Un mois de mai bien étrange

Un mois de mai bien étrange

Merci à nos amis Florence et Quentin, auteurs de quelques clichés agrémentant cet article.

En un mois, le COVID et ses restrictions ont beaucoup changés le visage de la ville de Pékin, et notre quotidien devient de plus en plus contraint. A présent, des quartiers entiers sont verrouillés, et la carte de la ville ressemble à cela (les points rouges signifiant qu’un cas positif ou qui pourrait être positif est passé par là, qu’il s’agit donc d’une zone à risque):

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Comme déjà évoqué précédemment, avoir un téléphone ici est tout simplement indispensable pour tout, et nous l’avons donc toujours sur nous (impossible de sortir de chez nous sans l’avoir en poche). Le risque est donc de passer trop proche d’un de ces points rouges, de borner à proximité, et du fait de l’imprécision du GPS, se retrouver ensuite en quarantaine pour être passé au mauvais endroit au mauvais moment. Voici quelques exemples pour illustrer cela:

  • en avril dernier, une copine se déplaçant en vélo est passée devant un restaurant, dans lequel un cas détecté positif par la suite était allé ce jour-là. Elle a donc dû pas mal batailler pour prouver qu’elle n’était pas rentrée dans ce restaurant, sinon elle aurait dû être placée en quarantaine, car les autorités l’aurait considérée comme ayant pu croiser ce cas positif
  • une amie a reçu un appel le week-end dernier (le 22) car elle avait été dans un lieu le 15 (donc une semaine avant) où une personne positive (testée positive après le 15) s’était aussi rendue. Il lui a donc été demandé de ne pas sortir de chez elle sauf pour aller se faire tester (je vous rassure, elle et son mari sont bien négatifs), un détecteur d’ouverture a été installé sur leur porte, et toute personne se rendant chez eux doivent maintenant scanner un code qui a été collé sur leur porte. Ils ne sont donc pas vraiment en quarantaine, mais autant vous dire qu’ils n’osent plus mettre un pied dehors.
  • Il y a encore d’autres anecdotes assez loufoques, comme ces personnes mises en quarantaine pour avoir reçu un colis de bananes venant d’un entrepôt où il y avait eu un cas concomitant. Honnêtement je ne serais pas surprise que les bananes aient aussi été testées

Bienvenue en Absurdistan! Il nous faut donc toujours vérifier qu’il n’y a pas de risque là où nous nous rendons, tout en vérifiant qu’il n’y a pas non plus de risque sur l’itinéraire emprunté. 

Depuis 1 mois, des restrictions nous sont annoncées petit à petit, et elles ressemblent de façon assez désagréable à l’Europe de 2021, alors qu’il n’y avait presqu’aucune restriction à l’intérieur de la Chine. C’est tellement frustrant pour nous! Les mesures qui nous ont donc été imposées progressivement depuis fin avril sont:

  • école en distanciel (à l’inverse de ce qui était fait en France, il s’agissait d’une des premières mesures prises, et en général la reprise en présentiel de la classe se fait après tout le reste, cet ordre des priorités posant tout de même question je trouve…)
  • télétravail plus que fortement recommandé selon le district où l’on vit et où l’on travaille (ce qui est notre cas)
  • fermeture des lieux culturels couverts
  • fermeture des restaurants (qui ne peuvent plus que faire de la vente à emporter, la parade étant alors de commander dans ledit restaurant, et de s’installer sur la terrasse où les tables et les chaises ont été laissées)
  • fermeture de la plupart des parcs (et quand ils sont ouverts, il faut présenter un test PCR de moins de 48h)
  • fermeture des stations de métro des quartiers à risques
  • pas de taxis dans certains districts
  • interdiction de faire des pique-niques (mais à ce que j’ai compris c’est autorisé si on ne s’allonge pas dans l’herbe 🤯 )
  • tests PCR presque tous les jours depuis début mai
  • il n’est pas interdit de quitter Pékin, mais tout est fait pour nous décourager d’en sortir. Tout d’abord parce que nous avons à présent une petite étoile sur un de nos QR code (ce qui rappelle des heures sombres de l’Histoire), donc beaucoup de provinces ne nous accepterons de toutes façons pas. Mais aussi parce que si un cas est déclaré là où nous nous rendons hors de Pékin, nous pourrions y être bloqués. C’est le cas par exemple de la femme d’un copain, qui était en voyage professionnel à Shanghaï quand la ville a été confinée. Cela fait à présent 8 semaines qu’elle ne peut rejoindre Pékin (ni ses enfants de l’âge des nôtres). Nous n’avons clairement pas les reins assez solides pour risquer de rester coincés à l’hôtel si nous sommes bloqués hors de Pékin pour une durée indéterminée.

Mais ici tout est toujours dans la nuance. Il n’est pas interdit de sortir de chez soi, il est juste fortement recommandé de ne pas sortir. On ne parle donc pas de confinement. Et c’est là que nous comprenons que les chinois ne sont pas (ou plus) si dociles que ça, il ne faut juste pas que ça se voit de trop. Par exemple il y a deux semaines nous sommes allés marcher sur la Colline Parfumée (c’est un peu nos 25 bosses de Pékin). La montée était assez calme, nous avons croisés peu de monde (pas trop surprenant car un chemin plus simple en escaliers aménagés permettait aussi de rejoindre le sommet et son panorama), mais une fois arrivés tout en haut, je vous laisse voir la vue côté pile… et côté face!

Les chinois sont toujours super bien équipés pour les pique-niques: ils n’hésitent pas à sortir la tente, les hamacs, et le barbecue (ce qui n’est pas autorisé en pleine nature…). Je vous laisse deviner comment reconnaître les français au milieu de tout ça: les seuls avec juste une nappe pique-nique et des sandwichs froids 😅. On pensait que l’on serait loin de la foule, pari perdu!

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Une idée de ce qu’il est recommandé de ne pas faire 😏

Comme évoqué plus haut, nous devons réaliser des tests PCR presque tous les jours (nous avons dû en faire une bonne vingtaine depuis début mai, et à l’instant où je vous écris ces lignes, je viens de recevoir un SMS annonçant que demain est une nouvelle journée de dépistage obligatoire). Heureusement, pour les jours de test obligatoire (il faut se faire tester même quand ça n’est pas obligatoire, sinon il n’est plus possible d’entrer où que ce soit, même chez nous), le management (je dirais l’équivalent du syndic en France) organise les tests au sein de la résidence (comprendre l’ensemble des buildings d’un même compound). Ce qui est très pratique et même plus sûr car l’expérience de Shanghai a montré que beaucoup de transmissions se faisaient dans les files d’attente pour les tests (c’est un peu l’histoire qui rend fou). Le fait de le faire dans l’enceinte de la résidence permet donc de limiter les mixages (même si on doit être plusieurs milliers d’habitants ici). Notre quotidien ressemble donc essentiellement à ceci, avec ses files d’attente…

… la prise des informations d’identité pour que notre résultat soit téléversé dans notre Healthkit (jiànkāngbǎo), ce qui a pour conséquence de créer un petit embouteillage derrière les occidentaux que nous sommes puisqu’il faut rentrer manuellement les informations de nos passeports (pour les chinois il suffit de prendre en photo leur pièce d’identité)…

… puis le test (heureusement pour nos narines, ils sont faits dans la bouche)

Ensuite tous les déchets sont emmenés dans de grands sacs jaunes. Laissez-moi vous partager ce cliché, à la fois drôle par le mode de transport, mais aussi posant question car c’est assez en décalé de toutes les contraintes sanitaires en vigueur ici…

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Très clairement nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, avec la peur d’un confinement strict à la shangaïenne, ou que l’un de nous soit positif (voir qu’une personne de notre immeuble soit positive, car le résultat serait le même au final), car ça serait arrivée à notre porte des dàbái (ce qui signifie « grands blancs », mot pour désigner les personnes en tenue de protection blanche) pour être emmené « de force » en quarantaine centralisée, avec juste quelques minutes pour préparer un sac. Pour une raison qui m’échappe, il arrive quelques fois qu’une rumeur (ayant toute l’apparence d’une information officielle) annonce un confinement imminent et l’arrêt des livraisons de nourriture. Nous avons donc, comme nos grands-parents qui ont connu la guerre, appris à faire des réserves alimentaires. Ce n’est pas si simple ici, car les chinois ont peu de conserves de légumes (sauf des haricots à la tomate, allez comprendre pourquoi). Ça n’est heureusement pas (encore) arrivé, mais nous nous sommes préparés au mieux, aussi bien logistiquement (nos placards et le congélateur n’ont jamais été aussi remplis) que psychologiquement.

Qu’allons-nous retirer de cette expérience? Très certainement pas vraiment ce que l’on est venu chercher. Je suis sur les starting bloc pour voyager, mais le risque est fort d’avoir à nouveau à décaler notre voyage prévu cet été dans le Yunnan. Cependant, malgré toutes les difficultés, nous avons construits ici une super vie sociale, aussi bien pour les grands que les petits. Mais à quel prix?! D’autant plus que c’était au moins aussi bien en France (on ne s’en rendait juste pas assez compte). Nous sommes par contre convaincus que nous reviendrons différents, beaucoup plus zen sur des sujets qui nous auraient faits partir au quart de tour auparavant. La résilience sera aussi une de nos caractéristiques, et malgré cette volonté d’enfermer le pays par rapport au reste du monde, nos enfants auront acquis une belle ouverture sur le monde.

 

8 réflexions au sujet de « Un mois de mai bien étrange »

  1. Merci Angélique pour ce fort témoignage: vous êtes nos yeux sur ce qui se passe à l’intérieur du pays!!!! Tu sais à merveille partager votre quotidien et quel quotidien…. Une chose est certaine, vous sortirez tous plus forts de cette expérience!!!! On pense ici bien à vous 4 et on vous envoie force, résilience et courage!!!! On est avec vous!!!!

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  2. Bravo pour ta vision positive des choses, je ne sais pas si j’en serais capable… Je vous embrasse (on peut par internet?) fort tous les 4 et courage!

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    1. nous avons appris la résilience ici, et mieux vaut voir le verre à moitié plein. Cela dit ça n’est pas facile tous les jours, mais on s’accroche! Nous t’embrassons aussi 🙂

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  3. Bon courage pour la suite, j’espère que tout va se terminer positivement et que vous serez plus libres dans vos déplacements. En tout les cas, vous vous débrouillez bien. Bises de Huy.

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  4. Pfiou, ton récit combiné aux infos qu’on a via la TV ici, témoigne bien de votre résilience. Car oui il en faut…
    On vous souhaite bon courage pour la suite. J’espère que vous allez bientôt retrouver un peu de liberté et pouvoir en profiter malgré tout.
    (Ps : j’ai été soulagée de lire que les test Covid étaient dans la bouche et pas dans le nez, car je me demandais comment vous pouviez supporter tout cela :// )

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    1. j’ai assisté à un des reportages de TF1, et le trait était quand même un peu grossi… Nous sommes encore très loin de ce qui s’est pas à Shanghaï, le plus dur pour nous étant finalement la peur qu’il se passe la même chose ici

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  5. On espère tous que la situation va s’arranger.
    Heureusement que tu nous a précisé les tests se faisaient dans la bouche 🤐 car je commençais à sérieusement m’inquièter pour vos conduits naseaux !
    Si je comprends bien, si la fièvre vous attrape pour quelque raison que ce soit, mieux vaut se terrer dans l’appartement.
    Ici, on ne parle presque plus du Covid, c’est l’Ukraine qui occupe les esprits et les ondes.
    Ce sale virus rode toujours, mais la version Omicron rend moins malade, peut être grâce aux vaccins.

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