La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie

Vous avez sans doute vu au travers des média l’actualité du moment en Chine. Je ne vais évidemment pas m’exprimer à ce sujet ici, mais sachez que nous allons bien. Pékin n’est pas dans la même tourmente que Shanghaï, mais nous sommes fortement incités à ne pas quitter la ville, et devons nous faire tester presque tous les jours en ce moment. Certaines résidences sont en quarantaine, mais la nôtre n’est pas (encore) impactée. Nous étions partis en Chine en étant résignés sur le fait que cette expatriation ne serait pas pour nous l’occasion de voyager en Asie, mais après tout la Chine est si vaste et propose déjà des milliers de possibilités de créer de beaux souvenirs! A présent nous ne sommes pas convaincus que nous pourrons vraiment voir autre chose que Pékin… Mais bon tant pis, restons positifs, après tout cette région a une histoire et un patrimoine très riches, alors profitons-en pour l’explorer à fond!

En cette saison, Pékin nous offre une explosion de couleurs avec les fleurs qui éclosent partout dans la capitale. C’est donc la période idéale pour aller découvrir la Colline au Charbon (que nous avions tentée en vain d’aller voir le 25 décembre car nous n’avions pas réservé notre entrée la veille). Ce jour-là, la météo annonce un ciel parfaitement dégagé, ce qui est important pour profiter pleinement de la vue offerte dans ce parc. Nous nous retrouvons dans les Hutongs avec une amie qui vient d’y emménager, et pédalons jusqu’à l’entrée du parc Jingshan (Jǐngshān Gōngyuán: 景山公园), dit « la Colline au Charbon ».

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Comme dans tous les parcs pékinois, habituelle séance matinale de Tai Chi (ou de danse, je ne me souviens plus)

Pourquoi ce nom « Colline du Charbon »? Car on y stockait le charbon qui permettait de chauffer les sols de certains bâtiments de la Cité Interdite (oui, du charbon sous les dallages). Située dans le prolongement nord de la Cité Interdite, cette colline artificielle s’élève à 108m d’altitude. Proposant un parc aménagé, probablement l’un des plus beau de la capitale chinoise, la colline fut constituée grâce à la terre des creusements des douves du palais impérial, et des lacs de la capitale. Cette colline était supposée protéger la cité des mauvais esprits qui venaient du Nord. Jusqu’en 1928, l’empereur était le seul à pouvoir s’y promener. La Colline de Charbon offre par ailleurs une vue imprenable sur la Cité Interdite et le reste de la ville de Pékin (d’où l’intérêt de s’y rendre un jour de beau temps !). Outre le panorama de ce parc sur toute la capitale, la colline au Charbon est aussi célèbre par le fait que c’est là que mourut en 1644 le dernier empereur Ming, Chongzhen, qui se pendit à un arbre alors que l’armée de 400 000 paysans, dirigée par Li Zicheng, entrait dans Pékin. C’est donc à cette date que la dynastie Qing pris le pouvoir. Cet arbre existe toujours, mais nous ne l’avons pas trouvé (on n’a pas vraiment cherché non plus).

En avant donc dans ce dédale d’escaliers et de petits pavillons colorés, avec pour objectif cette magnifique vue promise sur la Cité Interdite, et sur toute la capitale chinoise.

Et nous ne sommes pas déçues du voyage, arrivées tout en haut nous avons une vue imprenable sur cette fameuse Cité Impériale.

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Et plus en détails le panorama:

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Sud de la Colline du Charbon
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Ouest de la Colline du Charbon
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Nord de la Colline du Charbon
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Est de la Colline du Charbon

Je ne peux pas vous montrer ces 4 panoramas de Pékin sans vous en dire un peu plus sur l’histoire du « découpage » de la ville. « Détruisez votre maison, et reconstruisez-la ailleurs… ou recevez une compensation », tel fut l’ultimatum reçu par les Han en 1648. La capitale ayant été prise par les Mandchous (venus du Nord), les nouveaux dirigeants décidèrent de séparer la ville et de mettre en place un système proche de l’apartheid. Les membres de l’armée mandchoue et les civils chinois n’étaient plus censés se mélanger librement. Ce fut le début d’une politique de ségrégation qui dura 264 ans, jusqu’à l’abdication du dernier empereur en 1912.

La ville fut séparée en deux:

  • la ville Tartare au nord (appelée aussi ville Intérieure ou ville Mongole), qui s’étendait autour de la Cité impériale et incluait notamment la place Tian’anmen et la colline au Charbon, ainsi que la tour de la Cloche et la tour du Tambour. La Ville tartare avait la forme d’un carré aligné sur les points cardinaux et mesurait environ six kilomètres de côté. Ses murailles ont été abattues en 1958. Cette ville étaient divisées selon les huit Bannières, qui étaient des divisions militaires et administratives dans lesquelles toutes les familles mandchoues se trouvaient réparties.
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la ville Intérieure était le territoire des Huit Bannières, de 1648 à 1912
  • la ville Chinoise (ou ville Extérieure) au sud de la place Tian’anmen, incluant notamment le temple du Ciel. Elle avait la forme d’un rectangle aligné sur les points cardinaux également, et mesurait environ huit kilomètres d’est en ouest et trois kilomètres du nord au sud. Cette partie de Pékin abrita longtemps les différentes délégations diplomatiques.

Comme on le voit sur ce schéma, des portes permettaient de passer les murailles de ces deux villes (rappelez-vous, en mandarin porte se dit « men »). C’est de ces noms de portes que viennent les noms des districts actuels. Par exemple nous habitons dans le district de Chaoyang (situé à l’est de la Cité Interdite), dont le nom vient de Chaoyangmen (朝阳门), porte du Soleil levant.

Les visiteurs étrangers qui se rendaient à Pékin étaient fascinés par cette ville ségréguée. En 1793, l’envoyé britannique Lord Macartney a décrit comment la capitale était vraiment considérée comme un territoire occupé. Toutes les ruelles des hutongs avaient des portes qui se fermaient pour la nuit lorsqu’un couvre-feu dans toute la ville était imposé. L’Illustrated London News a aussi rapporté à quel point Pékin était comme une ville de retraités. En effet, la majorité de la population était composée de soldats mandchous payés par le gouvernement et, malgré leurs fonctions de soldat, ils auraient consacré plus de temps à des passe-temps comme le chant d’opéra et l’élevage d’oiseaux. La culture chinoise et mandchoue était aussi très différente. Un bon exemple de cela est la façon dont les femmes étaient traitées : les femmes mandchoues marchaient librement dans les rues, ce qui était impensable pour une femme chinoise notamment à cause de la tradition des pieds bandés.

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Image de « The Illustrated London News » datant de septembre 1873

Revenons à présent à notre balade dans le parc Jingshan et descendons de la colline pour profiter des fleurs, notamment des tulipes qui s’ouvrent en ce moment.

Il y a aussi les pivoines, prêtes à éclore. Dans ce jardin de pivoines, s’il n’y avait pas eu ce haut-parleur qui hurlait je ne sais pas quoi, on aurait même pu se croire dans un mas provençal.

On trouve également des centaines d’arbres bien fleuris, comme cet arbre à fleurs roses, que l’on pourrait imaginer comme étant fait de petites boulettes de papier chiffonné, collées comme pour un bricolage d’enfant.

Il n’est pas rare de croiser des personnes posées pour dessiner ou peindre ces paysages fleuris. Je préfère les prendre en photo, mes talents de dessinatrice étant bien trop légers 😅.

Cet arbre est tellement vieux et lourd que l’on ne lésine pas sur les moyens pour le maintenir debout.

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On se laisse hypnotisée par ses moulins à vent multicolores, c’est captivant comme un feu de cheminée.

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On termine par cette photo de la colline, c’était magnifique, à refaire en famille quand cela sera possible d’y retourner (il y a eu un cas COVID là-bas entre-temps, il faut donc éviter d’y retourner pour le moment).

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7 réflexions au sujet de « La Colline au Charbon (景山公园) et un peu de géographie »

  1. Un réel délice de lire cet article qui nous parle de la colline du Charbon. Mercîiii pour les photos! De plus,j’ai apprécié ce petit cours d’histoire de cette période 1650….mais que cela est ,pour moi, dur de retenir les noms de ces empereurs et autre!!! Bravo chez les Mandchous(??),,les femmes étaient beaucoup plus libres que les Chinoises. A bientôt, bises, Bernadette Lecrenier / Mottart.

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  2. Quel superbe narration qui nous donne une connaissance approfondie de cette colline et de l’histoire Chinoise.
    C’est captivant et j’attends impatiemment la suite.
    Bises à vous 4 et bon courage pour les jours à venir

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  3. Tu vas devenir une vraie spécialiste de l’histoire de la Chine ! Continuez à pédaler pour nous faire découvrir cette ville chargée d’Histoire, et de lieux magiques.
    Chez nous les arbres aussi commencent à fleurir, au Parc de Sceaux, c’était Hanami, la fête du printemps japonais la semaine dernière, avec la floraison des cerisiers.
    Ici à Murat, c’est encore un peu tôt comme tu peux l’imaginer.
    Plein de bises à vous 4.

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  4. Nous voilà tous rassurés quant au confinement à Pékin. Quand on suit le feuilleton covid de Shangaï, on peut être un peu inquiet pour vous si cela arrive jusqu’à Pékin. Mais heureusement La Colline de Charbon nous a rassuré. Avant tout continuez de bien vous protéger et de bien vous portez, c’est essentiel pour que vous continuiez de nous faire partager vos découvertes.
    Comme tout le monde, nous sommes sous le charme de la rédaction et notre intérêt va grandissant jusqu’ à la fin de la visite. Continue de nous émerveiller, tu vas obtenir sans peine ton diplôme de guide chinois pour touristes français et anglais. Merci pour tes talents et cette pause de quelques minutes que tu nous offres dans un autre monde.
    On pense bien à vous quatre.
    Sophie & Joël.

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