Catégorie : Parcs et jardins

Beihai et ses neuf Dragons (北海公园)

Beihai et ses neuf Dragons (北海公园)

C’est sous une chaleur écrasante (40°), que nous décidons de sortir ce samedi visiter un de quelques parcs encore ouverts au publique en ce moment: Le Parc Beihai (北海公园). Il s’agit d’un jardin impérial, jadis réservé à la Cour, situé au Nord-Ouest de la Cité Interdite. Le nom de Beihai, signifiant littéralement « mer du nord », évoque le lac qui forme l’essentiel de sa superficie. Ce lac fait partie des six grands lacs de Pékin, dont rappelez-vous la terre extraite pour les creuser permis d’édifier la colline au charbon. Comme beaucoup de jardins impériaux chinois, ce parc a été construit dans un esprit d’imitation des paysages et architectures les plus remarquables de Chine.

Au milieu du lac se trouve l’île Qiónghuádǎo, signifiant « île de Jade », sur laquelle a été édifiée au XVIIième siècle la Pagode Blanche (ou Stupa). Ce Stupa tibétain doit son existence à une visite du dalaï-lama en 1651, l’empereur ayant souhaité honorer son visiteur. Des écritures bouddhiques sacrées y seraient gravées, mais nous n’avons pas pu rentrer pour les voir, car rappelez-vous qu’actuellement les lieux culturels couverts ne sont pas accessibles.

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L’ensemble des pavillons et palais de ce parcs étant également inaccessibles pour le moment, nous n’avons pu que faire le tour du lac, mais rien que ce parcours est déjà très beau, et nous permet de tout de même apprécier quelques points remarquables, comme le mur aux Neufs Dragons, merveille incontestée où les dragons polychromes s’embrasent dans le ciel.

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J’en profite donc pour vous parler ici de cet être légendaire en Chine: le dragon. Il fut le symbole de l’Empereur de Chine pendant deux millénaires, il était alors coutume d’appeler l’empereur de Chine: « Dragon ». Créatures de légendes, on dit ici que les dragons chinois n’existent pas dans la vie réelle mais qu’aucune évidence ne peut prouver le contraire!

En Chine, on retrouve donc les dragons partout, dans les légendes, les festivals, l’astrologie, les arts, les noms voire la toponymie. Considérés comme débonnaires et porte-bonheur, les dragons chinois symbolisent la chance, un environnement propice, la puissance et la noblesse d’âme. Ils sont donc bien éloignés de l’image terrifiante et maléfique des dragons crachant le feu rencontrée dans les contes en Occident. Contrairement à leurs cousins occidentaux, les dragons chinois sont dépourvus d’ailes (ce qui ne les empêchent pas de voler), et ne crachent pas du feu mais permettent d’invoquer la pluie durant une sécheresse.

Le peuple chinois serait même, dit-on, descendant des dragons. On raconte qu’il y a des milliers d’années, Yandi (un chef de clan légendaire) fut conçu tandis que sa mère apercevait un puissant dragon dans le ciel. Aidé du dragon et de Huangdi (un autre chef de clan légendaire, son allié ou frère selon les versions), il fut à l’initiative du commencement de la civilisation chinoise. C’est pour cette raison que l’on considère Yandi et Huangdi comme les ancêtres du peuple chinois. Au fils du temps, le peuple chinois s’auto-désigna comme descendants de Yandi et Huangdi ainsi que du dragon. Ainsi, les dragons se retrouvent, fréquemment, dans divers aspects de la culture chinoise allant des légendes concernant les ancêtres des chinois jusqu’aux porte-bonheur actuels en passant par les célébrations lors des festivals, l’astrologie et les conférences.

Ce mur de 29m de long sur 3.5m de haut, fut édifié au XVième siècle, pour protéger un palais aujourd’hui disparu. Il représente de façon très réaliste 9 dragons polychromes, jouant avec une perle, sur fond de mer et de nuages. Les dragons chinois ont beau être bienveillants, ils n’en ont pas moins une allure intimidante. Mais c’est de toute beauté 🙂

Un peu plus loin sur les rives du lac, nous arrivons aux cinq pavillons des dragons. A l’origine, ils furent construits pour que l’Empereur puisse pratiquer la pêche sur le lac. Reliés plus tard entre eux par des ponts, ces pavillons auraient de loin la forme d’un dragon…

et de loin, des 2 côtés de la photo

Bref, une journée de week-end comme on les aime, avec les amis, afin d’oublier le temps que quelques heures toutes ces restrictions et interdictions. Le parc étant presque vide, fait inhabituel en cette période de l’année, mais tout est fait pour convaincre les gens de ne pas sortir de chez eux, nous ne portions pas tout le temps le masque, et n’étions pas les seuls à agir de la sorte. Toutefois, un des gardiens a décidé de jeter son dévolu sur notre petit groupe, celui-ci nous prenant même en photo (pour nous intimider sans doute)

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Nous restons biensûr prudents, et respectons les règles, mais cette défiance des étrangers est pesante au quotidien, car ici beaucoup pensent que le COVID vient des étrangers, et non de la Chine (non, ça n’est pas une blague). C’est peut-être pour cela que je passe beaucoup de temps à essayer de comprendre la Chine, sa culture et son histoire, car quoi de mieux pour aimer un pays que de le comprendre? Et pour le moment, il faut bien s’accrocher pour aimer être ici…

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

Vous avez sans doute vu au travers des média l’actualité du moment en Chine. Je ne vais évidemment pas m’exprimer à ce sujet ici, mais sachez que nous allons bien. Pékin n’est pas dans la même tourmente que Shanghaï, mais nous sommes fortement incités à ne pas quitter la ville, et devons nous faire tester presque tous les jours en ce moment. Certaines résidences sont en quarantaine, mais la nôtre n’est pas (encore) impactée. Nous étions partis en Chine en étant résignés sur le fait que cette expatriation ne serait pas pour nous l’occasion de voyager en Asie, mais après tout la Chine est si vaste et propose déjà des milliers de possibilités de créer de beaux souvenirs! A présent nous ne sommes pas convaincus que nous pourrons vraiment voir autre chose que Pékin… Mais bon tant pis, restons positifs, après tout cette région a une histoire et un patrimoine très riches, alors profitons-en pour l’explorer à fond!

En cette saison, Pékin nous offre une explosion de couleurs avec les fleurs qui éclosent partout dans la capitale. C’est donc la période idéale pour aller découvrir la Colline au Charbon (que nous avions tentée en vain d’aller voir le 25 décembre car nous n’avions pas réservé notre entrée la veille). Ce jour-là, la météo annonce un ciel parfaitement dégagé, ce qui est important pour profiter pleinement de la vue offerte dans ce parc. Nous nous retrouvons dans les Hutongs avec une amie qui vient d’y emménager, et pédalons jusqu’à l’entrée du parc Jingshan (Jǐngshān Gōngyuán: 景山公园), dit « la Colline au Charbon ».

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Comme dans tous les parcs pékinois, habituelle séance matinale de Tai Chi (ou de danse, je ne me souviens plus)

Pourquoi ce nom « Colline du Charbon »? Car on y stockait le charbon qui permettait de chauffer les sols de certains bâtiments de la Cité Interdite (oui, du charbon sous les dallages). Située dans le prolongement nord de la Cité Interdite, cette colline artificielle s’élève à 108m d’altitude. Proposant un parc aménagé, probablement l’un des plus beau de la capitale chinoise, la colline fut constituée grâce à la terre des creusements des douves du palais impérial, et des lacs de la capitale. Cette colline était supposée protéger la cité des mauvais esprits qui venaient du Nord. Jusqu’en 1928, l’empereur était le seul à pouvoir s’y promener. La Colline de Charbon offre par ailleurs une vue imprenable sur la Cité Interdite et le reste de la ville de Pékin (d’où l’intérêt de s’y rendre un jour de beau temps !). Outre le panorama de ce parc sur toute la capitale, la colline au Charbon est aussi célèbre par le fait que c’est là que mourut en 1644 le dernier empereur Ming, Chongzhen, qui se pendit à un arbre alors que l’armée de 400 000 paysans, dirigée par Li Zicheng, entrait dans Pékin. C’est donc à cette date que la dynastie Qing pris le pouvoir. Cet arbre existe toujours, mais nous ne l’avons pas trouvé (on n’a pas vraiment cherché non plus).

En avant donc dans ce dédale d’escaliers et de petits pavillons colorés, avec pour objectif cette magnifique vue promise sur la Cité Interdite, et sur toute la capitale chinoise.

Et nous ne sommes pas déçues du voyage, arrivées tout en haut nous avons une vue imprenable sur cette fameuse Cité Impériale.

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Et plus en détails le panorama:

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Sud de la Colline du Charbon
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Ouest de la Colline du Charbon
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Nord de la Colline du Charbon
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Est de la Colline du Charbon

Je ne peux pas vous montrer ces 4 panoramas de Pékin sans vous en dire un peu plus sur l’histoire du « découpage » de la ville. « Détruisez votre maison, et reconstruisez-la ailleurs… ou recevez une compensation », tel fut l’ultimatum reçu par les Han en 1648. La capitale ayant été prise par les Mandchous (venus du Nord), les nouveaux dirigeants décidèrent de séparer la ville et de mettre en place un système proche de l’apartheid. Les membres de l’armée mandchoue et les civils chinois n’étaient plus censés se mélanger librement. Ce fut le début d’une politique de ségrégation qui dura 264 ans, jusqu’à l’abdication du dernier empereur en 1912.

La ville fut séparée en deux:

  • la ville Tartare au nord (appelée aussi ville Intérieure ou ville Mongole), qui s’étendait autour de la Cité impériale et incluait notamment la place Tian’anmen et la colline au Charbon, ainsi que la tour de la Cloche et la tour du Tambour. La Ville tartare avait la forme d’un carré aligné sur les points cardinaux et mesurait environ six kilomètres de côté. Ses murailles ont été abattues en 1958. Cette ville étaient divisées selon les huit Bannières, qui étaient des divisions militaires et administratives dans lesquelles toutes les familles mandchoues se trouvaient réparties.
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la ville Intérieure était le territoire des Huit Bannières, de 1648 à 1912
  • la ville Chinoise (ou ville Extérieure) au sud de la place Tian’anmen, incluant notamment le temple du Ciel. Elle avait la forme d’un rectangle aligné sur les points cardinaux également, et mesurait environ huit kilomètres d’est en ouest et trois kilomètres du nord au sud. Cette partie de Pékin abrita longtemps les différentes délégations diplomatiques.

Comme on le voit sur ce schéma, des portes permettaient de passer les murailles de ces deux villes (rappelez-vous, en mandarin porte se dit « men »). C’est de ces noms de portes que viennent les noms des districts actuels. Par exemple nous habitons dans le district de Chaoyang (situé à l’est de la Cité Interdite), dont le nom vient de Chaoyangmen (朝阳门), porte du Soleil levant.

Les visiteurs étrangers qui se rendaient à Pékin étaient fascinés par cette ville ségréguée. En 1793, l’envoyé britannique Lord Macartney a décrit comment la capitale était vraiment considérée comme un territoire occupé. Toutes les ruelles des hutongs avaient des portes qui se fermaient pour la nuit lorsqu’un couvre-feu dans toute la ville était imposé. L’Illustrated London News a aussi rapporté à quel point Pékin était comme une ville de retraités. En effet, la majorité de la population était composée de soldats mandchous payés par le gouvernement et, malgré leurs fonctions de soldat, ils auraient consacré plus de temps à des passe-temps comme le chant d’opéra et l’élevage d’oiseaux. La culture chinoise et mandchoue était aussi très différente. Un bon exemple de cela est la façon dont les femmes étaient traitées : les femmes mandchoues marchaient librement dans les rues, ce qui était impensable pour une femme chinoise notamment à cause de la tradition des pieds bandés.

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Image de « The Illustrated London News » datant de septembre 1873

Revenons à présent à notre balade dans le parc Jingshan et descendons de la colline pour profiter des fleurs, notamment des tulipes qui s’ouvrent en ce moment.

Il y a aussi les pivoines, prêtes à éclore. Dans ce jardin de pivoines, s’il n’y avait pas eu ce haut-parleur qui hurlait je ne sais pas quoi, on aurait même pu se croire dans un mas provençal.

On trouve également des centaines d’arbres bien fleuris, comme cet arbre à fleurs roses, que l’on pourrait imaginer comme étant fait de petites boulettes de papier chiffonné, collées comme pour un bricolage d’enfant.

Il n’est pas rare de croiser des personnes posées pour dessiner ou peindre ces paysages fleuris. Je préfère les prendre en photo, mes talents de dessinatrice étant bien trop légers 😅.

Cet arbre est tellement vieux et lourd que l’on ne lésine pas sur les moyens pour le maintenir debout.

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On se laisse hypnotisée par ses moulins à vent multicolores, c’est captivant comme un feu de cheminée.

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On termine par cette photo de la colline, c’était magnifique, à refaire en famille quand cela sera possible d’y retourner (il y a eu un cas COVID là-bas entre-temps, il faut donc éviter d’y retourner pour le moment).

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Le jardin de la Grande Vue (大观园)

Le jardin de la Grande Vue (大观园)

A Pékin, on trouve une multitude de parcs ou jardins, petits ou grands, où il fait bon aller se perdre lors d’une belle journée ensoleillée. Rappelez-vous, nous sommes arrivés à Pékin en plein hiver, saison durant laquelle la nature est « grise », du fait du froid très sec pékinois. C’est donc un émerveillement de redécouvrir cette ville au printemps, où la nature se réveille et nous offre une explosion de couleurs. On sait dans quel parc aller, et quand, pour venir observer telles ou telles fleurs. Les Saints de glace viennent juste de se terminer (ici ils arrivent plus tôt qu’en France), les fleurs commencent donc timidement à s’ouvrir. C’est donc en compagnie de notre amie rue2provence.com que nous partons à la découverte du « Jardin de la Grande Vue » (appelé aussi « Jardin au Panorama Grandiose »: Dàguānyuán – 大观园).

Ce jardin de 13 hectares a été créé il y a une quarantaine d’années, afin de reconstituer le décor du roman mythique « le Rêve dans le pavillon rouge » (Hóng lóu mèng – 红楼梦), à l’occasion du tournage d’une série sur cette saga. Ce parc est donc un véritable décor de cinéma!

Les enfants se sont d’ailleurs pris au jeu de prendre la pose dans ce décor effectivement très poétique.

Ce roman, écrit au XVIIIième siècle par Cao Xueqin, est considéré comme l’un des quatre grands chefs-d’oeuvre de la littérature chinoise. Selon Mao Zedong, il s’agit d’ailleurs d’une des fiertés de la Chine. Avec ses 120 chapitres, ce roman est aussi un des plus longs jamais écrits. Vous vous en doutez, je n’ai pas (encore?) lu cet ouvrage, donc je ne peux que vous partager ce que j’ai pu trouver sur internet à ce sujet.

Il s’agit d’une saga familiale, sur fond de mythologie chinoise. Considérée en partie comme autobiographique, cette oeuvre dépeint de façon très complète la société chinoise sous la dynastie Qing, autour des aventures du jeune aristocrate Jiǎ Bǎo Yù (贾宝玉). M’aventurer plus loin dans le résumer d’une histoire si longue et que je n’ai jamais lue serait absurde. En revanche, je suis tombée sur un article intéressant qui expliquait la difficulté de traduire des textes écrits en chinois, vers nos langues occidentales. En effet, les figures de style en chinois reposent plutôt sur la graphie des caractères qui sont eux-mêmes des compositions d’éléments sur lesquels on peut jouer… mais seulement avec des caractères chinois! De même, des jeux de mots oraux tiennent aux quatre tons de la langue. Dans ces conditions, il est assez difficile voire impossible de traduire l’intention en français (par exemple). Bien sûr, les figures reposant sur les mots en tant qu’idées existent, mais là encore il s’agit souvent de comparaisons qui n’existent pas chez nous. La culture étant également très éloignée, les expressions n’ont souvent pour nous pas de sens. La traduction de tels romans a donc tendance à les rendre « plats », et à en retirer le piquant des traits d’humour. Autre point, le livre a été écrit par mélange de Chinois vernaculaire (pour le narrateur) assez « familier » et de Chinois « officiel » de haut niveau pour distinguer les personnages de plusieurs rangs sociaux/d’éducation. La traduction efface aussi malheureusement cet effet.

Revenons donc à notre promenade printanière. Ce jardin est organisé avec un lac en son centre, entouré d’une quarantaine de pavillons mettant en scène l’univers du roman.

Ce parc est aussi réputé pour y croiser beaucoup de jeunes chinoises vêtues de tenues traditionnels d’autrefois, se faisant prendre en photos, afin d’agrémenter leurs « moments WeChat » (un peu comme Instagram). Il s’agit du mouvement de mode Hanfu, dans lequel les membres s’efforcent de faire revivre les vêtements traditionnels chinois du passé. Hanfu signifie littéralement « vêtement des Hans », qui est l’ethnie majoritaire en Chine à 92%. Certains peuvent donc y percevoir aussi une tendance nationaliste, commencée suite à l’arrivée en Chine de la mode occidentale il y a quelques années. Mais peu importe, cela nous permet aussi de prendre de jolis clichés.

Il nous reste encore beaucoup de parcs et jardins à découvrir au fur et à mesure du printemps et de l’éclosion des fleurs, c’est au moins un avantage d’être très fortement incité à ne pas quitter la région pékinoise. A bientôt!