou recevez une compensation », tel fut l’ultimatum reçu par les Han en 1648. La capitale ayant été prise par les Mandchous (venus du Nord), les nouveaux dirigeants décidèrent de séparer la ville et de mettre en place un système proche de l’apartheid. Les membres de l’armée mandchoue et les civils chinois n’étaient plus censés se mélanger librement. Ce fut le début d’une politique de ségrégation qui dura 264 ans, jusqu’à l’abdication du dernier empereur en 1912.

La ville fut séparée en deux:

  • la ville Tartare au nord (appelée aussi ville Intérieure ou ville Mongole), qui s’étendait autour de la Cité impériale et incluait notamment la place Tian’anmen et la colline au Charbon, ainsi que la tour de la Cloche et la tour du Tambour. La Ville tartare avait la forme d’un carré aligné sur les points cardinaux et mesurait environ six kilomètres de côté. Ses murailles ont été abattues en 1958. Cette ville étaient divisées selon les huit Bannières, qui étaient des divisions militaires et administratives dans lesquelles toutes les familles mandchoues se trouvaient réparties.

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la ville Intérieure était le territoire des Huit Bannières, de 1648 à 1912

  • la ville Chinoise (ou ville Extérieure) au sud de la place Tian’anmen, incluant notamment le temple du Ciel. Elle avait la forme d’un rectangle aligné sur les points cardinaux également, et mesurait environ huit kilomètres d’est en ouest et trois kilomètres du nord au sud. Cette partie de Pékin abrita longtemps les différentes délégations diplomatiques.

Comme on le voit sur ce schéma, des portes permettaient de passer les murailles de ces deux villes (rappelez-vous, en mandarin porte se dit « men »). C’est de ces noms de portes que viennent les noms des districts actuels. Par exemple nous habitons dans le district de Chaoyang (situé à l’est de la Cité Interdite), dont le nom vient de Chaoyangmen (朝阳门), porte du Soleil levant.

Les visiteurs étrangers qui se rendaient à Pékin étaient fascinés par cette ville ségréguée. En 1793, l’envoyé britannique Lord Macartney a décrit comment la capitale était vraiment considérée comme un territoire occupé. Toutes les ruelles des hutongs avaient des portes qui se fermaient pour la nuit lorsqu’un couvre-feu dans toute la ville était imposé. L’Illustrated London News a aussi rapporté à quel point Pékin était comme une ville de retraités. En effet, la majorité de la population était composée de soldats mandchous payés par le gouvernement et, malgré leurs fonctions de soldat, ils auraient consacré plus de temps à des passe-temps comme le chant d’opéra et l’élevage d’oiseaux. La culture chinoise et mandchoue était aussi très différente. Un bon exemple de cela est la façon dont les femmes étaient traitées : les femmes mandchoues marchaient librement dans les rues, ce qui était impensable pour une femme chinoise notamment à cause de la tradition des pieds bandés.

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Image de « The Illustrated London News » datant de septembre 1873

Revenons à présent à notre balade dans le parc Jingshan et descendons de la colline pour profiter des fleurs, notamment des tulipes qui s’ouvrent en ce moment.

Il y a aussi les pivoines, prêtes à éclore. Dans ce jardin de pivoines, s’il n’y avait pas eu ce haut-parleur qui hurlait je ne sais pas quoi, on aurait même pu se croire dans un mas provençal.

On trouve également des centaines d’arbres bien fleuris, comme cet arbre à fleurs roses, que l’on pourrait imaginer comme étant fait de petites boulettes de papier chiffonné, collées comme pour un bricolage d’enfant.

Il n’est pas rare de croiser des personnes posées pour dessiner ou peindre ces paysages fleuris. Je préfère les prendre en photo, mes talents de dessinatrice étant bien trop légers 😅.

Cet arbre est tellement vieux et lourd que l’on ne lésine pas sur les moyens pour le maintenir debout.

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On se laisse hypnotisée par ses moulins à vent multicolores, c’est captivant comme un feu de cheminée.

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On termine par cette photo de la colline, c’était magnifique, à refaire en famille quand cela sera possible d’y retourner (il y a eu un cas COVID là-bas entre-temps, il faut donc éviter d’y retourner pour le moment).

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Beijing by bike

Beijing by bike

L’avantage d’avoir nos enfants scolarisés au Lycée Français, c’est que certains jours chômés pour les chinois ne le sont pas forcément pour nos enfants. Ce lundi nous avions donc enfin une journée liiiibre sans enfant, et avec les grands-parents si loin de nous, c’est plus que très appréciable (on assume sans problème notre côté parents indignes 😉 ). L’arrivée des beaux jours, et surtout de notre déménagement (ENFIN!!) avec nos vélos, est une magnifique opportunité pour découvrir Pékin en vélo. Le thème de la journée sera « les librairies et les églises en vélo » 🚲🚲📚⛪️.. Pourquoi ce thème me diriez-vous? L’itinéraire avait été partagé il y a quelques temps par une copine belge de Pékin, sur un de nos nombreux groupes de discussion Wechat. Et les librairies ainsi que l’architecture des églises, c’est un peu comme une marotte pour moi quand je suis en voyage. Le vélo étant le moyen de transport par excellence à Pékin, nous vous embarquons donc en selle pour un tour de 34km au travers de la capitale chinoise.

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Etape 1: Běitáng (北堂, littéralement « Cathédrale du Nord »), ou de son nom officiel cathédrale de Xishiku. Nous partons donc pour cette première étape, située à l’ouest de la Cité Interdite (nous habitons côté Est). Appelée aussi « Cathédrale Saint Sauveur », il s’agit d’une ancienne cathédrale du Pékin impérial de la fin du XIXième siècle, située à l’intérieur de l’enceinte de la Cité impériale. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés face à une porte close, la cathédrale n’étant pas accessible durant la période congé, y compris son enceinte extérieure. J’ai bien tenté de passer par le côté, mais il se trouve que le bâtiment voisin est un poste de police… Grosse déception car j’avais vu avant notre départ des photos de l’intérieur de la cathédrale, réputée pour ses belles colonnes et ses vitraux très colorés. Il va nous falloir revenir!

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Porte close pour accéder à la Cathédrale Saint Sauveur

Etape 2: La Pagode du moine de Wansong (万松 老人 塔). Une grande partie de l’itinéraire de la journée passera par les Hutongs, le coeur de la vie pékinoise (et vous avez sans doute déjà noté que j’adore m’y balader). En rédigeant cet article, je lis sur internet que cette « Pagode du moine de Wansong » est située dans la partie la plus ancienne des Hutongs de Pékin. Il va vraiment falloir que j’y retourne, pour y passer plus de temps (à pied, car certains passages y seraient trop étroits pour un vélo)…

Cette pagode de brique, construite au XIIIème siècle, est une sépulture dédiée au moine Bouddhiste Chan Wansong Xingxiu (1166-1246). Cet homme s’appelait lui-même le vieil homme de Wansong («dix mille pins»), faisant référence à la forêt de « dix mille pins » où il vivait autrefois. Après la mort de Wansong, ses disciples construisirent cette pagode pour y entreposer ses restes à l’ouest de l’ancienne capitale centrale de la dynastie Jin, alors appelée Yanjing (Pékin moderne). Au fil des années, la pagode fut oubliée et finit cachée parmi les rues et les bâtiments de la ville commerciale florissante de Pékin. Ce n’est qu’en 1606 qu’un moine appelé Le’an (樂 庵) remarqua la pagode envahie par la végétation. Une importante restauration fut alors entreprise.

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La Pagode du vieil homme Wansong

Ce lieu rentre parfaitement dans le thème de la journée car la Pagode abrite une petite librairie spécialisée sur l’histoire de Pékin.

Dans cette librairie, on trouve notamment de vieilles cartes de Pékin, dont une datant de 1936 que je vous partage ici en photo. On y voit notamment le quartier des anciennes légations étrangères (pour faire très simple, il s’agit des anciennes ambassades, il faudra que j’y consacre un article quand je maîtriserai mieux le sujet), au Sud Est de la Cité Interdite. Dans ce quartier des légations, on aperçoit entre autres les légations française et belge, au milieu desquelles se trouve une légation flanquée du drapeau nazi.

Etape 3: Pause au « 1901 Café ». Rien de tel que ce lieu ayant un air de Poudlard pour la pause déjeuner. A deux pas de la cathédrale Saint Sauveur, ce lieu fut construit en… 1901 (ça ne s’invente pas)! Cet endroit fit office de centre d’action catholique jusqu’en 1949, et à présent on peut s’y poser pour y boire un thé ou café, y manger quelque chose sur le pouce, le tout dans une atmosphère cosy et chaleureuse.

Etape 4: Zhongshuge bookstore. Nous reprenons ensuite nos vélos vers les Galeries Lafayette, au sous-sol desquelles se trouve une librairie de la chaîne Zhongshuge. Le concept de cette chaîne chinoise repose sur l’originalité et l’extravagance architecturale. C’est finalement une façon intéressante d’attirer à nouveau le public vers les librairies, malheureusement souvent délaissées au profit des écrans, car on y vient aussi pour admirer le design un peu fou des lieux. Nous avons pu nous amuser à prendre la pose photo dans ce dédales de passages concentriques et de miroirs, où les livres sont disposés du sol au plafond. Cet endroit sera parfait pour occuper les enfants lors d’un après-midi de pollution ou de mauvais temps.

Etape 5: Mofanshuju bookstore. Nous partons ensuite vers cette église anglicane édifiée en 1907, et convertie depuis en librairie. Ce lieu a donc toute sa place dans la thématique de la journée! Passé l’extérieur austère du bâtiment, nous entrons dans ce lieu très poétique. On peut y déambuler entre les rangées de livres, les étagères d’objets qui semblent avoir été chinés au Marché aux Puces, et des petites tables pour prendre le thé, le tout sous un air de musique classique.

Etape 6: La Cathédrale de l’immaculée conception, connue aussi sous le nom de Nantang (南堂, la Cathédrale du sud). Après notre échec avec la Cathédrale du Nord Beitang, nous nous retrouvons à nouveau face à une porte close, à cause des travaux ayant débutés en 2018. L’édifice actuel, de style néobaroque, date de 1904. Pour la petite Histoire, c’est le siège archiépiscopal de Mgr Joseph Li Shan (installé en 2007), l’un des quelques évêques chinois reconnus à la fois par le Saint-Siège et par l’Église patriotique de Chine.

Etape 7: Page One bookstore, à Qianmen. Cette librairie de la chaîne Page One propose sur 3 étages, avec chacun son ambiance, un large éventail de livres en anglais, 24h sur 24. Le dernier étage de la librairie offre d’ailleurs une très belle vue sur l’imposante tour de Qianmen qui lui fait face, ou plutôt Qián mén (前门), signifiant littéralement «Porte d’entrée».

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vue de la librairie sur la porte de Qianmen

Outre le design assez agréable et aéré de cette librairie, c’est donc aussi l’occasion pour nous de nous rendre à Qianmen. Il s’agit d’un ancien bastion du rempart qui séparait la ville tartare (cité des princes et des mandarins, au nord) de la ville chinoise (cité populaire, au sud). Elle se situe au sud de la place Tian’anmen, et est l’une des seules portes des remparts à n’avoir pas été détruite dans les années 1950. Qianmen est maintenant aussi célèbre pour sa rue piétonne, pleine de commerces dit-on typiques. Nous sommes restés sceptiques quant à la raison de cette célébrité, qui doit être un vrai piège à touristes. La rue est certes très colorée, mais passé l’effet waouh, elle sonne aussi très « faux », très décor de Disney, où l’authenticité a été effacée depuis longtemps. En voici un bref aperçu en images, cherchez l’erreur! 🚋

Etape 8: l’Eglise Saint Michel. Pour la dernière étape de notre parcours, nous prenons la direction du quartier des anciennes légations étrangères. Sur le chemin, nous passons par hasard devant l’ancienne poste française. Le bâtiment est assez joli, un petit stop photo s’impose!

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Ancienne poste française

Aussi connue aussi sous le nom de l’église de la rue Dongjiaoming (东交民巷天主堂), l’église Saint Michel, construite en 1901, se trouvait dans la concession française de Pékin. Elle était connue comme l’église de la légation française. Elle aussi était malheureusement fermée, mais cette fois-ci nous sommes arrivés à prendre quelques clichés de l’extérieur de l’édifice.

Nous profitons donc également de ce passage dans ce quartier pour voir les anciennes légations de nos deux pays: la légation française, dont nous ne voyons que l’entrée du parc mais qui semble immense au vu de son emplacement sur la carte, et la légation belge, dont le bâtiment nous rappelle Bruges, avec ses briques et ses pignons à gradins.

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Entrée de l’ancienne légation française

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Ancienne légation belge

C’est là que s’achève notre belle journée, il est à présent l’heure de rentrer pour récupérer à la descente du bus nos deux Chicoufs. C’est sûr nous referons d’autres journées comme cela, il y a tant de choses à voir ici (même si nous avons hâte de pouvoir découvrir d’autres contrées chinoises).

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Comment reconnait-on des étrangers en vélo à Pékin? Ce sont les seuls à porter un casque!

Les langues chinoises (普通话)

Les langues chinoises (普通话)

Loin de moi l’ambition de faire ici ce que certains ont mis des années à étudier, via des thèses et autres recherches longues et fastidieuses. Je voudrais simplement vous partager ici ce que j’ai appris de la langue chinoise, et en particulier des caractères chinois. Vous allez voir, c’est passionnant (et surtout ça change les idées par rapport à l’actualité du moment).

Commençons par un peu d’histoire de la langue chinoise, ou plutôt deS langueS chinoiseS (le pays est si vaste, c’est assez logique d’imaginer le développement de différents dialectes). Les langues chinoises appartiennent à la famille des langues sino-tibétaines. Le chinois archaïque était d’ailleurs plus proche du tibétain que des dialectes chinois modernes. Au fil des dynasties, le chinois, comme toute langue vivante, évolue. On distingue au cours de ces évolutions des dialectes populaires et des dialectes réservés aux lettrés et aux écris officiels. Le dialecte le plus parlé, notamment dans les provinces du nord, s’est vu désigné par les Occidentaux comme le Mandarin. En 1956, la république populaire de Chine a adopté le Mandarin, qui est le dialecte pékinois, comme langue officielle. Le Mandarin standard s’impose donc depuis progressivement, bien qu’il subsiste encore de nombreux dialectes locaux dans la Chine contemporaine.

Les chinois eux-mêmes appellent la langue chinoise de plusieurs façons: pǔ tōng huà (普通话) utilisé en Chine continentale et signifiant « langue commune », guó yǔ (国语) utilisé sur l’île du Sud Est de la Chine (que nous appellerons T. dans la suite de cet article) et signifiant « langue nationale », et huá yǔ (華语) utilisé à Singapour et en Malaisie, et signifiant « langue chinoise ».

Parmi tous les dialectes chinois, il y a le cantonais (Yuè ou 粤), qui est parlé à Hong Kong et Canton, et qui est très distinct du mandarin (un peu comme le français par rapport à l’italien). Cependant, beaucoup de ces dialectes utilisent des caractères chinois pour leur forme écrite, de sorte que les locuteurs mandarins et cantonais peuvent se comprendre par l’écriture, même si les langues parlées sont mutuellement inintelligibles. Pour vous donner une idée, cette carte montre la répartition linguistique des langues chinoises.

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Répartition linguistique des dialectes chinois (source: Wikipédia)

L’écriture chinoise n’est pas la plus ancienne, les premières traces d’hiéroglyphes et de l’écriture cunéiforme étant antérieures, mais il s’agit de l’écriture la plus ancienne encore utilisée de nos jours. Les premières traces écrites des caractères chinois remontent à environ 1300 avant J.-C, époque de la dynastie Shang. Ces premiers caractères ont été retrouvés gravés sur des os et écailles de tortue, et avait un but divinatoire. La dynastie Zhou repris ensuite le système d’écriture des Shang, et c’est là que l’on commence à retrouver des écrits avec des informations plus concrètes que les divinations, et où la gravure sur os fit place aux écrits sur bronze. C’est sous l’ère des Zhou que cette écriture fut petit à petit étendue sur tout le territoire (territoire ne correspondant pas réellement à la Chine actuelle, la notion de frontière de l’époque étant différentes de celle de nos jours).

Les premières formes de caractères chinois étaient des pictogrammes (c’est-à-dire des représentations graphiques d’objets réels), puis ils sont devenus plus stylisés et en sont venus à représenter aussi des idées, ou des sons (nous y viendrons plus loin en détails). Chaque caractère représente une syllabe, pouvant être utilisée comme mot seul ou devant être combiné avec d’autres pour former un mot. Afin de simplifier l’apprentissage des caractères et d’améliorer l’alphabétisation de la population, le gouvernement chinois a commencé à simplifier les caractères dans les années 1950. Ces caractères simplifiés, qui comportent moins de traits par rapport aux caractères traditionnels, sont à présent utilisés en Chine continentale, à Singapour et en Malaisie, tandis que T. et Hong Kong utilisent toujours les caractères traditionnels.

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Prenons l’exemple de l’évolution des trois caractères de l’image ci-dessus pour illustrer cela:

  • rì (日) signifiant de nos jours « soleil » et « date ». Le pictogramme original était un rond, représentant la forme du soleil, avec un point ou un trait, représentant la lumière du soleil. Initialement ce caractère signifiait « soleil ».
  • rén (人) signifiant de nos jours « personne » et « gens ». Le pictogramme originel représentait une silhouette debout de profil. La signification originale était « les animaux plus haut qui savaient fabriquer des outils pour transformer les choses de la nature et qui utilisaient le langage ».
  • yú (鱼) signifiant de nos jours « poisson ». De façon évidente, le pictogramme originel représentait un poisson, et signifiait « vertébré aquatique ».

Pour nous occidentaux, apprendre le chinois avec ces caractères qui ne sont pas des lettres est extrêmement compliqué. Le pinyin permet de contourner cette difficulté. Ce système de romanisation chinoise fut proposé pour la première fois au XVIIème siècle par le missionnaire jésuite français Nicolas Trigault. Le gouvernement chinois n’a cependant reconnu officiellement cette forme linguistique que dans les années 1950, sous le règne de Mao Zedong.  Le pinyin a ensuite été introduit à l’école élémentaire, afin d’améliorer le taux d’alphabétisation des enfants, et de normaliser la prononciation des caractères chinois. À l’ère du numérique, le pinyin est aussi devenu très utile, car c’est le moyen le plus populaire et le plus courant de taper des caractères chinois sur un clavier. Il est vrai que les appareils à écran tactile vous permettent aussi de dessiner le caractère, mais cela prend souvent beaucoup plus de temps. Attention cependant, les lettres en pinyin ne se prononcent pas toujours comme en français. Par exemple, « q » se prononce « tchi », ou encore « x » se prononce « shi ». Une autre difficulté réside dans le fait que toutes les langues chinoises sont tonales, ce qui signifie que la signification des mots varie selon la façon dont ils sont prononcés. Par exemple le Mandarin comporte quatre tons, mais d’autres langues chinoises en ont jusqu’à dix! Voici un exemple pour vous illustrer cela (en Mandarin):

  • mā (妈): premier ton, signifie « maman »
  • má (麻): deuxième ton, signifie « chanvre »
  • mǎ (马): troisième ton, signifie « cheval »
  • mà (骂): quatrième ton, signifie « gronder ». Pour moi ce quatrième ton est le plus compliqué à prononcer.
  • un ton neutre aussi vient faire un cinquième ton. Dans notre exemple, « ma » est mot interrogatif pour dire « quoi » ou « que »
  • on peut noter que dans les caractères précédents des « ma », on retrouve souvent le caractère 马. Ce caractère indique la prononciation du mot, le second caractère qui lui est associé donne la signification.

Il est donc très important d’avoir une bonne prononciation pour bien se faire comprendre. En effet, une mauvaise utilisation du ton peut entraîner des mots complètement différents. Par exemple, 水饺 shuǐ jiǎo (raviolis chinois bouillis ou jiaozi) et 睡觉 shuì jiào (se coucher) ont la même orthographe, mais des tons différents. Cela peut devenir un moment gênant si vous demandez accidentellement à la serveuse de coucher (avec vous) au lieu de commander des raviolis… Le pinyin est donc aussi pour cela indispensable pour bien mémoriser ces tons. Ayant une mémoire plutôt visuelle, mes cahiers de chinois sont donc complètement fluorés de bleu (premier ton, comme le ciel), de vert (pour le second ton, qui monte comme le haricot magique), de jaune (troisième ton qui ondule comme les blés), et de rouge (quatrième ton, plus cassant, plus dur).

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Un même mot en pinyin, avec le même ton, peut avoir aussi plusieurs significations (avec un caractère différent pour chacune cependant). Par exemple wǔ peut signifier aussi bien « midi » (午) que « cinq » (五). Dans ce cas, dans le langage verbal, c’est le contexte de la phrase qui permet d’en comprendre la signification.

On sent donc bien ici que les caractères chinois introduisent des subtilités que le pinyin ne permet pas. Il est donc indispensable d’apprendre les caractères chinois, dès le début de l’apprentissage de la langue, le pinyin ne restant qu’une aide à cet apprentissage. Il existerait jusqu’à 56 000 caractères chinois. Ne nous emballons pas, nous n’atteindrons pas ce niveau (quoique peut-être les enfants?). Mais il est admis qu’il faut connaître 100 caractères pour se débrouiller dans la vie de tous les jours (c’est le kit de survie). Pour avoir un bon niveau moyen, il faut connaître entre 800 et 1000 caractères. Cela ne fera pas de nous des bilingues en chinois, mais cela nous fera un bon niveau pour la vie de tous les jours. Pour prétendre être bilingue, il faudra ensuite connaître entre 3000 et 5000 caractères. Pour apprendre et retenir tous ces caractères, la seule et unique recette est de les copier, de les recopier, et de les re-recopier. Les enfants à l’école élémentaire consacrent d’ailleurs 60% de leur programme scolaire à l’apprentissage du chinois. Il n’y a pas de secret, on n’a rien sans rien.

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Les premiers caractères d’Augustin

Il y a six types de caractères (liùshū 六书, ou littéralement « les six livres »): les pictogrammes, les phono-sémantiques, les idéogrammes simples, les idéogrammes composés, les caractères mutuellement explicatifs, et les caractères d’emprunt.

  1. les pictogrammes: il s’agit des caractères les plus simples et aussi les plus faciles à retenir, puisqu’ils ressemblent à l’objet qu’ils représentent. Cela dit ça n’est pas forcément flagrant vu comme ça, il est donc intéressant de voir le caractère original au préalable, qui lui est très ressemblant, ainsi sa forme simplifiée nous paraît aussi ressemblante:
    • 日 (rì): soleil
    • 月 (yuè): lune – mois (car le calendrier chinois est un calendrier luni-solaire)
    • 木 (mù): arbre
    • 火 (huǒ): feu
  2. les caractères phono-sémantiques: cela signifie que l’on peut déduire la prononciation et la signification de ces caractères uniquement en les regardant. Ces caractères sont des caractères composés, avec d’un côté la signification (généralement à gauche), et de l’autre la prononciation (à droite). Par exemple ici pour « yang » (羊):
    • 样 (yàng: apparence, forme): 木 (mù = bois)
    • 洋 (yáng: océan):  氵(shuǐ = radical pour l’eau) + 羊 (yang)
    • 佯 (yáng: prétendre): 亻(rén = radical pour personne)
    • 痒 (yǎng: chatouillement, démangeaison): 疒 (nè = radical pour malade)
  3. les idéogrammes simples: représentent des idées de façon explicite. Par exemple: 上 (shàng: haut) et 下 (xià: bas). Ou encore 一 (yī: un), 二 (èr: deux), 三 (sān: trois). Ensuite les caractères des nombres deviennent différents, ajouter plus de traits rendrait ces caractères non harmonieux.
  4. les idéogrammes composés: ces caractères sont également assez explicites. Ils sont généralement créés par la combinaison de deux ou plusieurs pictogrammes ou idéogrammes, mais ils sont plus abstraits. Prenons l’exemple de 休 (xiū, signifiant « se reposer). Il résulte de la combinaison de 亻(radical rèn: personne) et de 木 (mù: arbre). Pensez à « se reposer à l’ombre d’un arbre »!
  5. les caractères mutuellement explicatifs: il s’agit de caractères dont la signification est influencée par d’autres mots (je n’en suis malheureusement pas encore à ce niveau d’apprentissage pour vous donner un exemple)
  6. les caractères d’emprunt: il s’agit de caractères qui ont été utilisés pour en créer d’autres qui sonnent de la même manière, ou sont similaires Prenons l’exemple du caractère 来 (lái) : à l’origine 来 signifiait « blé », mais ce sens a été progressivement remplacé et 来 a commencé à être utilisé comme verbe signifiant « arriver ». Un nouveau caractère, 麦 (mài), a donc été attribué pour représenter le « blé ». Remarquez le changement dans le son initial, qui est passé de « l » dans 来 (lái) à « m » dans 麦 (mài)

Attention ensuite à bien écrire les traits constituant ces caractères dans le bon ordre, afin qu’ils soient toujours « harmonieux », « équilibrés ».

Les caractères restent donc la vraie difficulté de cette langue. Mais elle est aussi très simple car il n’y a ni grammaire, ni conjugaison (ce qui plaît énormément à Augustin 😉 ). Cette langue est en fait très logique, ça en est presque un jeu. Elle est aussi très belle car, au travers de son apprentissage, on comprend énormément de choses sur la culture et sur l’histoire de la Chine. Après tout, pour comprendre un peuple, une société, il faut en comprendre sa culture et son histoire, et cela passe souvent par l’apprentissage de sa langue.

Savez-vous comment la langue française est perçue par les Chinois? Ils disent que notre langue donne « l’impression d’un fleuve qui chante ». Et il est vrai qu’à contrario, le chinois est, du fait des tons et de l’absence de grammaire, plus rude à l’oreille. Au début, j’avais d’ailleurs souvent l’impression de me faire crier dessus en permanence, car c’est assez agressif. Mais non, c’est juste leur façon de parler…

Pour clôturer cet article, sachez que les chinois aiment attribuer des noms chinois aux Occidentaux, avec une prononciation proche du nom d’origine, mais aussi une signification poétique pour nous décrire. Je vous laisse donc déchiffrer les noms chinois que Julien et moi avons reçus: 柏蔚逸 et 安琪.

Bonne journée, et bonne semaine!

Balade hivernale dans les Hutong

Balade hivernale dans les Hutong

Etant tombés sous le charme des Hutong, emblème du vieux Pékin traditionnel, nous avons profité d’un dimanche enneigé pour aller nous y « perdre » (en réalité trois balades différentes seront regroupées dans cet article, afin de vous faire profiter de cet endroit magique au maximum). Les Hutong sont des habitations traditionnelles, organisées autour de cours carrées (des courtyards), chaque côté de ce carré étant comme une petite maison (avec une ou deux pièces): celle des parents (à l’opposé de l’entrée, la mieux située et la plus ensoleillée, celles des enfants de chaque côté, et celle des domestiques de maison au niveau de l’entrée). Il s’agit là de la description traditionnelle, certains Hutong ont été complètement rénovés et présentent alors de beaux grands volumes, et d’autres plus dans leur jus ont même un bâtiment « illégal » au milieu de la cour, faute de place dans l’habitation. Certains Hutong plus grands ont aussi un toit terrasse, ce qui les rend très agréables l’été. Finalement, avec la cour de notre maison en France et notre toit terrasse, nous étions pré-destinés à venir à Pékin! Ci-dessous je vous partage la vue depuis le toit terrasse d’un Hutong, que des habitants nous ont gentiment fait visiter. Il offre une superbe vue sur les Tours Tambour (la rouge) et de la Cloche (la grise).

Nous commençons notre promenade par la place située entre la Tour Tambour et la Tour de la Cloche. Sur cette place, comme sur beaucoup d’autres ainsi que dans les parcs, les pékinois, notamment les plus âgés, se donnent rendez-vous tôt le matin pour s’adonner à des activités ludiques et sportives. En effet, ceux-ci ont souvent de petites habitations, se retrouver à l’extérieur est donc plus pratique. Une autre raison serait que les personnes âgées préfèrent entretenir leur santé par ces pratiques sportives, l’accès aux soins étant pour elles assez difficile.

C’est ainsi que nous avons découvert le Jianzi, qui ressemble à du badminton, mais joué avec les pieds. Pour jouer au Jianzi, sport traditionnel chinois remontant à plus de 2000 ans, certains joueurs chaussent même de grandes chaussures plates et non glissantes, pour offrir sans doute une plus grande surface, sur le même principe qu’une raquette. Il est dit que le Jianzi requière plus d’adresse que le football, et plus d’intérêt que les échecs. À tester!

Une autre activité traditionnelle en Chine est le jeu de la toupie et du fouet. Au début nous nous demandions d’où venaient ces gros claquements, qui ressemblaient à des pétards. Il s’agissait en réalité du fouet, que le joueur faisait claquer sous sa toupie, pour la faire tourner continuellement.

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Et enfin, même si ces images remontent à une autre balade, une autre activité est celle des volants (je ne connais pas le nom chinois de cette activité), à la manière des GRS. C’est si beau et si coloré!

Quand les enfants reprendront l’école, c’est sûr que j’irai dans les parcs au petit matin, pour m’essayer aussi à ces activités et au Tai Chi. Ça sera beaucoup plus intéressant que ces salles de sport froides et hors de prix. Mais revenons à notre promenade, et plus précisément aux Tours du Tambour et de la Cloche. Jadis, ces deux tours, que l’on retrouve dans plusieurs villes de Chine, rythmaient la vie des habitants, les journées se déroulant au gré des roulements de tambours et des tintements de cloches (il n’y avait pas d’horloge à l’époque!), et permettaient également d’alerter la ville de la venue d’ennemis.

La première fois que j’étais venue, les deux tours étaient fermées aux visiteurs. Cette fois-ci, la tour de la Cloche pouvait se visiter. Cela devait être tout récent, car il n’y avait presque pas de visiteurs. Dommage par contre de ne pas pouvoir monter en haut de la tour Tambour, car celle-ci nous aurait donné une belle vue sur la Cité Interdite. La tour de la Cloche, plus austère que sa voisine rouge, nous offre néanmoins un superbe panorama sur les Hutong aux alentours, ainsi que sur la Tour Tambour.

Une légende entoure la cloche de cette tour de Pékin: à une époque remontant à la dynastie Ming, l’Empereur commanda une cloche, suffisamment grande, afin que le son puisse être entendu sur toute la capitale. L’Empereur assigna donc à un artisan, du nom de Hua Yan, la responsabilité de dessiner et de fondre une cloche faite de bronze, qui mesurera 7m de haut et pèsera 63 tonnes, faisant de celle-ci la plus grande et la plus lourde cloche de Chine. Avec la technologie disponible à cette époque, fondre une cloche si grande en bronze n’était pas chose facile, ce métal à l’état liquide refroidissant très rapidement. Ainsi, la cloche a dû être réalisée en plusieurs étapes longues et fastidieuses, rendant la fabrication incertaine. Après plusieurs jours de dur labeur, les ouvriers avaient seulement réussi à finir la base de la cloche, et il leur restait très peu de temps pour finir selon le cahier des charges de l’Empereur. Hua Yan était désespéré et à court d’idée pour mener à bien sa mission, et si celle-ci ne réussissait pas au bout de 80 jours, ils seraient tous décapités. A cette époque, il y avait une légende qui circulait parmi les fondeurs de cloches, disant que si une jeune fille était jetée dans le bronze liquide, il s’arrêterait de refroidir. Cependant, Hua Yan était tout à fait incapable d’imaginer sacrifier une jeune personne. Le soir précédant la date fatidique, alors qu’il était désespéré et qu’il parlait à sa femme, sa fille Hua Xian avait traversé leur chambre et entendit leur conversation. Le lendemain matin, alors que Hua Yan n’était pas encore à la fonderie, Hua Xian s’y rendit. Les ouvriers la virent et la saluèrent. Hua Xian marcha en direction du large fourneau où le bronze fondant bouillonnait. Alors que les ouvriers discutaient sans la regarder, elle sauta dans le bronze bouillonnant. Elle hurla « Maman, Papa, nous nous reverrons dans une prochaine vie! » et elle se jeta dans le bronze liquide. Tout le monde était terrifié et essaya de la sauver, mais la seule chose qu’un ouvrier réussit à attraper, ce fut une chaussure rouge.

Les Hutong, ce sont ensuite des dédales de rues, où l’on trouve des habitations cachées derrière ces belles portes rouges, des temples bouddhistes, des petits marchands traditionnelles (et sans doute pour touristes aussi), et des petits restaurants et autres marchands de spécialités culinaires (les chinois mangent tout le temps!). Pour touristes ou pas, cela nous fera de bonnes adresses pour vous ramener de jolis cadeaux quand nous rentrerons en France!

Ensuite direction le lac Houhai qui, en cette saison, est complètement gelé, et permet donc une agréable séance de glisse. Ce lac, comme ses deux voisins, est artificiel. Il a été creusé sous la dynastie Yuan afin de faire une colline artificielle. Il permettait également le transport de matériaux de construction par bateau plutôt que par voie terrestre. Si on revient au patinage, ici pas de patin aux pieds comme on se l’imagine, mais on utilise des chaises ou vélos, équipés de patins en bois en dessous. Un vrai régal pour les enfants!

Après toute cette marche et cette séance folle de glisse, un bon repas est le bienvenu. Ici, en plus de manger avec des baguettes, une spécificité est de mettre les plats au milieu de la table, et de se servir dans nos petites assiettes. C’est donc très conviviale, et plutôt chouette car on peut goûter de tout. En cette période du Nouvel An Chinois, le dumping (ou jiǎozi) est mis à l’honneur. Il s’agit de raviolis en forme de chausson, remplis d’une farce (il existe un grand nombre de recettes de farces, à base de viandes, de crevettes, ou végétariennes), que l’on trempe dans une sauce faite de sauce soja et de vinaigre de riz. Un délice! Pas de photo type pornfood ici (je n’y ai pas pensé…), juste de la déco du restaurant, que je trouvais très chouette 🙂

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Sur ce, une bonne nuit à tous, et le prochain article sera plus « nature ».