Yunnan (云南) – Voyage le long du fleuve Yangtsé

Yunnan (云南) – Voyage le long du fleuve Yangtsé

Le fleuve Yangtsé (en pinyin Chángjiāng, ou 长江 en chinois) prend sa source dans les hauts plateaux arides du Tibet, pour se jeter ensuite à Shanghaï dans la mer de Chine Orientale, en ayant traversé toute la Chine. Avec une longueur de 6380km, c’est le plus long fleuve d’Asie, le troisième plus long fleuve du monde et le plus long au monde à couler entièrement dans un seul pays. Je vous l’avais bien dit: ici tout est « le plus grand/le plus haut/le plus long du monde ».

Les Gorges du Saut du Tigre (Hǔtiào Xiá en pinyin, 虎跳峡 en chinois) 🏔: Nous quittons à présent Shangri-La, direction « les Gorges du Saut du Tigre ». Avec une longueur d’une trentaine de kilomètres, ces gorges sont absolument spectaculaires: encastré entre le mont Haba (sommet à 5400m) et le mont enneigé du Dragon de Jade (sommet à 5600m), le fleuve Yangtsé franchit tel un énorme torrent pas moins de 18 rapides dans des paysages époustouflants. Des parois incroyablement verticales étranglent le fleuve, par endroit il doit il y avoir pas moins de 2000m de dalle, un véritable paradis pour les grimpeurs. Cette zone est si magnifique qu’elle fait partie des 15 « aires protégées des 3 fleuves parallèles » classées au Patrimoine mondial de l’Unesco.

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Vue panoramique sur le Mont enneigé du Dragon de Jade (5600m)

C’est toujours aussi impressionnant d’être entre ces deux sommets culminants à plus de 5000m d’altitude, sans même voir de la neige. Mais rappelons que nous sommes ici à une latitude équivalente à celle du milieu de l’Algérie, soit beaucoup plus bas que celle du Mont Blanc 🏔⛰🌏.

Mais d’ailleurs, savez-vous d’où vient ce nom de « Gorges du Saut du Tigre »? Ce nom provient d’une légende, celle d’un tigre qui aurait franchi d’un bond le Yangtsé pour échapper à un chasseur. Pas bête, le félin aurait choisi le point le plus étroit (20m seulement), là où un rocher, le Tiger Leaping Rock, s’enracine au milieu des flots déchaînés.

Revenons donc à notre arrivée dans les Gorges, qui est déjà en soit une petite expérience dont seuls nos amis les Chinois ont le secret 🚗🚕🚌🚙. A l’entrée des Gorges, un énorme noeud de voitures nous attendait. En effet, il fallait d’abord arriver au niveau d’une personne auprès de qui l’on devait acheter nos tickets permettant d’entrer dans les Gorges (tout est payant ici). Ensuite, deuxième noeud de voitures avant d’aller montrer nos tickets à une personne dans une petite guitoune, afin de contrôler que nous avions bien pris nos tickets (n’oublions qu’ici le plein emploi est le mot d’ordre, quitte à avoir des emplois complètement inutiles). Et à nouveau, longue attente au milieu d’un tas de voitures, à attendre que l’on nous laisse passer pour accéder à la route longeant les Gorges, le tout après 2 heures d’embouteillages. C’est incompréhensible car autant sur certains sujets, comme par exemple la logistique, les Chinois sont imbattables, mais pour ce genre de gestion de flux, l’expression « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » n’a jamais été aussi vraie.

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Voir tout ce monde dans ces Gorges est très récent car jusqu’à la fin des années 1990, il n’y avait qu’un sentier muletier, qui a depuis été remplacé par la route que nous empruntons. Il y a à présent plusieurs façon de visiter les Gorges du Saut du Tigre: par en bas via l’itinéraire aménagé, toujours par en bas mais façon trail « pour aller toucher l’eau », ou encore par en haut façon trek. Pour contenter toute la famille, nous allons donc tester les trois méthodes! Pour nos enfants encore un peu ronchons quand il faut marcher, nous commençons par le chemin aménagé du bas, le fleuve étant particulièrement puissant et rugissant à cet endroit précis, étranglé entre la montagne Haba et la montagne du Dragon de Jade.

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Et puis tant qu’à aller sur les plateformes aménagées spécialement pour les photos TikTok (c’est une vraie institution ici), autant les utiliser aussi 📸

Pour remonter, 2 options: soit remonter par les escaliers en bois, soit remonter en escalator (si si, un vrai escalator a été installé pour descendre et remonter au parking, il faut ce qu’il faut). Nous avons donc laissé les enfants remonter avec Jeff en escalator, après qu’Augustin se soit laissé prendre en photo par une maman chinoise qui le trouvait très beau car il ressemblait à Harry Potter 🧙🏻🤓.

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Après cette première étape dans les Gorges, nous reprenons la voiture pour aller déjeuner dans une auberge plus le long de la route. Même si cette route avait été refaite récemment, il n’était pas rare de voir des morceaux de falaise s’étant détachés de la montagne pour tomber sur la route, et ça n’était pas juste des petits cailloux. Mieux valait ne pas se trouver en-dessous à ce moment-là!

J’ouvre ici une petite parenthèse sur les sanitaires en Chine. La plupart du temps, notamment dans les lieux publics, il s’agit de toilettes à la turque. Ce n’est pas ce que je préfère, mais au moins c’est plus hygiénique. De plus, le système de canalisation en Chine est si mauvais qu’il ne faut pas jeter le papier dans les toilettes, mais dans une poubelle à côté, même dans les habitations privées (bonjour l’odeur…). Troisième point, en Chine la notion d’intimité n’est pas la même que pour nous, à savoir qu’il n’y en a pas (ou du moins pas beaucoup). En allant faire une pause technique après le déjeuner, j’ai donc eu la joie de tester les latrines, mais grand luxe car il y avait des petits murets entre chaque. J’ai quand même demandé à Augustin de faire le guet pour que personne ne rentre alors que j’y étais…

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Après un bon déjeuner avec une superbe vue sur les Gorges, nous prenons la route mais dans une voiture plus petite que celle de Jeff, et qui ne passerait sans doute aucun contrôle technique, conduite par un de ces amis. Et en effet, la route qu’il fallut emprunter pour atteindre le début de notre rando était beaucoup trop étroite pour son van. La montée par cette route étroite était déjà une aventure en soit: route de montagne sans parapet, inclinaison sans doute supérieure à nos normes, et nous avons eu de la chance de ne pas croiser d’autres véhicules… Et vu les rochers que nous avions vus sur la route en contre-bas, nous espérions très fort que la route ne cède pas sous le poids de la voiture. Bref, nous sommes arrivés en haut sur le chemin de rando sans soucis 🥾! Ce sentier haut remplace l’ancien sentier bas, qui a été remplacé par la route goudronnée qui nous avions empruntée le matin. On ne côtoie pas ici le fleuve, mais on le domine du haut, voire de très haut, cheminant à flanc de montagne sur les basses pentes du Mont Haba.

Le trek complet se fait sur une journée, voire sur deux jours pour bien en profiter. La difficulté par temps sec est moyenne (et il devient très dangereux par temps de pluie), mais même si nous avons l’habitude de traîner les enfants avec nous les week-end pour randonner autour de Pékin, ce sont aussi leurs vacances donc nous avons opté pour ne faire qu’une partie du trek, sur un après-midi.

Les paysages sont grandioses, et impressionnants du fait de certains passages vertigineux. Pas de main courante ni corde pour sécuriser les passages aériens, nous comprenons mieux pourquoi cet itinéraire devient déconseillé par temps pluvieux: les pierres sont déjà très glissantes par temps sec, donc je n’ose pas imaginer si elles étaient mouillées. Et la terre argileuse dans les descentes rend le sol très glissant (même Julien nous a offert une figure artistique digne de ce nom en tombant avec Constance sur les épaules, pour ne pas qu’elle se fasse mal. Plus de peur que de mal, tout le monde va bien!).

Après la cohue du point de vue ultra fréquenté en bas, ici nous étions seuls au monde dans l’immensité des gorges. Enfin presque seuls, car les villages aux alentours sont constitués de fermes, et les flancs de montagnes sont les prairies des animaux de la basse-cour 🐂🐐🐓🐎.

En chemin, à peu près à mi-parcours, nous passons par un petit village où l’on s’arrête sur la terrasse panoramique d’un gîte à l’allure de gros refuge alpin. Nous y étions à peu près tous seuls, pourtant on sentait qu’ici fut un temps ça devait grouiller de monde. Il faut savoir que le sentier haut est plutôt empruntés par les occidentaux, plus amateurs de rando comme on les aime chez nous, où avoir un beau paysage se mérite au travers de l’effort. A contrario les chinois sont plus friands d’un accès facile à de beaux endroits à immortaliser pour leurs followers, le chemin aménagé du bas est donc tout indiqué. Etant donné qu’il n’y a plus de touristes étrangers en Chine, sauf les quelques de plus en plus rare expatriés, ces gîtes d’étape ne sont plus fréquentés comme ils l’étaient autrefois 😟.

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Après cette journée qui nous en mis plein les yeux et les jambes, nous arrivons à notre chambre d’hôte d’un soir. Un lieu que l’on ne devine pas de la route, caché à flanc de montagne, avec une vue imprenable sur les sommets, le tout rythmé par le cours du Yangtsé. Sans se concerter, Julien et moi retrouvons ici des sons et odeurs nous transportant dans le souvenir de notre voyage au Sri Lanka 🌴🌸🍃🎋🌺⛰🦎🦋. Après un délicieux repas (à base de produits du jardin) sur le toit-terrasse 🌄, nous avons longuement discuté avec la propriétaire du lodge (le bonheur pour nous de discuter avec des personnes parlant anglais, et pour elle de pratiquer la langue). Elle nous expliqua que la nouvelle route a fait grand bien pour les gîtes reculés comme le sien. En effet, auparavant avec l’ancienne route moins fréquentée (car en mauvais état), les touristes ne s’aventuraient pas trop loin des bords de route (sauf les étrangers notamment, plus en recherche de calme que nous amis chinois). Le COVID étant passé par là, presque plus personne ne venait donc dans ces petits lodges éloignés. Avec la nouvelle route, il y a plus de trafic, et les voitures roulent à une vitesse plus importante. Par conséquent, les gîtes trop proches de la route sont devenus trop bruyants, et donc moins attractifs, mais cela a fait le bonheur des autres plus reculés. Cela étant dit ce soir-là nous étions seuls, et très égoïstement nous avons beaucoup apprécié.

Le lendemain matin, Julien et Jeff se sont levés à l’aube pour descendre « toucher l’eau » comme ils disaient, façon trail cette fois-ci (moi je reste avec les enfants, car ce jour est un jour spécial 👦🏼🎂🔟). Une autre façon d’apprécier les lieux. Bizarrerie pour nous, arrivés au début du sentier de descente, Julien a dû payer son entrée à un monsieur qui attendait là. La raison? C’est lui qui avait tracé le chemin. En remontant, même histoire à l’entrée d’un autre sentier à un autre monsieur. Et même raison. Décidément, randonner ici semble encore être une activité à caractère exceptionnel.

Wumu (吾木): Au retour de Julien et Jeff, nous reprenons la route pour Wumu, notre gros coup de coeur des vacances, une véritable pépite, un voyage dans le voyage! Mais comme je vous le disais, ce jour est très spécial puisqu’Augustin souffle sa dixième bougie! Même si nous avons fêté ça comme il se doit avec ses petits camarades avant de partir, et même si son cadeau l’attend pour son retour de vacances, j’ai demandé à Jeff s’il était possible de trouver en chemin un gâteau, ou au moins quelque chose pour mettre une bougie dessus. Mais c’était sans imager l’expédition qui attendrait ledit gâteau! 🎒🎂🥾

La veille, Jeff nous avait expliqué que l’unique route menant à Wumu était en train d’être complètement refaite, et que par conséquent en temps normal elle n’était ouverte que deux fois par jour: de 12h à 13h, puis après 19h. Toutefois, la route ne pouvait à priori pas être dégagée pour nous permettre de passer avec la voiture le lendemain. Il nous demanda donc de préparer un sac à dos avec nos affaires pour les deux prochains jours, sa voiture restera avec nos valises à l’entrée du chantier non dégagé. Il nous faudra alors rejoindre à pied l’autre extrémité du chantier, où une autre voiture devait nous attendre. Bon… ça semble être un peu compliqué, mais après tout nous voulions sortir des sentiers battus, ce programme nous convient donc très bien! Il faut savoir aussi que le Huahuasei Lodge, là où nous passerons nos deux nuits à Wumu, appartient à Jeff, et au fur et à mesure du voyage nous nous sommes rendus compte qu’il connaissait à peu près tout le monde dans la région, qu’il connaissait comme sa poche. Donc aucune inquiétude, nous nous savons entre de bonnes mains. Après un passage par Lijiang pour acheter un ÉNORME gâteau d’anniversaire (là j’espère très fort que le passage à pied avec les sacs à dos ne sera pas trop compliqué…), où nous avons aussi déjeuné avec Wendy, l’épouse de Jeff qui est aussi une compatriote belge, nous reprenons la route en direction de Wumu.

La route est longue, et nous faisons un arrêt tourisme à « Blue Moon Valley ». Il s’agit d’un lac très prisé, du fait de l’eau d’un bleu turquoise éclatant (photo non retouchée), au pied de la montagne du Dragon de Jade.

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Et donc comme vous pouvez vous en douter… les rives du lac étaient noires de monde! Il faut dire que le lieu se prête particulièrement bien à de jolies photos, même s’il n’est pas simple de n’avoir personne d’autre dessus! 📸💧

Ce qui était assez drôle, c’est le nombre impressionnant de couple de futurs mariés venus avec un photographe pour immortaliser l’évènement. Prendre des photos pour les occasions spéciales est une vraie religion en Chine (et ça n’est pas moi qui le dit!), les mariés prévoient donc en général une journée (voir plus) pour faire les photos dans les plus beaux endroits possibles. Nous avons croisé au moins 40 couples de futurs mariés (ou pas en fait, car finalement rien n’empêche de choisir une tenue de marié(e) plutôt qu’une autre pour sa séance photos!), et c’est toujours très amusant de voir une jeune femme bien maquillée et en robe de mariée, relever sa robe pour marcher sans trébucher, et de découvrir qu’en dessous elle est en legging et claquettes en plastique 🧖🏻‍♀️🩴.

A y regarder de plus près, l’ensemble a été fortement aménagé, et n’a donc plus grand chose de naturel. Le lac a été creusé plus encore pour qu’il n’y ait plus que du sable au fond, afin d’accentuer la couleur turquoise. Les cascades en terrasse, au départ complètement naturelles, ont été aménagées pour les rendre plus régulières, plus esthétique.

Mais ça n’en reste pas moins très joli lieu, parfait pour le plaisir des followers sur les réseaux sociaux, et ce qui montre aussi ce que l’on veut sur ses photos, l’envers du décor étant bien moins glamour que l’image que l’on souhaite montrer.

La famille s’est prêtée à ce jeu, même si nous avions du mal à garder notre sérieux 😅

Allé hop, c’était joli, mais nous on préfère s’isoler au milieu de nul part. Nous reprenons donc la route avec Jeff et le gâteau (si si), et nous roulons jusqu’à ce que la route sous complètement bloquée. Deux heures de marche plus tard, avec des enfants demandant toutes les 2 minutes « quand est-ce qu’on arrive? », le gâteau est sain et sauf (pourtant ça n’était pas gagné!)

Arrivés enfin de l’autre côté, le neveu de Jeff, qui devait nous retrouver avec une autre voiture, n’était pas monté si haut (Jeff nous disait en rigolant que son neveu était un fainéant), mais pas de soucis, un ouvrier va nous y conduire avec son camion de chantier, qui sentait aussi fort le carburant et l’huile que ses amortisseurs étaient inexistants.

Quand nous retrouvons un véhicule plus traditionnel, nous pouvons admirer la vue qui s’offre à nous à chaque virage.

Construit sur un rocher (à présent bien caché par les maisons), Wumu est un village de 600 âmes offrant une superbe vue sur la vallée creusée par le Yangtsé, et sur toute la région de Baoshan. Et cette vue est encore plus impressionnante depuis la terrasse du Lodge de Jeff! Le village a beau être à 2200m d’altitude, en hiver les températures ne descendent pas en dessous des 15°C, c’est donc un climat idéal en toutes saisons. On ne vient pas ici par hasard. On y vient spécialement, dans un but précis : on s’y pose loin de tout, on contemple, on randonne.

Ce très joli Lodge appartient donc à Jeff et Wendy. Quand ils ont racheté l’ancienne habitation il y a quelques années pour une bouchée de pain, il n’en restait plus grand chose, la maison ayant été en grande partie dévastée par un incendie. Avec l’aide des artisans du village, ils ont tout reconstruit, pour ensuite ouvrir en 2014 ce Lodge, qui est d’ailleurs le seul endroit du village accueillant des touristes. Tout ici a été fait sur place, y compris les meubles, parfois par des gens n’ayant jamais mis les pieds dans un hôtel de leur vie. Mais cela donne un vrai cachet à cette maison, qui est chaleureuse, confortable, fonctionnelle, et qui plus est très belle.

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Petit privilège du début de saison, nous étions tous seuls, et ça n’a pas de prix quand on est en Chine. Et aujourd’hui étant un jour spécial, on s’autorise donc un petit apéro comme chez nous 🍻🇧🇪, avant un succulent repas, avec pour dessert… le gâteau miraculé🎂🎉!

Laissez-moi vous parler un peu plus de Wumu (signifiant « lieu d’abondance »), village qui, vous l’aurez compris, nous avons vraiment adoré. Ici, comme dans la région autour de Lijiang, la grande ville des environs, vit la minorité Naxi (纳西族). Les Naxi, d’origine nomade, possèdent leur propre religion, le dongbaïsme, dont le culte de la nature, et plus particulièrement des eaux et des montagnes, en sont les fondements. Les prêtres, les dongba, sont des shamans, et il y en aurait encore pas moins de neuf actifs dans cette vallée. Pour exprimer leurs coutumes et transcrire leurs écrits, les Naxi utilisent une écriture vieille de plus de 1000 ans, qui se compose de pictogrammes inspirés de la nature. Pas de caractères abstraits comme dans l’écriture chinoise, mais des caractères représentant le mot de façon graphique. Contrairement à l’écriture chinoise qui a beaucoup évolué au fil des millénaires et est donc devenue très abstraite, celle-ci est restée originelle et reste donc beaucoup plus intuitive à lire.

Le cours du Yangtzé passe en contrebas de Wumu, Dans cette boucle du fleuve, le gouvernement central prévoyait la construction de huit barrages, principalement afin de doter les grandes villes du sud en électricité (jusqu’à récemment, le village n’était pas alimenté en électricité). Deux barrages ont été terminés en 2012 : Liyuan et Ahai. Cela a fait monter le niveau du fleuve, inondant ainsi les cultures aux abords du cours d’eau. Les paysans impactés sont depuis indemnisés par le gouvernement par une prime de ¥30 000/an (soit un peu plus de 4 300€), ce qui leurs suffit amplement pour vivre dans cette région si reculée. Regroupés en 5 clans principaux, les paysans ici élèvent principalement des cochons, le jambon étant d’ailleurs une des spécialités locales 🐷. Ils cultivent du blé et maïs (pour nourrir le bétail), mais aussi beaucoup de tabac (beaucoup de familles ayant d’ailleurs ici signé un contrat avec China Tobacco), ainsi que des légumes et des fruits. Ici tous les villageois sont donc des agriculteurs, vivant de manière encore très traditionnelle, avec des liens familiaux très forts. Evidemment, tout comme chez nous dans nos villages isolés, 40% de la population officielle de Wumu vit en réalité à Lijiang (ce qui est d’ailleurs le cas de Jeff et Wendy), pour être plus proche des écoles pour leurs enfants (en Chine, les familles accordent énormément de moyens pour donner la meilleure éducation possible aux enfants. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison que beaucoup de jeunes chinois ne veulent pas d’enfants, car leur éducation coûte beaucoup trop cher).

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Les champs de tabac
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Les cultures en terrasse

Revenons à notre périple. Après une bonne nuit de sommeil et un très bon petit déjeuner (avec en prime du pain frais, du Nutella et de la confiture maison, ce qui est suffisamment rare en Chine pour le souligner), nous partons randonner vers les rives du Yangtsé. Ici les distances à vol d’oiseau peuvent être courtes pour aller d’un endroit à un autre, alors qu’il est souvent nécessaire de prendre la voiture sur plusieurs dizaines de kilomètres pour aller de ce même point A au point B. Ainsi, pour faciliter les déplacements entre les différents villages (Jeff était auparavant maire de Wumu), mais aussi pour développer son activité, Jeff nous raconta qu’il avait fortement amélioré l’été précédent la praticabilité des chemins de randonnées des environs (et vu la situation très reculée des lieux, cela a été fait manuellement, avec l’aide des villageois). La descente était par endroit très raide donc pas toujours aisée (du moins pour moi, Julien et Jeff étaient comme des cabris, et Constance était le plus souvent sur les épaules de l’un ou de l’autre), mais quel paysage magnifique s’offrait à nous! 🏞⛰🥾

Nous descendons ainsi jusqu’à arriver au bord du fleuve, où un vieux bateau de pêcheur nous a rejoint pour nous emmener ensuite au village de Baoshan, à 40 minutes de navigation de là 🛥. Cet été est aussi ici particulier: plus sec et plus chaud. Malgré que nous soyons en plein milieu de la saison des pluies, le niveau du fleuve est déjà très bas, laissant à l’air libre une terre complètement asséchée 🌞🌞😟.

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Notre embarcation nous dépose ensuite en bas du village de Baoshan, que nous atteindrons après une montée en plein cagnard, à pied pour les grands, et à dos de poney pour les petits 🦄.

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en montant vers Baoshan…
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Baoshan vu de loin

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Le village de Baoshan, aussi surnommé « le village de Pierre », est installé sur un énorme rocher (un autre!), surplombant le fleuve Yangtsé. Ses petites habitations sont étroitement collées les unes aux autres, et avec ses petites ruelles tortueuses, le village donne une impression de désordre. C’est si calme ici aussi! C’est tellement salutaire quand on vient du fourmillement incessant de la capitale.

En penchant la tête par-ci par-là, on découvre par les portes laissées ouvertes de magnifiques petites habitations, et nous pouvons apprécier la vie quotidienne du village, si paisible.

C’est ici que nous prenons notre déjeuner, encore une fois dans un lieu que seuls les initiés peuvent connaître. Comme dans tous les endroits où Jeff nous emmène, nous apprécions toujours un peu plus la nourriture chinoise, riche en légumes (parfait pour moi), avec des viandes en sauce très parfumée, à base d’herbes et d’épices dont nous devons apprendre les secrets avant de rentrer en Europe. Par contre, c’est toujours un peu compliqué avec les piments 😅🌶🥢.

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Et en bonus, une vue magnifique pour ce déjeuner

Pour la suite, deux options s’offrent à nous: soit retour à pied, avec montées et passages vertigineux, soit retour en voiture avec le neveu de Jeff. Vu la chaleur, la fatigue des enfants et ma tendance à avoir le vertige, Julien et Jeff partent à pieds, et nous les retrouverons un peu avant Wumu. Les photos de Julien sont superbes, mais en effet j’aurais probablement été incapable de passer par certains endroits effectivement très aériens (d’autant plus avec des enfants à gérer en plus de moi-même 😱.)

De notre côté avec les enfants, nous remontons tout le village pour trouver le neveu de Jeff, et une route aussi en travaux…

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Avec le ralentissement dû aux travaux et la nécessité de devoir contourner toute une montagne pour rejoindre Wumu, ça n’était pas beaucoup plus rapide de prendre la voiture 😅🚘🥾.

C’est donc avec regret que nous quittons Wumu le lendemain matin, mais encore à pied, pour le plaisir d’en profiter jusqu’au bout! Cela se passe de commentaires, les images parlent d’elles-mêmes…

Un minibus nous attendait à un village plus loin, pour nous ramener à la voiture de Jeff, restée bloquée par les travaux deux jours plus tôt. Car, bonne nouvelle, la route est ouverte aujourd’hui, mais il ne faut pas rater le créneau!

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Lijiang (丽江市): retour vers la civilisation, prochaine étape, mais aussi la dernière avant de partir vers le sud du Yunnan: Lijiang (signifiant: la ville du beau fleuve). La vieille ville de Lijiang est une ancienne ville absolument charmante. Bien que détruite en grande partie en 1996 suite à un tremblement de terre, elle s’est vite reconstruite, notamment grâce à son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. Lijiang est le centre de la minorité Naxi, à la culture, nous l’avons vu, très spécifique. Ancien centre d’échanges importants sur la route du thé et des chevaux, et relié avec le Tibet et la Birmanie, Lijiang est toujours aussi riche, et peut-être trop : Lijiang est devenue ces dernières années une destination très prisée des touristes chinois, qui la considèrent comme une région très romantique et où voyager avec sa moitié y est très répandu. Cela est notamment dû à une légende locale racontant le suicide de jeunes gens dont l’amour était rendu impossible en raison de leurs origines sociales différentes. Lijiang abrite aujourd’hui de plus en plus de boutiques, de bars et de restaurants, rendant certains quartiers beaucoup trop bruyants et occultant le cachet de cette vieille ville. Lijiang n’en reste pas moins un ville très jolie, avec ses nombreux canaux qui lui confèrent un air de Venise asiatique.

L’un des clichés les plus célèbre de Lijiang est celui de l’étang du Dragon noir, avec son pont blanc de style oriental, sa pagode, et en arrière-plan la montagne du Dragon de Jade .

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Ce jour-là, comme tous les autres d’ailleurs, il faisait une chaleur de plomb. Nous nous sommes mis à la recherche d’un marchand de glace, mais ici ça n’est pas si simple, les chinois n’étant absolument pas adeptes du sucré. Finalement, nous trouvons cette curiosité: un robot qui nous sert de très bonnes glaces à la fraise 🍓🍦🤖.

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Avant de clôturer ce second volet de notre voyage, nous faisons 2 petits détours à côté de Lijiang.

Tout d’abord par Baisha, signifiant littéralement « le sable blanc », situé au nord de Lijiang. Avant 1270, Baisha était la capitale du royaume Naxi. Les ancêtres des Naxi traversèrent la rivière Jinshajiang (aussi connue comme la rivière au sable d’or), descendirent la montagne du Dragon de Jade puis entrèrent dans le bassin de Lijiang. Le premier lieu où ils s’installèrent et développèrent leur culture fut Baisha. A présent cette petite ville à l’architecture très typique, est surtout très animées par des petites boutiques d’objets d’antiquité, ainsi que d’objet faits main. Mais surtout, ce que nous retiendrons de Baisha c’est cette magnifique vue sur la montagne enneigée du Dragon de Jade, avec le ciel rosé du coucher de soleil.

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Un second détour nous emmène à Yuhu, qui est aussi le village qu’avait choisi l’explorateur Joseph Rock pour s’installer. En effet, botaniste de métier, le Dr. Rock est venu ici en mission pour étudier les plantes de la Montagne du Dragon de Jade. Lors de ce voyage, il tomba amoureux de la région, de ses habitants et de sa culture, et décida alors de s’y installer. Il habitera au village de Yuhu pendant 27 ans. À partir de 1922, il commença un énorme travail de recherche sur la minorité Naxi locale, prit de nombreuses photos et rédigeât des articles pour le magazine « National Geographic ».

Cela fait maintenant un moins que cette étape de notre voyage s’est terminée, et nous en gardons un souvenir incroyable. Depuis, la situation a apparemment beaucoup changé. En effet, des amis ont suivi nos traces (ils y sont actuellement), et l’épidémie fait à présent aussi de l’ombre sur le Yunnan (juste pour une poignée de cas). Ils nous ont rapporté avoir vu une réelle différence entre leur arrivée là-bas il y a dix jours et maintenant: tout le monde reporte le masque, obligation d’avoir un test PCR de moins de 24h pour faire un check-in dans un hôtel, beaucoup d’établissements doivent fermer (notamment le Lodge de Jeff, ou encore tout Shangri-la). Shangri-la a d’ailleurs enregistré son tout premier cas depuis le début de l’épidémie, la psychose reprend, nous avons eu le nez creux en partant début juillet!

La suite du voyage: Xishuangbanna, dans le sud du Yunnan 😎

8 réflexions au sujet de « Yunnan (云南) – Voyage le long du fleuve Yangtsé »

    1. C’est un voyage magnifique que vous avez fait.
      À voir vos photos et lire ton récit, je ne suis pas certaine que j’aurai pu vous suivre partout comme tu t’en doutes !⛰️🩹
      Le gâteau d’Augustin n’a pas eu trop chaud ? 🎂🔥

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  1. Angélique, je reste baba (sans jeu de mots) devant la qualité de ton récit et de vos photos. Quel magnifique voyage tu nous fait partager! Bises à tous

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  2. Merci pour ce très beau récit d’aventure qui donne vraiment envie de vous accompagner.
    Continuer de prendre votre chance pour le prochain voyage. Prendre sa chance, c’est la vie passionnante de l’aventurier. . . . .
    Bises à vous quatre.
    Joël.

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  3. Angélique, tu es une guide géniale pour nous faire découvrir la Chine. On vit vos aventures. Merci encore pour ce beau partage et félicitations aux enfants.
    Bises à tous les quatre.
    Sophie

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  4. Bonjour ma chérie,

    Superbe voyage et magnifiquement raconté. J’adorerais faire ces randonnées, mais par contre les toilettes m’intéressent moins.

    gros bisous à tous

    Papa

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